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Le Parlement débarque le procureur de la Confédération

Erwin Beyeler n’est pas le premier procureur fédéral à se heurter à de vives critiques. Keystone

Le Parlement n’a pas confirmé le procureur général de la Confédération dans ses fonctions. Ce n’est qu’une demi-surprise: Erwin Beyeler était sous le feu des critiques, notamment en raison du manque de résultats du Ministère public de la Confédération (MPC).

Réunie mercredi matin, l’Assemblée fédérale devait pour la première fois procéder à l’élection du procureur général de la Confédération. Jusqu’à présent, cette tâche relevait de la compétence du gouvernement.

Pour cette première, les parlementaires des deux chambres réunies se sont donc distingués en ne réélisant pas Erwin Beyeler pour un nouveau mandat. Il est en effet assez rare que l’Assemblée fédérale ne confirme pas un haut fonctionnaire dans ses fonctions.

Lors du vote, le procureur général n’a obtenu que 109 voix sur les 227 bulletins valables, manquant de cinq voix la majorité absolue. L’issue de cette élection constitue une surprise, car Erwin Beyeler pouvait potentiellement compter sur 150 voix, seuls les Verts et l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) ayant appelé à ne pas le réélire.

Un procureur sous pression

Mais cette surprise n’est qu’une demi-surprise. En effet, depuis plusieurs semaines, Erwin Beyeler était de plus en plus sous pression. Il lui est reproché un manque de résultats, tout spécialement dans le cadre de deux affaires sensibles: celle des Hells Angels et celle du banquier privé Oskar Holenweger.

La première, qui concernait des soupçons de trafic de drogue à grande échelle et de braquages, s’est soldée par l’abandon des charges à l’encontre du club de motards. La seconde, qui concernait une accusation de blanchiment d’argent, là aussi à grande échelle, s’est terminée par l’acquittement de l’ancien banquier privé par le Tribunal pénal fédéral, en avril dernier.

Il a également été reproché à Erwin Beyeler d’avoir engagé, toujours dans le cadre de l’affaire Holenweger, un ancien baron de la drogue comme informateur, à l’époque où il était actif au sein de la Police judicaire fédérale. A un niveau plus politique, l’UDC a accusé Erwin Beyeler d’avoir participé à un «complot» pour évincer son ancien ministre de la Justice, Christoph Blocher.

Un poste à risques

Avec cette non-réélection, force est de constater qu’en Suisse, le poste de procureur général est à haut risque. En 2006, le procureur de l’époque, Valentin Roschacher, avait fini par démissionner suite à de multiples critiques concernant la gestion de l’affaire Holenweger et à un conflit ouvert avec le ministre Christoph Blocher.

Avant lui, Carla del Ponte – futur procureur général du Tribunal pénal International et futur ambassadeur de Suisse en Argentine – avait également fait l’objet de critiques, là aussi pour manque de résultat.

En fai,t bon nombre de procureurs de la Confédération, mais aussi de procureurs cantonaux, se heurtent au même problème: des montagnes qui accouchent de souris. A plusieurs reprises, des affaires très médiatiques, qui ont nécessité d’importants moyens d’enquête et provoqué des coûts importants, se sont terminées soit par un abandon des charges, soit par un acquittement ou des peines très légères prononcées par la justice.

Trouver un successeur

Erwin Beyeler étant désormais hors course, la commission judicaire du Parlement doit maintenant trouver un autre candidat au poste de procureur général de la Confédération.

Une procédure publique de recrutement sera rapidement lancée. L’élection du nouveau procureur devrait en effet avoir lieu déjà lors de la session parlementaire d’automne, afin que le nouveau procureur puisse entrer en fonction au 1er janvier.

Sa mission sera de ramener un peu de sérénité dans une institution passablement secouée au cours des dernières années. «La décision de ce jour, prise pour des motifs purement politiques et qui n’ont rien à voir avec la personne de Monsieur Beyeler, est d’autant plus regrettable qu’elle porte atteinte à une institution dont la légitimité devrait être renforcée plutôt que fragilisée», a d’ailleurs souligné le député libéral-radical (droite) Christian Lüscher.

Ne reste plus maintenant qu’à trouver la perle rare…

En Suisse, la très grande majorité des procédures pénales relèvent des différentes autorités judicaires cantonales. Cependant, les délits tombant sous la juridiction de la Confédération sont confiées au Ministère public de la Confédération.

Parmi ces délits figurent notamment le terrorisme, la falsification de monnaie, l’espionnage, la corruption, le recyclage d’argent sale et la criminalité internationale organisée et économique.

Les délits commis par des fonctionnaires fédéraux dans le cadre de leurs fonctions sont aussi de la compétence du MPC.

Le Ministère public de la Confédération a été institué dès la création de l’Etat fédéral, en 1848. Il occupe actuellement 150 collaborateurs. Son siège est à Berne et il a des antennes à Lugano, Lausanne et Zurich.

Pour ses enquêtes, le MPC dispose en particulier de la Police judiciaire fédérale et de l’Office fédéral de la police. Les affaires pénales fédérales sont jugées devant le Tribunal pénal de Bellinzone ou devant le Tribunal fédéral de Lausanne en cas de recours.

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