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Les activistes jurassiens gâchent la fête

La tête du «Fritz» n'a pas résisté longtemps aux coups de massue. RTS

Les séparatistes jurassiens ont fracassé publiquement la tête du Fritz des Rangiers, symbole de la Berne fédérale.

Une action pour protester contre la présence du gratin politique suisse au 25e anniversaire du canton. Et pour rappeler que la question jurassienne n’est toujours pas réglée.

Symbole parfait de l’immobilisme helvétique pour les séparatistes jurassiens, emblème de l’engagement patriotique national pour d’autres, la célèbre statue du «Fritz» a défrayé la chronique pour la dernière fois de son histoire.

Vendredi, des membres cagoulés du «Groupe Bélier» (l’aile jeune et activiste du ‘Rassemblement jurassien’) ont en effet fracassé la tête de la célèbre Sentinelle des Rangiers en marge de la cérémonie officielle marquant le 25e anniversaire du canton du Jura.

Une action de protestation

Le groupe autonomiste – qui avait volé cette tête en 1989 – voulait ainsi protester contre la présence «du gratin politique suisse» aux festivités cantonales. Une centaine d’entre eux accompagnés de sympathisants se sont rassemblés et déplacés en cortège jusque devant la mairie de Delémont.

«Le Jura ne doit rien à la Suisse. Le refus de la Confédération d’assumer ses responsabilités dans la question jurassienne ont conduit à l’éclatement du Jura», a alors déclaré le chef du groupe Bélier.

Le Groupe Bélier affirme qu’aucune réconciliation ne saurait avoir lieu sans réparation au préalable et a montré qu’il faisait des miettes des «symboles éculés de patriotisme et autres fadaises».

Le combat jurassien est encore d’actualité puisqu’il portait – et porte encore –sur la constitution d’un canton du Jura qui inclurait six districts. Soit les trois districts actuels, et ceux de Courtelary, Moutier et de La Neuveville, qui aujourd’hui encore dépendent du canton de Berne.

Des sifflets pour Joseph Deiss

Les manifestants se sont ensuite dirigés vers la tente abritant les 200 invités (de la Confédération et des cantons) du gouvernement jurassien et les ont copieusement hué et sifflé.

Parmi ces derniers se trouvait le président de la Confédération qui venait d’affirmer que l’entrée en souveraineté du Jura il y a 25 ans était «un exemple de solution pacifique d’un problème de minorité».

Faisant l’éloge du 23e canton, Joseph Deiss a relevé son esprit d’ouverture: «la création du canton du Jura est, à mon sens, la réalisation politique majeure que la Suisse a connue durant la deuxième moitié du XXe siècle», avait-il souligné.

Une action inutile

Le président du gouvernement jurassien a, quant à lui, eu des mots très durs à l’encontre du Groupe Bélier. A ses yeux, rien ne justifiait une telle action, la situation politique n’étant pas bloquée.

«Nous aspirons à voir le Jura réunifié, par la voie de l’apaisement et d’une solution fondée sur la concertation, a-t-il déclaré. L’Assemblée interjurassienne offre les chances les plus tangibles de résolution politique de la Question jurassienne.»

De plus, pour le gouvernement jurassien, ces festivités sont un signe de reconnaissance à l’égard de tous ceux qui ont contribué à l’entrée du Jura en souveraineté le 1er janvier 1979.

Pour mémoire, le 24 septembre 1978, le peuple suisse approuvait par 82,3 % des voix la création du 23e canton. Le «oui» l’emportait également dans tous les cantons.

L’histoire du «Fritz»

Solennellement inauguré en 1924, pour les 10 ans de la mobilisation de l’armée suisse à l’occasion de la Première Guerre mondiale, la «Sentinelle» a régné durant 60 ans sur le col des Rangiers avant de vivre ses premiers ‘malheurs’.

Le lieu, choisi par les autorités fédérales, se trouvait alors dans le canton de Berne, non loin des frontières avec la France et l’Allemagne.

Le monument en lui-même? Un soldat de granit, massif, portant fusil, habillé d’une longue capote, le manteau militaire d’alors, et fixé sur un socle arborant une grande croix suisse.

Une allure rigide qui, pour la population francophone de la région, évoquait plutôt un soldat prussien. D’où le surnom de «Fritz» qui lui fut donné. Et l’allergie des activistes jurassiens au monument des Rangiers est bel et bien a recherché dans la symbolique de la 1ère Guerre mondiale.

En 1984, la destruction du Fritz, la Sentinelle des Rangiers, a été l’une des actions les plus spectaculaires du Bélier. Remise en place, la statue a été incendiée en août de la même année.

Elle sera arrachée une nouvelle fois de son socle en août 1989. Les Béliers emporteront la tête et la baïonnette. Depuis, le Fritz n’avait jamais repris sa place sur la route du col des Rangiers.

swissinfo avec les agences

1924: inauguration de la «Sentinelle» des Rangiers (Fritz).
1984: la statue est renversée une première fois.
1987: un incendie de pneus endommage le monument.
1989: la statue est renversée, sa tête volée.
2004 : réapparition et destruction de la tête du Fritz lors de la célébration officielle des 25 ans du canton.

Mis à part celles concernant la statue du Fritz, voici les attaques les plus spectaculaires du Groupe Bélier:

– 1984: Le groupe Bélier dérobe la pierre d’Unspunnen au musée d’Unterseen et ne la rendra qu’en 2001 à l’occasion du Marché-Concours de Saignelégier.

– 1985: Une attaque à l’explosif se produit devant le tribunal de Moutier.

– 1986: Les Béliers font tomber la statue de la Justice sur la fontaine du même nom en ville de Berne.

– 1989: Les Béliers incendient le pont couvert en bois à Büren an der Aare.

– 1993: Le jeune militant séparatiste Christophe Bader perd la vie en posant un engin explosif près de l’Hôtel de ville de Berne. Et à Courtelary, une bombe endommage la maison du chef du Groupe antiséparatiste Sanglier.

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