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Le déclin du secret bancaire fait peur aux Belges

Keystone

Les coups de boutoir portés par le G20 au secret bancaire, les mésaventures d'UBS aux Etats-Unis et les divergences d'interprétation de l'accord sur l'échange d'informations fiscales signé entre Berne et Paris poussent des Belges à rapatrier en masse leurs fonds placés en Suisse.

En 2004, la Belgique avait instauré une opération d’amnistie fiscale, baptisée Déclaration libératoire unique (DLU). Moyennant le paiement d’une pénalité de 6 ou 9%, suivant la nature et l’affectation des sommes régularisées, les contribuables qui ont rapatrié cette année-là leurs fonds placés à l’étranger ont reçu l’absolution du fisc.

Quelque 5,7 milliards d’euros avaient alors repris le chemin de la Belgique, principalement en provenance du Luxembourg et de Suisse, ce qui avait permis de renflouer les caisses de l’Etat à hauteur de 500 millions d’euros environ.

Malgré l’expiration de la DLU, les banques et les avocats fiscalistes belges sont de nouveau les témoins, depuis le début de la crise financière, d’importants rapatriements de fonds. Selon le quotidien flamand «De Morgen», la banque anversoise Delen, spécialisée dans la gestion de patrimoines privés, prévoit à elle seule le retour de 250 millions d’euros en 2009, soit six fois plus qu’en 2008.

Plus de deux milliards d’euros

Au total, extrapole «De Morgen», plus de deux milliards d’euros pourraient ainsi être régularisés cette année en Belgique, malgré les désavantages que cela risque de comporter. «On parle de plus en plus d’établir un cadastre des fortunes et de taxer dans ce cadre les plus-values privées sur actions», souligne l’avocate fiscaliste Mélanie Daube, du cabinet Afschrift.

Malgré tout, confirme-t-elle, «il y a plus de clients qui viennent nous voir aujourd’hui que les années précédentes» en vue de préparer le retour de leurs avoirs placés en Suisse. «Il y a des rapatriements vers la Belgique», confirme le Suisse Philipe Kenel, avocat à Lausanne et Bruxelles.

Deux raisons expliquent cette tendance. D’une part, la croisade du G20 contre le secret bancaire et les paradis fiscaux (et les remous qu’elle provoque en Suisse) a semé le doute dans l’esprit des épargnants – «les gens ont peur», souligne Philipe Kenel; d’autre part, l’Etat belge offre toujours des conditions alléchantes aux fraudeurs repentants.

A la DLU de 2004 a en effet succédé, en 2006, une nouvelle procédure de régularisation spontanée sans limite de temps, baptisée «DLU bis». Les résidents belges peuvent réintroduire leurs avoirs dans le circuit officiel moyennant le paiement de l’impôt dû sur les droits de succession qu’ils ont éludés ainsi que sur les revenus non déclarés du travail ou de leur capital (15% sur les intérêts, 25% sur les dividendes, etc.), augmenté d’une pénalité de 10%.

Discussions autour de la CDI

La situation pourrait encore évoluer lorsque la Belgique et la Suisse auront adapté leur convention préventive de la double imposition de 1978 aux critères de l’OCDE en matière d’échange sur demande d’informations entre administrations fiscales – le Ministère belge des finances fait état de «discussions en cours» depuis le mois d’août.

Dans la dernière livraison de son bulletin d’informations «Idefisc», le cabinet Afschrift note que cela pourrait jouer des tours aux (très nombreux) Belges qui sont propriétaires d’un chalet en Suisse.

Le nouvel accord permettra en effet au fisc du Plat pays de réclamer à son homologue helvétique des renseignements, ciblés, sur les biens immobiliers dont un contribuable belge soupçonné d’évasion fiscale est propriétaire en Suisse.

Des problèmes sont à prévoir pour les Belges qui ne pourraient pas justifier l’origine des fonds ayant permis l’acquisition d’un immeuble dans les sept années (c’est le nouveau délai de prescription des poursuites pour infractions fiscales) précédant l’ouverture de l’enquête.

«Ils risquent une imposition, à titre de revenus d’origine indéterminée, sur la valeur du bien suisse (…). Compte tenu du taux d’imposition applicable, des amendes et des intérêts de retard, les sommes réclamées par le fisc belge pourraient dans certains cas atteindre la totalité de la valeur de l’immeuble suisse», écrit l’avocat Thierry Afschrift.

Ceci explique-t-il cela? Parallèlement au rapatriement de fonds vers la Belgique, Philippe Kenel remarque déjà que de nombreux Belges «prennent domicile en Suisse», afin de pouvoir disposer à découvert de leurs avoirs et de se mettre à l’abri de mauvaises surprises. Mais tous n’ont pas ce privilège.

Tanguy Verhoosel, Bruxelles, swissinfo.ch

OCDE Mis sous pression par les poids lourds du G20 en avril 2009, de nombreux pays, dont la Suisse et le Luxembourg, ont accepté d’écorner leur secret bancaire en s’engageant à appliquer les «standards de l’OCDE» en matière d’échange, sur demande, d’informations bancaires entre administrations fiscales.

CDI Ces Etats ont accepté dans ce cadre d’adapter les conventions de prévention de la double imposition qui les lient à une multitude de pays.

Douze La Suisse est sortie de la liste grise des mauvais élèves en rémission de l’OCDE le 25 septembre dernier après la signature de 12 conventions élargies de double imposition.

UBS Le secret bancaire suisse a également souffert des pratiques plus que discutables de la grande banque UBS aux Etats-Unis et de la volonté du fisc américain d’obtenir une liste de 52’000 clients soupçonnés de fraude fiscale.

4450 Cette affaires s’est conclue le 19 août dernier par un accord extrajudiciaire prévoyant la livraison par la banque aux autorités d’informations concernant quelque 4450 comptes.

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