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Lara Gut, une perle convoitée

Keystone

Lara Gut, nouvelle icône du ski suisse, suscite un grand intérêt chez les sponsors et les agences de marketing sportif. Mais la famille Gut veut garder l'emprise sur son joyau. Enquête à la veille des Mondiaux de Val d'Isère.

Mais où s’arrêtera donc Lara Gut? La question est sur toutes les lèvres à quelques jours du coup d’envoi des Championnats du monde de ski alpin. A seulement 17 ans, la Tessinoise n’en finit pas d’étonner.

Lara Gut s’est déjà offert le luxe de signer une victoire pour sa première saison au plus haut niveau. Dixième du classement général de la Coupe du monde, elle est la meilleure Suissesse sur les pistes depuis le début de l’hiver.

L’arrivée sur le devant de la scène du jeune talent est une aubaine pour le ski suisse. Hugues Ansermoz, chef de l’équipe féminine, est conscient de la chance unique qui se présente à lui: «Ca fait longtemps qu’il n’y a plus eu dans le ski une personnalité comme Lara. Le dernier qui me revient à l’esprit est l’Italien Alberto Tomba. En plus d’être talentueuse, elle est jolie, parle plusieurs langues et son caractère enthousiaste et direct est très apprécié par les médias».

De longues tractations

L’effervescence médiatique qui entoure Lara Gut ne laisse pas indifférent les sponsors. Beaucoup aimeraient voir leur nom associé à celui de la jeune championne. L’automne dernier, au terme de longues tractations, c’est une banque suisse qui a décroché le gros lot en devenant le partenaire principal de la championne.

«Lara Gut est le plus grand espoir du ski féminin. Jeune, dynamique et trilingue, elle représente à merveille les valeurs de notre banque», explique Philippe Thévoz, porte-parole de Raiffeisen.

Le contrat, dont le montant oscillerait autour des 200’000 francs annuels auxquels il faut ajouter les primes liées aux résultats, a été négocié directement par Pauli Gut, le père de Lara. Depuis toujours, c’est en effet lui qui s’occupe des intérêts de sa fille, que ce soit sur ou en dehors de la piste.

Résistance aux sollicitations

Pourtant, nombreux sont les managers sportifs à avoir déjà frappé à la porte de la famille Gut. Armin Meier, directeur de la filiale suisse d’IMG, puissante multinationale spécialisée dans l’événementiel sportif et la représentation des athlètes, ne cache pas son intérêt pour Lara Gut.

«Mais nous n’avons pas encore mené de discussions avec la famille Gut», tient-il à préciser. Des sportifs aussi prestigieux que Roger Federer, Maria Sharapova, Tiger Woods ou Fabian Cancellara sont actuellement sous contrat avec IMG.

Ralph Krieger, directeur de l’agence GPS Performance à Lausanne, responsable de la promotion de plusieurs skieuses dont l’Américaine Lindsey Vonn, a également manifesté son intérêt auprès du clan Gut.

Mais pour Pauli Gut, il n’est pas question de céder à ces nombreuses sollicitations. «Après une discussion en famille, on a décidé de continuer de s’occuper nous-mêmes des intérêts de Lara. Quand le temps à disposition nous fera défaut, peut-être envisagera-t-on de changer de stratégie. On a d’ailleurs déjà tenté quelques expériences».

Mauvaise expérience

Parmi les expériences, celle d’Oliver Bernhard, un Allemand engagé en début de saison pour gérer l’image du prodige, a été un échec. Très critiqué par la presse de boulevard alémanique pour ses méthodes peu conventionnelles – il aurait notamment fait payer des journaux pour la diffusion de photos de Lara Gut -, il a été remercié par le clan Gut au mois de décembre.

«Ca fait partie de l’apprentissage. Quand on a besoin de financer un Team privé comme le nôtre, il faut trouver des solutions. Mais nous n’avons peut-être pas choisi la bonne personne», explique Pauli Gut.

