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Le loup: mission Plateau suisse

Isengrin est de retour en Suisse depuis 1995. Keystone

Déjà présent dans les Alpes, «il» a sans doute fait sa réapparition dans le Jura. Un promeneur assure même avoir observé un couple sur le Plateau ce mois-ci.

La certitude est que trois loups vivent actuellement en Suisse. La présence de trois autres individus au minimum est vraisemblable.

Le loup des contes de fée vit dans la forêt. Le loup des zoologues est, lui, moins regardant. Théoriquement, on pourrait le rencontrer partout, assure le responsable du suivi du loup au niveau fédéral.

«Il s’agit d’un animal très adaptable, tous les milieux lui sont favorables», précise Jean-Marc Weber. Zone largement la plus peuplée du pays entre monts jurassiens et Alpes, le Plateau suisse ne lui ferait donc pas peur.

«Un loup peut y vivre aussi, même si la densité humaine fait planer des risques de prédation élevés sur les animaux d’élevage, avertit Jean-Marc Weber. Il y aurait là une source potentielle de conflit plus importante que dans les Alpes ou le Jura.»

C’est pourtant bien là que la dernière observation en date la plus spectaculaire – bien que non vérifiée scientifiquement – a eu lieu.

A peine quelques jours avant la St-Valentin, un promeneur plutôt catégorique assure être tombé sur un couple du canidé sur le territoire de la commune de Donneloye, au sud-ouest du Lac de Neuchâtel. Et au beau milieu du Plateau Suisse.

Ex-Monsieur loup de la Confédération, Jean-Marc Landry a estimé l’observation tout à fait crédible et «à prendre très au sérieux». Pour l’affirmer, le biologiste se fonde notamment sur la description très détaillée donnée par le promeneur. Mais aussi sur la saison, qui correspond à la période du rut.

«Cette observation n’a pas été annoncée au service de la faune, tempère Jean-Marc Weber. Il faut la prendre avec des pincettes, mais je ne me prononce pas.»

Observé dans le Jura en 2004

Si l’incertitude demeure encore sur la présence de «Canis Lupus» sur le Plateau, le fait est beaucoup plus probable dans la chaîne jurassienne. Pour la première fois cette année, les services de la Confédération ont fait état d’au moins trois observations dans les cantons de Neuchâtel et du Jura en 2004. Des observations «restant à confirmer scientifiquement, mais qui paraissent sérieuses», selon Jean-Marc Weber.

Depuis qu’il avait été rayé de la carte de la Suisse au 19e siècle, le loup s’était fait oublier de la population helvétique jusqu’au milieu des années 90. Depuis, il fait son retour, plus discret sur son terrain de prédilection qu’à la une des journaux.

Avec un recul d’une dizaine d’années, un Jean-Marc Weber assez sceptique au départ estime maintenant qu’on a très probablement affaire à une colonisation naturelle.

«Il faut toujours rester prudent face au possibles lâchers clandestins, constate le spécialiste. Il y a des antécédents, avec le lynx surtout. Mais aujourd’hui, le faisceau d’éléments en faveur de la colonisation naturelle est solide.»

D’abord, le loup montre une faculté de dispersion étonnante à travers le territoire. Ensuite, on a observé en Suisse presque exclusivement des individus mâles. Il faut ajouter à cela la difficulté de capturer et de transporter un tel animal.

L’argument de l’ADN

Mais l’argument sans doute déterminant est génétique. Les scientifiques ont pu caractériser le génotype (à l’aide de crottes, de poils, etc.) de cinq des douze ou treize loups observés en Suisse depuis 1995. Et tous se rattachaient à la population dont le territoire va du Piémont (Italie) au Parc national du Mercantour sud-est de la France).

«La femelle actuellement présente en Valais vient d’une meute du sud du Piémont, indique Jean-Marc Weber. Et quatre mâles valaisans venaient de deux meutes établies dans le Mercantour.»

Pour gagner les Alpes suisses, ils leur a suffi de passer la frontière, sans même montrer patte blanche… Le chemin «naturel» pour déboucher dans la chaîne jurassienne a sans doute passé par la jonction entre les Alpes et le Jura, en France, à moins d’un centaine de kilomètres à l’ouest de Genève.

Reste que la Suisse n’est pas aux prises avec une invasion. Trois loups seulement se trouvent avec certitude sur territoire fédéral. Une louve dans la région du Simplon en Valais, et deux mâles – l’un dans le Léventine (Tessin) et l’autre dans la Surselva (Grisons).

swissinfo, Pierre-François Besson

Jusqu’ici, la Confédération a indemnisé les éleveurs pour la mort attribuée au loup de 468 animaux. Des moutons pour la plupart.
Depuis 3 ans, l’ampleur des dégâts dus au canidé s’est stabilisée, avec 43 cas l’an dernier, contre plus de 130 en 1999 et 2000.
Ils ont régressé dans toutes les régions où la Confédération a mis sur pied des mesures de prévention (chiens de protection et clôtures électriques).

– Le loup est protégé en Suisse, pays signataire de la Convention de Berne. Mais un individu peut être tiré s’il provoque des dégâts jugés trop importants sur les élevages ovins. Six ont déjà été abattus.

– «Canis Lupus» est présent dans les pays limitrophes de la Suisse, l’Autriche exceptée (au moins officiellement). On en compte une soixantaine dans les Alpes françaises, une quarantaine dans celles d’Italie, et moins de dix individus en Allemagne.

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