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Le cinéma suisse entre Hollywood et Landsgemeinde

Dès cette année, la remise des Quartz, les Oscars suisses, n'aura plus lieu lors des Journées de Soleure, mais à Lucerne lors d'un gala glamour.

Pour la première fois depuis 1998, le Prix du cinéma suisse ne sera plus remis lors des Journées cinématographiques de Soleure. Mais sa mise à la mode d'Hollywood, avec Oscars et gala, ne va pas sans quelques soucis d'ordre financier.

C’est au prestigieux Centre des congrès et de la culture de Lucerne que les Quartz – les Oscars helvétiques – seront remis le 7 mars prochain. Avec paillettes et tapis rouge.

Cette série de distinctions sera ainsi «glamourisée». Comme le voulait Nicolas Bideau, le Monsieur Cinéma de la Confédération.

En attendant, Soleure servira de cadre à une «Nuit des nominations» vendredi soir. Destinée à intensifier le suspense médiatique, elle sera l’occasion de faire connaissance avec la toute jeune académie du cinéma suisse, créée en mai 2008.

C’est elle qui, pour la première fois cette année, a donné son avis sur les meilleures productions de l’an écoulé. Conformément à ce que la branche réclamait depuis longtemps.

Et là aussi, Hollywood a servi de référence puisque, comme pour les Oscars, c’est un collège de professionnels – 250 en Suisse, plus de 5000 aux Etats-Unis – qui a statué.

Financer l’académie

Mais l’importation du modèle hollywoodien ne va pas sans poser quelques problèmes. D’abord parce qu’il implique le transfert du processus de nomination du public au privé.

L’Office fédéral de la culture (OFC), qui en est responsable depuis 2004, est prêt à passer le témoin à l’académie dès 2010. A condition que celle-ci parvienne à trouver les moyens de son indépendance financière. Or à ce sujet, c’est précisément vers… l’OFC qu’elle se voit contrainte de se tourner.

«Nous avons réussi à nous autofinancer cette année, mais cela a été possible grâce à une association. Pour la suite, on espère une contribution de l’OFC pour l’administration car il est difficile de trouver des sponsors pour cela. Le fonctionnement de l’académie revient à environ 150’000 francs», explique sa secrétaire générale Jris Bischof.

Du côté de l’OFC, on se montre ouvert à une participation, mais dans une proportion qui reste à déterminer. Pour mémoire, Nicolas Bideau avait avancé cet été une proposition tournant autour de 50% du budget.

Financer la remise des prix

Autre aspect incontournable du tant souhaité glamour, le gala de remise des prix du 7 mars prochain. Retransmis à la télévision en direct par trois chaînes nationales, il vise à améliorer la visibilité du cinéma helvétique auprès du public.

Mais là aussi se pose le défi du financement. L’OFC patronne encore la cérémonie cette année en y investissant notamment 450’000 francs pour la dotation des prix. Ces prochaines années cependant, il est prévu que le soutien des pouvoirs publics aille en diminuant.

Le diffuseur national SSR SRG idée suisse s’est lui engagé à prendre en charge le coût total de la soirée, qui sera agrémentée d’extraits de films et de reportages sur le cinéma helvétique. Ceci pour les trois prochaines années. Implication de sponsors oblige, le budget est toutefois classé top seccret.

L’académie elle estime, comme l’a dit son président le cinéaste alémanique Fredi M. Murer, que l’organisation et le financement ne sont «clairement et manifestement» pas son affaire. Elle espère néanmoins que l’OFC ne retirera pas ses billes.

Une «Landsgemeinde du film»

Pour assurer l’avenir du Prix du cinéma suisse dans sa nouvelle forme, les différents partenaires concernés ont annoncé en début de semaine la création d’une société. Détenue à 51% par les Journées de Soleure et à 49% par l’association faîtière de la branche Cinésuisse, elle réunit l’OFC, la SSR, l’académie du cinéma suisse, ainsi que l’organe de promotion Swiss films.

Une usine à gaz? «C’est vrai que la proposition actuelle est un grand patchwork. Mais il ne faut pas oublier que l’un des buts est de pouvoir le réduire. Nous sommes en Suisse, donc cet aspect ‘Landsgemeinde’ se comprend. A terme, il s’agira d’arriver à une structure plus souple», indique Laurent Steiert, de la section cinéma de l’OFC.

Une évolution que pourrait aussi connaître l’académie du cinéma suisse. Comparée à une «Landsgemeinde du film» par Fredi M. Murer, elle constitue un espace où tous les représentants de la branche peuvent s’exprimer. Avec ce que cela implique de tiraillements et de lenteurs.

Pour la procédure de nomination par exemple, les membres sont pour l’instant tenus de visionner tous les films – longs et courts métrages -, ainsi que tous les documentaires en lice. «En ont-ils le temps? s’interroge Jris Bischof, ne vaudrait-il pas mieux former des comités spécialisés?». L’académie a prévu une discussion à ce sujet ce printemps. Qui sera démocratique, elle y tient.

Carole Wälti, Soleure, swissinfo.ch

Histoire. Le Prix du cinéma Suisse a été instauré en 1997. Il a été remis pour la première fois en 1998 à Soleure. Dès cette année, il sera remis à Lucerne.

Objectif. Son but est de promouvoir la production cinématographique nationale.

Catégories. Il consiste en une série de distinctions qui récompensent le meilleur film de fiction et le meilleur documentaire helvétiques de l’année. Les meilleurs interprètes féminin et masculin, ainsi que les meilleurs court métrage et scénario sont également primés.

Fictions
2008 «Der Freund» de Micha Lewinsky.
2007 «Vitus» de Fredi M. Murer.
2006 «Mein Name ist Eugen» de Michael Steiner.
2005 «Tout un hiver sans feu» de Greg Zglinski.

Documentaires
2008 «Heimatklänge» de Stefan Schwietert.
2007 «Das kurze Leben des José Antonio Gutierrez» de Heidi Specogna.
2006 «EXIT, le droit de mourir» de Fernand Melgar.
2005 «Accordion Tribe» de Stefan Schwietert.

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