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Elections en Bolivie: Morales sous pression, l’opposition craint des fraudes

Seul le centriste Carlos Mesa, un journaliste de 66 ans qui fut déjà président entre 2003 et 2005, semble en mesure de faire trébucher le chef de l'Etat socialiste de 59 ans. KEYSTONE/AP/JORGE SAENZ sda-ats

(Keystone-ATS) Les Boliviens votaient dimanche pour décider s’ils prolongent jusqu’en 2025 Evo Morales, au pouvoir depuis 13 ans. Ou s’ils tournent le dos au premier président indigène et de gauche du pays, déçus par la corruption et le virage autoritaire du pouvoir.

Neuf candidats aspirent à diriger la Bolivie. Mais seul le centriste Carlos Mesa, un journaliste de 66 ans qui fut déjà président entre 2003 et 2005, semble en mesure de faire trébucher le chef de l’Etat socialiste de 59 ans, jusqu’ici largement élu au premier tour à chaque fois, en l’obligeant à disputer un second tour.

Dans le centre de La Paz, à deux rues du palais présidentiel, les électeurs faisaient la queue en fin de matinée dans le gymnase du collège Santa Ana. Parmi eux Tania Villaroel Lopez, étudiante de 22 ans, est venue avec sa mère, Maria Cristina, 44 ans.

“Nous avons besoin de changement. Je pense que n’importe quel parti, aussi bon qu’il soit, s’il reste trop longtemps en place, se corrompt. C’est ce que nous vivons”, déclare Tania.

Les bureaux de vote devaient fermer à 16h00 (22h00 heure suisse), dans ce pays de 11,3 millions d’habitants où le vote est obligatoire.

Appel au “vote sanction”

Un des derniers sondages, celui de l’université publique, donne Morales en tête (32,3%), mais suivi de près par Carlos Mesa (27%). Pour éviter un second tour, le candidat en tête doit obtenir la majorité absolue ou au moins 40% des voix avec 10 points de pourcentage d’écart sur le second.

L’opposition appelle au “vote sanction” face au “vote sûr” du camp présidentiel. Carlos Mesa a dit craindre des fraudes, car le parti de Morales “contrôle tous les organes de l’Etat”.

“Démocratie en danger”

“Le pouvoir a remplacé les politiques destinées à toute la population par d’autres qui ne servent les intérêts que de certains secteurs. Des dirigeants de l’opposition ont été persécutés. Tout cela a provoqué un malaise citoyen et donné l’impression que la démocratie était en danger”, a déclaré Maria Teresa Zegada, politologue bolivienne.

En outre, la décision d’Evo Morales de briguer un quatrième mandat, malgré le “non” lors du référendum de février 2016, est très mal vue par une partie des Boliviens et critiquée par l’opposition, qui estime que le pays pourrait verser dans l’autocratie en cas de nouvelle victoire.

Tant les partisans du Mouvement vers le socialisme (MAS) au pouvoir que ceux de l’opposition, dont certains secteurs ont appelé à la “rébellion”, ont promis de descendre dans la rue en cas de victoire du camp adverse.

Terre mère menacée

Enfin, les gigantesques incendies qui ont ravagé en août et septembre une zone presque de la taille de la Suisse ont provoqué l’indignation des peuples indigènes. Ceux-ci accusent Evo Morales d’avoir sacrifié la Pachamama, la Terre mère en langue quechua, pour étendre les terres agricoles et augmenter la production de viande destinée à la Chine.

Les défenseurs de l’environnement mettent en cause une récente loi autorisant une augmentation de 5 à 20 hectares de la déforestation par brûlis.

De son côté, Evo Morales a fait campagne en insistant sur sa réussite économique (maintien d’une croissance économique élevée, forte réduction de la pauvreté, niveau record de réserves internationales), qui a fait de la Bolivie un des pays avec le meilleur taux de croissance de la région.

Modèle économique plus tenable

“Le modèle économique bolivien (basé sur l’exploitation des matières premières), qui a fonctionné durant des années, n’est plus tenable”, prévient Michael Shifter, président du groupe de réflexion Dialogue interaméricain à Washington.

Les 7,3 millions d’électeurs boliviens choisissent, outre leur prochain président et vice-président, leurs 130 députés et 36 sénateurs.

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