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Le Groupe pour une Suisse sans armée a 25 ans

Le GSsA lutte contre la guerre et la vente de matériel de guerre.

Le 26 novembre 1989, la Suisse se réveille avec la gueule de bois: plus d'un tiers des citoyens viennent de se prononcer pour l'abolition de l'armée de milice.

A l’origine de cette claque politique, le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA), qui commémore les vingt-cinq ans de sa création avec une fête samedi à Zurich et une autre le 3 novembre à Genève.

Aiguillon pour les uns, repoussoir pour les autres, le GSsA a connu une traversée du désert, mais se dit désormais plus pragmatique. Et pourtant, l’évocation de son nom fait toujours trembler les militaires.

Interrogée, la grande muette refuse de répondre. «Le GSsA est un mouvement politique qui demande la suppression de l’armée et nous n’avons rien à dire, ni le chef de l’armée, ni le ministre de la Défense Samuel Schmid», assure un porte-parole de l’Etat-major.

«En demandant la suppression de l’armée» dans les années 80, le GSsA a fait sauter un tabou, analyse Denis Froidevaux, vice-président de la Société suisse des officiers (SSO). Les rapports de force font partie du jeu démocratique. En ce sens, ce groupe a contribué à réformer le système.

35% de partisans

Le 27 novembre 1989, la Suisse se réveille incrédule. Le bloc communiste s’effondre et les Helvètes viennent de refuser l’initiative du GSsA «pour une Suisse sans armée et pour une politique de paix». Mais, avec 35,6% de voix, le texte a reçu le soutien de plus d’un million de citoyens.

Un résultat qualifié à l’époque de «sensationnel» par les initiants. Le groupe avait été fondé sept ans plutôt, le 12 septembre 1982, par une centaine de personnes issues des milieux de gauche et du pacifisme. Leur objectif: abolir l’armée.

L’«effet 11 septembre»

Depuis lors, le budget de l’armée a fondu de 60% et ses effectifs ont été réduits de moitié. En décembre 2001, une deuxième initiative réclamant l’abolition de l’armée est balayée par près de 80% des votants. Le conseiller national (député) écologiste et membre du comité du GSsA Josef Lang, appelle cela «l’effet 11 septembre».

Pour le mouvement commence alors une traversée du désert. Il reprend du poil de la bête avec les manifestations contre la guerre en Irak, en 2003. «Cela nous a sorti de notre isolement et une nouvelle génération s’est mobilisée.» Aujourd’hui, la majorité des militants ont l’âge du GSsA, moins de 30 ans, précise Josef Lang.

La dernière initiative, déposée en septembre, ne conteste plus l’existence de l’armée, mais les exportations de matériel de guerre. «Supprimer l’armée reste notre but à long terme. Mais nous sommes devenus plus pragmatiques. Pacifiste, le GSsA juge plus judicieux d’essayer d’empêcher la Suisse de participer à la terreur dans le monde», indique le conseiller national.

Le changement de tactique n’est pas passé inaperçu. «Au début, c’était un combat frontal. Voyant que la suppression pure et dure de l’armée ne passe pas, ils se livrent à une guerre d’usure», en s’opposant à l’achat d’avions de combat, ou à la détention de l’arme militaire à domicile, analyse Denis Froidevaux.

Service civil

Autre revendication, l’introduction du service civil comme alternative au service militaire, instauré finalement en 1996. Josef Lang y voit la grande victoire à mettre à l’actif du mouvement dans les années 90. Une victoire pour laquelle le Groupe «avait préparé le terrain.»

Aujourd’hui, le GSsA reste un «aiguillon indispensable» sur les questions militaires, estime le conseiller aux Etats (sénateur) Michel Béguelin (socialiste). «L’armée est un mal nécessaire, mais le GSsA rend la société attentive à ses dérives», explique-t-il.

Sa collègue et ancienne présidente du Parti radical (droite) Christiane Langenberger s’inscrit en faux: «Au parlement, nous sommes devenus suffisamment critiques sur les affaires militaires, nous n’avons pas besoin du GSsA». A son avis, pour le camp bourgeois, le groupe n’a pas fait office de moteur mais de repoussoir.

Dans l’opinion publique, la position de l’armée reste «fragile», souligne la Vaudoise. Il suffit d’un débat sur l’achat de nouveaux avions, comme celui qui se profile en décembre au Parlement, pour relancer les discussions passionnées, renchérit Michel Béguelin. «Si le crédit préparatoire à cet achat est inscrit au budget, nous lancerons une initiative», confirme Josef Lang.

swissinfo et Emmanuelle Robert, ATS

Le GSsA fait la fête samedi 6 octobre à la Rote Fabrik, à Zurich. Les Romands du GSsA célébreront, eux, le 3 novembre à l’Usine de Genève.

Le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) est un mouvement politique créé en 1982 à Soleure par une centaine de femmes et d’hommes dans le but de lancer une initiative populaire pour abolir l’armée suisse.

Depuis des années, il critique les exportations d’armes et la collaboration militaire de la Suisse avec des Etats en conflit.

En outre, le groupe s’oppose à la militarisation intérieure qui voit l’armée endosser de plus en plus de tâches de maintien de l’ordre et milite pour la suppression de l’obligation de servir.

Il compte environ 20’000 membres et sympathisants.

1989: initiative «Pour une Suisse sans armée»
refusée par 64,4%

1992: initiative «Contre les avions de combat»
refusée par 57,2%

2001: référendum contre la «Loi fédérale sur l’armée et l’administration militaire», loi qui permet l’envoi à l’étranger de soldats suisses armés pour des mission de paix
accepté par 51%

2001: initiative «Pour une politique de sécurité crédible et une Suisse sans armée»
refusée par 78,1%

Initiative «Pour un service civil volontaire pour la paix»
refusée par 76,8%

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