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Le président Mnangagwa promet de tourner le dos à l’ère Mugabe

Le nouveau président zimbabwéen Emmerson Mnangagwa a inspecté les troupes au début de la cérémonie de prestation de serment. Keystone/AP/BEN CURTIS sda-ats

(Keystone-ATS) Le nouveau président du Zimbabwe Emmerson Mnangagwa a officiellement mis vendredi un point final aux 37 ans du règne autoritaire de Robert Mugabe. Il a promis de redresser l’économie du pays et de tourner le dos à l’ancien régime.

Le nouveau chef de l’Etat, âgé de 75 ans, a prêté serment devant des dizaines de milliers de partisans massés dans un stade de la banlieue de Harare. Il prend les rênes du pays trois jours après la démission de Robert Mugabe, poussé vers la sortie par l’armée, son parti et la rue.

Dans un discours d’une demi-heure, il a juré de relever l’économie dévastée du pays et d’être le président de tous les citoyens, “quelles que soient leur couleur, leurs croyances, leur religion, leur tribu ou leur affiliation politique”, et a tendu un rameau d’olivier à l’opposition.

Il a affirmé dit que les réformes agraires qui ont conduit à partir de l’an 2000 à la saisie par l’Etat de milliers de fermes possédées par des Blancs ne seraient pas remises en cause, tout en promettant d’indemniser tous ceux qui ont été lésés.

Un pays à relever

M. Mugabe a laissé derrière lui une économie ruinée par ses réformes dévastatrices. Avec un taux de chômage à 90%, les Zimbabwéens vivent de petits boulots, l’argent manque et le spectre de l’hyperinflation rôde. “La priorité du nouveau gouvernement, c’est de redresser la situation économique et financière catastrophique du pays”, a souligné l’analyste Robert Besseling, de EXX Africa.

Conscient de la tâche titanesque qui l’attend, M. Mnangagwa a multiplié les promesses. “Nous allons créer des emplois pour notre jeunesse et réduire la pauvreté pour toute la population”, a-t-il lancé, “les actes de corruption doivent cesser sur-le-champ”.

Le nouveau président s’est par ailleurs engagé à protéger les investissements étrangers et à renouer avec la communauté internationale.

Hommage à Mugabe

Le “crocodile”, tel qu’il est surnommé en raison de son caractère impitoyable, n’a pas non plus manqué de rendre hommage à Robert Mugabe, le “père de la nation”. “Acceptons et reconnaissons tous son immense contribution à la construction” du pays, a-t-il déclaré.

Jeudi, M. Mnangagwa s’était entretenu avec son prédécesseur. Il lui a promis, ainsi qu’à sa famille, les “conditions de sécurité et de bien-être maximales”, a rapporté le quotidien gouvernemental The Herald.

Le sort réservé au couple Mugabe est toujours mystérieux. “Je ne sais pas ce qui a été négocié, mais je peux vous dire qu’aucun Zimbabwéen ne souhaite que Mugabe soit poursuivi en justice ou pendu ou lynché”, a dit un de ses ministres, Supa Mandiwanzira. “Les gens veulent tourner la page”.

Actes d’intimidation

Malgré son discours, le profil et la personnalité du nouveau maître du pays suscitent quelques inquiétudes. Le “Crocodile” traîne derrière lui une sinistre réputation d’exécuteur des basses oeuvres de M. Mugabe. “Des dizaines de milliers de personnes ont été torturées, ont disparu ou ont été tuées”, a rappelé Amnesty International.

Vendredi, l’ex-ministre des Finances Ignatius Chombo, qui avait été arrêté par les militaires, a été admis à l’hôpital après des mauvais traitements subis lors de sa détention, a déclaré son avocat, qui a dénoncé la “brutalité” de ses gardiens.

Selon des groupes de défense des droits de l’homme, des proches d’anciens ministres pro-Mugabe ont également été victimes de tentatives d’intimidation ces dernières 24 heures.

“Optimisme prudent” de l’opposition

Le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), le principal parti d’opposition, a demandé jeudi le démantèlement de l’appareil de “répression” de M. Mugabe. Il se dit d’un “optimisme prudent” sur l’avenir avec M. Mnangagwa, et espère que ce dernier “ne reproduira pas le régime néfaste, corrompu, décadent et incompétent de Mugabe”.

Le MDC plaide pour un gouvernement d’union nationale jusqu’aux élections prévues en 2018. Emmerson Mnangagwa n’a pas encore levé le voile sur ses intentions, mais il a promis que le scrutin se tiendrait “comme prévu”.

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