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Les aires métropolitaines redessinent la Suisse

Keystone

L'Espace métropolitain de Zurich voit le jour ce vendredi. Ce nouvel organe doit assumer les tâches que les cantons ne parviennent plus à remplir. S'il est le premier à s'appeler «métropolitain», il rejoint une longue liste de structures semblables, de Genève à Bâle.

A l’annonce de la création de l’Association de l’espace métropolitain de Zurich, création qui a lieu ce vendredi à Frauenfeld (Thurgovie), les réactions médiatiques ont été empreintes de craintes et de réflexes anti-zurichois. «Volonté d’hégémonie», a-t-on pu lire, «Zurich veut être encore plus forte», a-t-on pu entendre.

Pourtant, Zurich et son agglomération sont parmi les dernières régions à instaurer cette nouvelle forme de coopération qu’est une entité supra-régionale ou supra-nationale. «Il y a la coopération valdo-genevoise, le Conseil du Léman ou encore l’Eurodistrict trinational de Bâle (ETB), entre autres», énumère Daniel Kübler, politologue, professeur à l’Université de Zurich et co-directeur du Centre pour la démocratie à Aarau.

La présence du mot «métropole» dans l’appellation lui donne une portée symbolique, ajoute le professeur, auteur de La métropole et le citoyen. «Cela a le mérite de provoquer une discussion et une prise de conscience», estime Daniel Kübler.

Ces regroupements mettent-ils à mal les équilibres helvétiques? Le politologue conteste fermement cette vision. «C’est au contraire une tentative de rééquilibrage, puisque les cantons suisses ont, dans le système fédéraliste, un poids très grand, au détriment des villes et agglomérations qui sont pourtant les moteurs du pays.»

Transports et urbanisme

Les espaces métropolitains sont des réalités géographiques définies, notamment, par l’Office fédéral de la statistique. Dans le cas de Zurich, elle s’étend sur 238 communes et huit cantons (Zurich, Schaffhouse, Lucerne, Argovie, Thurgovie, Schwyz, Saint-Gall et Zoug). Ville et canton de Lucerne ont été acceptés comme membres actifs, le canton de Glaris comme membre associé.

Les autorités de l’Espace métropolitain visent à trouver ensemble des solutions pour les transports et à planifier en commun les projets urbanistiques d’aménagement et de construction. «Beaucoup de problèmes ne s’arrêtent pas aux frontières communales ou cantonales», explique Renate Amstutz, directrice de l’Union des villes suisses, qui salue la création de l’Espace métropolitain.

Ces problèmes doivent être réglés au sein des «espaces fonctionnels» – dans lesquels les gens vivent, travaillent et se déplacent, et qui vont au-delà des frontières cantonales. «Contrairement aux structures actuelles inchangées depuis la moitié du 19e siècle, les espaces métropolitains permettent de mettre toutes les forces en commun», ajoute la directrice.

Pas de remise en cause du fédéralisme

«Il ne s’agit pas de remettre en cause les structures fédéralistes, précise Brigit Wehrli, directrice du Service de développement de la ville de Zurich, même s’il est vrai que les cantons n’arrivent plus à répondre aux besoins d’aujourd’hui. Mais les chambres permettent de conserver les niveaux hiérarchiques, et les représentants des cantons peuvent parler entre eux».

Pour Daniel Kübler également, les espaces métropolitains et les autres organes de coopération ne sont pas un quatrième plan institutionnel. Selon lui, ce sont des «arènes de mise en cohérence» de projets.

«On discute ensemble de projets communs, mais ensuite ce sont les parlements cantonaux et les autres organes en place qui votent. Les décisions se prennent par consensus et non à la majorité, un peu comme la méthode de décision intergouvernementale en vigueur dans l’Union européenne pour certains sujets.»

Collaborations très «soft»

Absolument nécessaires en tant qu’instrument de coordination et de dialogue, ces collaborations restent donc très «soft», très peu contraignantes, estime le politologue. Il ne faut pas les surestimer.

Daniel Kübler ne croit en revanche pas aux chances d’instaurer un niveau de légitimité supplémentaire par le biais de l’élection des membres des «parlements» métropolitains. «Tant que les cantons existent, c’est irréaliste.»

Et le rapport entre grandes villes et petites villes ou communes ne risque-t-il pas d’être déséquilibré par ce nouvel instrument? Renate Amstutz estime au contraire que «toutes les communes, petites, moyennes ou grandes, profitent à égalité d’un espace métropolitain, puisque les défis à relever concernent tout le monde.»

Le fait que l’agglomération bernoise ne soit pas considérée comme une métropole fait néanmoins grincer des dents au bord de l’Aar. «Mais Berne n’est pas un partenaire économique comme le sont l’Arc lémanique et Bâle, c’est un partenaire politique», dit Brigit Wehrli.

«Cela dit, nous n’avons pas ressenti de réflexe anti-Zurich dans tout ce processus, ajoute-t-elle. Nous avons même été trop longtemps trop timides, pour ne pas éveiller ce réflexe. Mais la métropole zurichoise héberge 23% des habitants de Suisse et 26% des places du travail du pays – notre force est aussi celle du pays.»

Ariane Gigon, Zurich, swissinfo.ch

Agglomération: Selon l’Office fédéral de la statistique, un espace métropolitain comprend une agglomération (généralement une grande agglomération) et un groupe d’agglomérations. Une agglomération fait partie d’une aire métropolitaine lorsque le taux des migrants pendulaires quittant cette agglomération pour se rendre dans l’agglomération-centre est d’au moins 8,3% (soit un douzième).

Multiforme: Les formes de collaboration sont déjà nombreuses. Elles sont incontournables dans les régions frontalières, pour dépasser les obstacles administratifs et légaux liés à l’existence de deux pays.

Autres exemples: Parmi les entités existantes figurent la Conférence du Haut-Rhin (autour de Bâle), la Conférence du Lac de Constance (dont Zurich fait partie), la région valdo-genevoise, le Conseil du Léman ou un nouvel organe trinational à Bâle.

Sur le plan international, l’espace métropolitain zurichois se trouve dans la même catégorie que les métropoles de Rome, Milan, Madrid, Barcelone, Berlin, Hambourg, Amsterdam ou Stockholm.

Sur le plan suisse, l’espace métropolitain zurichois héberge 23% de la population suisse, 26% des places de travail du pays, 34% de tous les étudiants.

L’espace métropolitain zurichois fournit 33% du PIB et verse à Berne 38% de l’impôt fédéral direct. 67% des entreprises du «top-1000» ont leur siège principal à Zurich.

L’espace métropolitain zurichois se donne un profil de centre financier, de lieu d’accueil pour les sièges des multinationales, de lieu de recherche et d’industrie.

L’Espace métropolitain Zurich ne touche pas à la souveraineté des communes et des cantons. Son but est de défendre les intérêts communs «dans les tâches importantes et les infrastructures clés pour les habitantes et les habitants», selon la Charte établie en 2007.

L’Espace métropolitain n’est pas un instrument de promotion économique, tel que le Greater Zurich Area ou le «Greater Geneva Berne Area» qui regroupe, depuis début juillet, les promotions économiques des cantons romands et du canton de Berne.

Ces organes sont chargés de promouvoir leur site à l’étranger en vue de l’implantation de nouvelles entreprises.

L’Espace métropolitain zurichois est une construction politique qui vise la défense des intérêts de ses habitants sur le plan fédéral.

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