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Le chef de l’armée contre-attaque

Face à la presse, Roland Nef est apparu en civil. Keystone

Roland Nef a décidé de traîner la presse en justice. Le commandant de corps ne supporte plus les attaques dont il est l'objet. Il reconnaît avoir donné de l'argent à son ex-compagne, mais il refuse catégoriquement l'accusation de l'avoir «achetée».

«On me tire dessus, on vise le gouvernement, on empoisonne le climat de nos institutions et on atteint surtout ma famille et mes amis. La mesure du supportable est dépassée. Je ne suis plus d’accord de subir cela sans rien dire. Ça suffit !», lance Roland Nef jeudi devant la presse.

S’estimant victime d’une campagne de diffamation, il a voulu présenter sa version des faits, tout en se barricadant derrière le secret de la sphère privée et de la justice lorsque les questions devenaient pointues.

Ainsi, le chef de l’armée admet avoir versé de l’argent à son ex-compagne dans le cadre de la procédure qui l’opposait à elle. Il s’agissait d’une indemnité telle que la prévoit l’article 53 du Code pénal et d’«un moyen légal de s’excuser». Ce geste a conduit au classement le 23 octobre 2007 de la plainte déposée en septembre 2006 par la femme avec qui il a partagé un moment de sa vie.

«Mon ex-compagne et moi souhaitons tirer un trait sur cette affaire et mener chacun son chemin en paix». Insinuer qu’il aurait cherché à faire taire cette femme, c’est vouloir discréditer son intégrité et sa crédibilité, se plaint Roland Nef.

Mais il ne dira pas combien il a payé. Ni si le ministre Samuel Schmid était au courant de ce versement.

Une plainte, et peut-être d’autres

Comme l’avaient annoncé ses avocats en matinée, le commandant de corps va traîner la presse en justice. Une plainte pour atteinte à la personnalité a été déposée jeudi contre le tabloïd Blick. Et d’autres pourraient suivre.

Selon le juriste des médias Peter Studer, cette démarche a de bonnes chances de succès. Le journal devra désormais prouver qu’il y avait un intérêt public à publier cette histoire. Et la question de la source devra aussi être abordée.

Tout en reconnaissant être un personnage public soumis à de hauts devoirs en matière de comportement éthique et d’intégrité morale, le chef de l’armée revendique le droit au respect de sa sphère intime. C’est dans cette dernière catégorie qu’il range la procédure qui l’a opposé à son ex-compagne.

Cette affaire n’a aucun lien avec ses fonctions officielles mais relève du «domaine privé de deux personnes adultes qui ont eu une relation amoureuse intense». L’officier n’a donc rien voulu laisser filtrer. Ses avocats avaient déjà fait savoir que la plainte de son ex-compagne ne portait pas sur des violences conjugales.

Tout au plus Roland Nef reconnaît-il que la séparation a été difficile pour lui, qu’il n’a pas toujours agi de manière raisonnable et qu’il n’est «pas un surhomme».

Pas de démission

Pas question non plus pour lui de démissionner. «Comme auparavant je sens un grand soutien dans l’armée mais aussi dans la population», affirme-t-il. Et d’assurer qu’il peut aussi compter sur Samuel Schmid avec lequel il a des contacts réguliers. «Aussi longtemps que j’ai la confiance du gouvernement, je conduirai l’armée».

Les regards risquent désormais de se focaliser sur le ministre de la Défense, qui n’est toujours pas apparu en public pour commenter l’affaire. Pour Peter Studer, la question centrale reste en effet de savoir si Samuel Schmid n’aurait pas dû informer le gouvernement qu’une procédure était en cours contre Roland Nef lorsqu’il a été nommé en juin 2007.

Le ministre s’expliquera devant ses collègues «à la prochaine occasion», soit lors de la séance du 20 août. Il devrait aussi aborder l’affaire devant les commissions de politique de sécurité des deux Chambres du Parlement, qui siègeront les 18 et 25 août.

De leur côté Les Verts réclament une séance extraordinaire des deux commissions dans les plus brefs délais et un débat sur la situation de l’armée lors de la session parlementaire d’automne.

swissinfo et les agences

Le 8 juin 2007, sur proposition du ministre de la Défense Samuel Schmid, le gouvernement nomme Roland Nef chef de l’armée.

Ce que personne ne sait à ce moment, c’est que le commandant de corps fait l’objet d’une enquête pénale. En septembre 2006, son ex-compagne l’a dénoncé pour harcèlement. Selon la presse, il a mal supporté leur séparation et l’a assaillie de téléphones, de SMS et de messages électroniques.

Samuel Schmid était au courant, mais il n’a rien dit à ses collègues du gouvernement. Roland Nef lui avait donné l’assurance que cette affaire serait réglée avant son entrée en fonctions, prévue pour le 1er janvier 2008.

L’enquête a effectivement été classée à l’automne 2007, les deux parties ayant trouvé un accord à l’amiable. Selon la Radio alémanique DRS, Roland Nef aurait versé plusieurs milliers de francs à son ex-compagne à titre de réparation, comme cela est prévu à l’article 53 du Code pénal.

Jeudi, le chef de l’armée confirme avoir versé de l’argent à son ex-compagne. «Il s’agissait d’une indemnité et non d’un moyen de la faire taire», déclare-t-il, tout en refusant de préciser le montant.

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