Si Lara Gut suscite autant d’intérêts chez les sponsors, c’est aussi dû au fait que son aura a déjà dépassé les frontières de la Suisse. «Nous étions dernièrement à Zauchensee, en Autriche. C’était incroyable de voir à quel point tout le monde s’intéresse à elle», affirme Hugues Ansermoz. «Les autres nations se réjouissent de son avènement et savent que c’est positif pour le ski en général».

Sur les traces de Federer?

Lara Gut peut-elle rêver de devenir un jour une icône planétaire, dépassant le cadre du sport, comme l’est Roger Federer? «Jamais un skieur n’aura la résonnance internationale d’un tennisman ou d’un footballeur car les pays qui suivent ce sport sont trop peu nombreux. Mais si elle continue à faire de bons résultats et qu’elle arrive un jour à briller aux Jeux olympiques, elle peut connaître une belle notoriété dans les autres pays alpins», affirme Ralph Krieger.

Le potentiel financier de Lara Gut est donc loin d’être comparable à celui de Roger Federer ou de Cristiano Ronaldo.

Selon les estimations du quotidien Le Temps, les revenus annuels des meilleures skieuses comme Anja Pärson ou Lindsey Vonn tournent autour du million de francs. «Les qualités de Lara pourraient la placer dans le haut de la hiérarchie», estime Ralph Krieger. Chez les skieurs masculins, seule une star comme Bode Miller peut prétendre à des sommes bien plus conséquentes (entre 3 et 7 millions de francs).

Du haut de ses 17 ans, Lara Gut peut entrevoir son avenir avec sérénité. «Mais, car il y a un mais, il faudra qu’elle ne commette aucune erreur de communication, de conduite ou d’éthique», tient à préciser Ralph Krieger. Des éventualités totalement écartées par Pauli Gut. «Lara est une fille très intelligente. De plus, elle fait ce qu’elle aime avec une immense joie». Paroles de père.

swissinfo, Samuel Jaberg

Précoce. Lara Gut est née le 27 avril 1991. C’est à l’âge de un an et demi qu’elle chausse sa première paire de skis, à Airolo.

Famille. La jeune championne, qui mesure 1 mètre 60 pour 57 kilos, vit à Comano, au-dessus de Lugano, avec sa mère, Gabriela, enseignante d’éducation physique, son père, Pauli, également instituteur, et son petit frère Ian.

Cultivée. Lara Gut est inscrite à l’école professionnelle pour sportifs d’élite de Tenero où elle prépare une maturité commerciale. Elle parle couramment l’italien, l’allemand, le français, l’espagnol et l’anglais.

St-Moritz. Pour sa première participation en Coupe du Monde, en février 2008, lors de la descente de St-Moritz, elle est montée sur la 3e marche du podium malgré une chute à quelques mètres de l’arrivée.

St-Moritz (bis). Cette saison, Lara Gut a obtenu sa première victoire en Coupe du monde sur cette même piste de St-Moritz, mais en super-G. Elle a également signé une 3e place lors du géant de Semmering, en Autriche.

Cocon. Comme d’autres championnes de ski avant elle (Janica Kostelic, Anja Pärson…), Lara Gut a fait son apprentissage sous l’aile protectrice de son père. Une équipe privée entoure actuellement la jeune championne. Durant les compétitions, le Team Lara Gut intègre la structure de la fédération suisse de ski.

Quintette. Cinq personnes composent l’encadrement privé de Lara Gut. Pauli Gut, son père, l’entraîneur Mauro Pini et un serviceman mis à disposition par sa marque de skis, suivent Lara tout au long de la saison. Un préparateur physique ainsi qu’une physiothérapeute sont employés de manière temporaire.

Coûts. La structure qui entoure Lara Gut coûte entre 300’000 et 500’000 francs par année. La fédération suisse de ski prend en charge les frais d’entraînement estival et les frais d’hébergement de Lara Gut ainsi que de son entraîneur Mauro Pini lors des compétitions.

Sponsors. Seul l’espace sur le casque respectivement le bandeau de Lara Gut peut être occupé par un sponsor privé. La combinaison est réservée pour les sponsors de la fédération suisse de ski.

Produits dérivés. Casquettes, bonnets, stylos, t-shirts: le site de Lara Gut propose de multiples accessoires à l’effigie de la championne.

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