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Le rôle de la prison questionné au Musée de la Croix-Rouge

Le Musée de la Croix-Rouge à Genève a souhaité impliquer le citoyen dans la discussion sur le rôle des prisons au travers d'une exposition (archives). KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI sda-ats

(Keystone-ATS) En près de 20 ans, le nombre de détenus a progressé plus rapidement que la population mondiale. Dès mercredi, une exposition au Musée de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (MICR) à Genève questionne le rôle de l’incarcération pour la société.

“C’est nous qui punissons”. Montrée jusqu’au 18 août prochain, “Prison” s’ouvre sur un “message provocateur” pour le citoyen, a expliqué mardi à Keystone-ATS la responsable de l’exposition Sandra Sunier. Un tableau sur lequel figurent tous les acteurs de la justice, y compris l’opinion publique, complète cette interpellation.

Au-delà des juges, “la société est partie prenante de l’acte de condamner”, dit Mme Sunier. Tout au long des cinq parties, photographies, films, objets ou statistiques veulent montrer les conditions de détention, l’enfermement mais aussi la “justice restaurative” qui confronte victimes et criminels. Et les autres dispositifs pénaux pour appliquer des peines, comme l’établissement semi-ouvert de Witzwil (BE).

En filigrane, l’efficacité de la prison comme facteur de sanction et de réinsertion est interrogée. Un paradoxe présent dès le lancement des premiers centres de détention à la fin du 17e siècle. Il a de nouveau été largement relevé ces dernières années en raison de la surpopulation carcérale et de la radicalisation des djihadistes dans cet environnement.

Dans une vidéo, le chef du service de médecine pénitentiaire des Hôpitaux universitaires genevois (HUG) conclut même que les effets sont négatifs pour la société en raison d’une “triple peine”. L’incarcération, les conditions difficiles et les obstacles à une réinsertion à la sortie.

Assistance par des détenus

Cette troisième composante était adaptée lorsque la société avait à offrir des emplois aux ex-détenus, dit le directeur du MICR Roger Mayou. Il cite un spécialiste qui affirme qu’une part très basse des prisonniers constitue une réelle menace et justifie l’emprisonnement.

Les organisateurs eux-mêmes ont changé d’appréciation sur les bienfaits de la détention. “Je suis entré dans le paradoxe. Nous n’avions pas pris la mesure de la complexité” de la situation et l’exposition ne peut apporter de réponse, admet M. Mayou.

Après la première salle, une expérience sonore et lumineuse permet de tenter de se figurer le quotidien en cellule. Plus loin, des objets offerts par des détenus aux délégués du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qui leur rendent visite ou des statuettes fabriquées par des femmes à la prison de Champ-Dollon explorent les moyens d’occuper le quotidien en prison.

Cinq anciens détenus probatoires de l’établissement genevois ont aussi aidé à établir la décoration d’une salle consacrée à la résistance carcérale face aux conditions. Des mutineries aux évasions en passant par la grève de la faim ou les dommages aux cellules.

Millions de détenus au total

Des extraits de films incarnent la nombreuse production au cinéma sur les prisons. Plus de 400, selon M. Mayou. Avec lui, Mme Sunier a visité Champ-Dollon. La prison est “dans un état catastrophique” relève-t-elle.

Pour autant, l’établissement était “fier” de faire partager l’ingéniosité de certains détenus pour faire passer certains objets en prison. L’exposition ne cache pas non plus les armes de poing très étonnantes fabriquées par certains d’entre eux.

Au total, plus de dix millions de personnes sont détenues dans le monde. En près de 20 ans, ce chiffre a augmenté de 20%, en hausse très inégale en fonction des régions, alors que la population mondiale n’a progressé que de 18%. Au total, en 2016, le CICR a mené 200’000 visites dans des prisons.

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