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Le metteur en scène Benno Besson n’est plus

Benno Besson lors d'une rencontre avec les étudiants de la Haute école de théâtre de Suisse romande, en 2003. Keystone

Le Suisse Benno Besson s'est éteint jeudi à Berlin à l'âge de 83 ans. Il était l'un des monuments du théâtre européen.

Ce natif du Nord vaudois a fait connaître Max Frisch aux Romands et Bertolt Brecht aux Français. Il a aussi fait apprécier Molière aux Allemands.

Le regard vif sous ses sourcils broussailleux, la voix claire, Benno Besson n’aimait pas trop se retourner sur son passé. «Mon âge, tout le monde me parle de mon âge… Il faut me laisser tranquille. Je n’y pense pas à mon âge», disait-il à 80 ans.

Fin janvier, la Comédie française, à Paris, avait annoncé l’annulation pour raisons de santé de sa prochaine création «Oedipe tyran» d’après Sophocle. Le décès dans une clinique à Berlin a été annoncé par l’acteur italien Paolo Serra, informé par l’entourage du metteur en scène et cité par l’agence de presse italienne ANSA.

Réactions de tristesse

«En s’en allant, Benno Besson tourne beaucoup de pages glorieuses du théâtre en Allemagne, en France, en Suisse et à travers le monde», a déclaré Philippe Mentha, directeur du Théâtre Kléber-Méleau à Lausanne. «Je m’incline devant son énorme talent».

Philippe Mentha a salué le «créateur engagé et l’infatigable découvreur», qui aura «éclairé les auteurs, les œuvres et les scènes qu’il a servis et dirigés avec autant de sens critique, de passion que d’humour».

De son côté, François Rochaix, patron du Théâtre de Carouge, a pris connaissance du décès de Benno Besson avec «tristesse», mais aussi avec «un grand sentiment de reconnaissance pour tout ce qu’il a fait». «Il a été mon premier exemple, mon premier maître», a-t-il déclaré.

«Benno Besson a retenu la leçon brechtienne de manière intelligente et libre», en laissant une immense liberté pour l’imagination, poursuit François Rochaix.

Brecht, Molière et Shakespeare

Trois auteurs ont marqué la carrière de Benno Besson: Brecht, Molière et Shakespeare. Il a aussi adapté Flaubert, Hugo, Labiche, la Comtesse de Ségur et des textes de sa femme Coline Serreau. Certaines œuvres à plusieurs reprises: «Don Juan» (Molière), «La Bonne âme de Se-Tchouan» (Brecht) ou encore «Hamlet» de Shakespeare.

Sa démarche artistique privilégie un théâtre social et une satire drôlatique de la société. Ses scénographies prennent exemple sur l’attitude de l’enfant qui apprend le monde en jouant. «Le monde est comme mis en jeu», selon sa formule.

Rencontre avec Brecht

Benno Besson naît le 4 novembre 1922 près d’Yverdon, dans le canton de Vaud. A l’âge de 20 ans, il forme une troupe de théâtre amateur. «Molière a été ma première rencontre avec le théâtre. Avec cette troupe, nous allions de village en village et réalisions nos décors nous-mêmes.»

Il étudie la langue et la littérature française et britannique à l’Université de Zurich. Dans cette ville, en 1948, il rencontre Bertolt Brecht. Il le rejoint un an plus tard à Berlin-Est où le dramaturge allemand vient de fonder le «Berliner Ensemble».

La réputation de metteur en scène du Vaudois prend de l’ampleur dès 1952 avec «Don Juan» de Molière, monté à Rostock, en Allemagne. Brecht n’a jamais voulu travailler conjointement avec Besson à des mises en scènes. Il lui a au contraire laissé toute liberté.

Un «Dragon» à succès

Benno Besson reste avec Brecht jusqu’à son décès en 1956, puis il travaille notamment avec le Deutsches Theater. Il y signe sans doute sa mise en scène la plus connue: «Le Dragon» d’Evgeni Schwarz. Ce spectacle restera plus de dix ans à l’affiche.

De 1969 à 1977, il prend la direction artistique de la «Volksbühne» berlinoise. Et bien que vivant à Berlin-Est, il monte des spectacles en Autriche, en Allemagne de l’Ouest, en Suisse, en Italie et en Bulgarie.

Créations à Lausanne

Il quitte la «Volksbühne» pour travailler de façon indépendante en Finlande, en Belgique ou en France, à Avignon notamment. Il est ensuite engagé par la Comédie de Genève, de 1982 à 1989, et rend un lustre oublié à la scène genevoise. Depuis 1989, Besson a offert de nombreuses créations au Théâtre de Vidy à Lausanne.

Plusieurs distinctions ont récompensé Benno Besson. L’anneau Hans Reinhart, la plus prestigieuse récompense suisse dans le domaine, lui a été décerné en 1985. Il a également obtenu le Molière du meilleur spectacle en 1994 pour «Quisaitout et Grobêta» de Coline Serreau.

Depuis 1998, le théâtre d’Yverdon-les-Bains, la ville natale de Benno Besson, porte son nom. En France, Benno Besson avait été fait chevalier de la Légion d’Honneur en mai 2002.

swissinfo et les agences

– Né en 1922 à Yverdon-les-Bains, Benno Besson rencontre Bechtold Brecht à Zurich en 1948, puis le suit à Berlin-Est, où il devient l’un des metteurs en scène du Berliner Ensemble.

– Après la mort de Brecht en 1956, il travaill au Deutsches Theater et, en 1969, prend la direction artistique de la Volksbühne.

– Il dirige la Comédie de Genève de 1982 à 1989 avant de reprendre son chemin de metteur en scène indépendant à travers les grandes scènes européennes où il monte tour à tour Brecht, Anna Seghers, Carlo Gozzi, Sophocle ou Victor Hugo.

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