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Le National met son veto à une réforme fiscale écologique

Le Conseil national ne veut pas de la réforme fiscale proposée par le gouvernement afin d'inciter les entreprises et la population à consommer de l'énergie plus propre (image symbolique). KEYSTONE/EPA/FEDERICO GAMBARINI sda-ats

(Keystone-ATS) Les Suisses ne devront pas s’acquitter de sitôt de nouvelles taxes sur les combustibles, les carburants et l’électricité. Après deux heures de débat, le National a tacitement refusé mercredi d’entrer en matière sur la réforme fiscale devant faciliter le tournant vert.

Le Conseil des Etats doit encore se prononcer. Le système incitatif de taxation en matière climatique et énergétique, proposé par le Conseil fédéral, représente la seconde étape de la Stratégie énergétique 2050. Il devrait aider à atteindre les objectifs de réduction de consommation d’électricité, accroître la part de courant vert et diminuer les émissions de CO2.

Le gouvernement veut pouvoir taxer combustibles, carburants et électricité et propose un article constitutionnel à cet effet. Le système incitatif devrait remplacer les actuelles subventions, soit le programme pour l’assainissement énergétique des bâtiments et le coup de pouce au courant vert (RPC).

L’arrêt de ces subventions ne devrait pas intervenir à une date fixée d’avance, mais au bout d’un certain délai après l’introduction des taxes incitatives. Le montant de ces dernières devrait être fixé de manière à fournir une contribution essentielle à la réalisation des objectifs climatiques et énergétiques de la Confédération. La forme des taxes ne serait précisée qu’ultérieurement dans le cadre de lois.

Salve de critiques

Le projet a été critiqué dès le départ. Le camp rose-vert l’a toujours estimé trop flou et ne veut pas abolir les subventions sans connaître la forme des nouvelles taxes. A droite, certains partis comme l’UDC sont de toute manière opposés à la stratégie énergétique et beaucoup craignent des coûts supplémentaires pour l’économie.

La commission de l’énergie recommandait à l’unanimité d’enterrer la réforme. Elle estime que les instruments proposés par le Conseil fédéral en rapport avec le climat et l’énergie sont insuffisants, trop peu différenciés et sans effet vu le contexte du marché actuel.

Les prix de l’énergie sont historiquement bas et il faudrait fixer des taxes très hautes pour pousser les gens à changer de comportement, a expliqué Stefan Müller-Altermatt (PDC/SO). La classe moyenne en ferait les frais si les entreprises consommant beaucoup d’énergie obtiennent des allégements pour rester compétitives par rapport à leurs concurrentes étrangères, ont critiqué PDC et PLR.

Pour ce dernier parti, le projet est superflu à ce stade; il sera bien temps d’examiner la taxe sur le CO2 dans le cadre de la prochaine révision de la loi sur le CO2, que le Conseil fédéral doit proposer au Parlement d’ici la fin de l’année. Mais le PLR s’opposera à toute nouvelle taxe sur les carburants ou le courant, a précisé Christian Wasserfallen (PLR/BE).

Ombre du 21 mai

Le projet est mauvais, car il est très évasif sur le futur système incitatif mais beaucoup moins sur l’arrêt des subventions éprouvées. “Il ne faut pas lâcher la proie pour l’ombre et mettre en danger la transition énergétique”, a plaidé Adèle Thorens (Verts/VD).

D’autant que l’introduction de taxes incitatives ne nécessite pas de nouvelle base constitutionnelle, a fait remarquer Eric Nussbaumer (PS/BL). Les Vert’libéraux ont annoncé vouloir en finir avec les subventions et introduire un système incitatif, mais via une loi.

L’UDC fera tout pour éviter que de nouvelles taxes soient imposées en contournant le vote populaire, a tonné Hansjörg Knecht (UDC/AG). A l’origine du référendum contre la première étape de la stratégie énergétique soumise au vote le 21 mai, le parti a mené campagne en bombardant les autres orateurs de questions critiques, notamment sur les moyens de réduire la consommation d’énergie de 43%.

Le projet n’ayant aucune chance de l’emporter, il vaut mieux l’enterrer maintenant qu’après le 21 mai, a défendu Hans Grunder (PBD/BE). Cela empêchera l’UDC de brandir des “faits alternatifs” comme des coûts totalement exagérés pour la population.

Guerre idéologique

La stratégie énergétique contient des buts ambitieux, mais les moyens pour y parvenir n’ont pas encore été trouvés, a constaté le ministre des finances Ueli Maurer. Le Conseil fédéral devra trouver une voie pragmatique pour résoudre progressivement le problème, a-t-il ajouté en invitant les partis à sortir des guerres idéologiques pour trouver des compromis.

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