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Les cantons du Gothard passent à l’offensive

Keystone

Tel un aimant, le village d'Andermatt, au cœur des montagnes uranaises, a attiré 150 délégués de quatre cantons et de la Confédération, dont la ministre de l'Economie Doris Leuthard. Un document inédit, la Charte du Gothard, a été signé pour sauver une région qui a mal à son économie.

Les autorités des cantons d’Uri, du Tessin, du Valais et des Grisons ont cosigné la «Charta San Gottardo», la Charte du Gothard. Ce document, rédigé dans les quatre langues de ces cantons (allemand, français, italien et romanche), fixe les lignes directrices du développement économique, touristique, social et culturel de la région du Gothard.

«C’est un moment historique! Quatre gouvernements cantonaux – et avant eux, leur parlement cantonal – ont décidé d’unir leurs forces pour sauver cette région. Un effort qui illustre la qualité de notre démocratie», s’est réjoui la directrice du Département de l’économie.

Le cœur de l’Europe

Il faut dire que c’est la première fois, depuis l’entrée en vigueur au début de 2008 de la Nouvelle politique régionale de la Confédération (NPR), que plusieurs cantons décident de se réunir autour d’un même projet. «Le Gothard, c’est le cœur de la Suisse qui bat au centre de l’Europe», a souligné Doris Leuthard.

Pour la patronne du Département fédéral de l’économie, «il faut davantage que l’argent de la Confédération pour faire vivre une région. Il s’agit de faire preuve d’initiative, de lancer des projets, de se montrer compétitif et d’exploiter toutes les ressources à disposition», a-t-elle ajouté.

Un message reçu cinq sur cinq par les cantons signataires. Leur projet ne se contente pas d’enrichir l’offre touristique des régions. Il vise aussi l’exploitation écologique des ressources énergétiques, telles que l’eau et le vent, dont regorge le massif du Gothard, véritable château d’eau de l’Europe.

Appauvrissement et pollution

Longtemps délaissées, les vallées du pied du massif du Gothard, soit l’Ursnertal (Uri), les Tre Valli (Tessin), la Surselva (Grisons) et celle de Conches (Valais), ont perdu globalement près d’un sixième de leurs emplois entre 1999 et 2005 (les cantons les plus touchés sont le Tessin et le Valais). Un recul qui a poussé les plus jeunes à quitter leur région, provoquant un vieillissement de la population.

Sur le versant tessinois, le tableau s’assombrit encore en raison du bruit et de la pollution que dégage l’axe autoroutier de l’A2, traversé quotidiennement par 3500 à 5000 poids lourds circulant entre le nord et le sud de l’Europe, sans compter les voitures. Les plus pessimistes craignent aussi qu’avec l’ouverture des Nouvelles Lignes Ferroviaires Alpines (NLFA), à l’horizon de 2017, la région au sud du Gothard soit coupée du monde.

Manœuvre de la dernière chance

Mais pour l’heure, au nord, au sud, à l’est comme à l’ouest, de la mythique montagne, les vallées souffrent d’un même mal: une économie en déliquescence. Une étude commandée par les cantons auprès de la Haute école de Lucerne dresse un état des lieux alarmant.

«L’offre touristique de la région n’est pas adaptée aux besoins du marché; les problèmes logistiques sont très nombreux; les infrastructures existantes sont souvent déficientes et les initiatives individuelles échouent régulièrement», dit notamment le document, dont quelques extraits ont été présentés à Andermatt par le conseiller d’Etat uranais Isidor Baumann.

Un bilan consternant auquel viennent s’ajouter d’autres embûches telles que des mauvaises dessertes ferroviaires, notamment. «Jusqu’à présent, tout ce qui a été entrepris jusqu’ici ou presque, s’est soldé par des échecs. Nous manquons d’infrastructures et de financements. C’est le dernier moment pour réagir et faire du Gothard une zone de croissance», a encore souligné le ministre uranais.

Des idées et du travail

«Il ne suffit pas de coucher des beaux principes sur une carte et de redessiner une région pour que le miracle ait lieu. Il faut impérativement que la population locale participe et fasse un effort à son tour, sans quoi un tel projet ne pourra jamais voir le jour», prévient pour sa part Jean-Michel Cina.

Comme d’autres ministres cantonaux présents à Andermatt, le conseiller d’Etat valaisan espère que la vallée de Conches profitera à son tour de l’essor touristique qui doit bientôt changer le visage d’Andermatt.

La magie de Samih Sawiri

Depuis que l’Egyptien Samih Sawiri a jeté son dévolu sur ce village de montagne, les appétits se sont ouverts et d’autres régions tentent maintenant de se rapprocher de cette future Mecque du tourisme helvétique et européen.

Il faut dire que le projet de l’homme d’affaires – dont les premiers coups de pioche ont été donnés lundi – va propulser Andermatt dans une nouvelle dimension et enrichir la capacité d’accueil de la paisible commune (1300 lits actuellement) de 3000 nouveaux lits hôteliers et parahôteliers.

Son projet prévoit aussi la construction de nombreuses infrastructures pour séduire la clientèle internationale la plus exigeante, dont un golf de 18 trous. L’enthousiasme et la fièvre des autorités et de la population uranaises a gagné les régions voisines et attenantes du Gothard qui espèrent, elles aussi, bénéficier de la croissance que le projet devrait générer dans le canton d’Uri (8%).

«On a vite fait le tour d’Andermatt, et durant leur séjour, les hôtes voudront certainement faire des excursions ailleurs», prévoit le directeur de la conférence, Jean-Daniel Mudry, qui veut encourager les régions limitrophes à développer leur potentiel d’accueil.

Déjà du concret

La liste des idées et des projets qui doivent être conjugués au pluriel cantonal est longue et Jean-Daniel Mudry assure que, bientôt, certains volets pourront être réalisés. D’ailleurs, le Valaisan a profité de la Conférence du Gothard pour présenter un premier dépliant touristique commun pour les quatre vallées concernées, de même qu’un site Internet.

Il y a en outre le projet d’exposition nationale, «Gottardo 2020», lancé en août dernier et qui fait son chemin puisque les prémices de l’ambitieuse manifestation devraient être présentées aux partenaires institutionnels vers la mi-octobre. C’est au Tessin qu’aura lieu la prochaine conférence sur le Gothard, dans une année.

swissinfo, Nicole della Pietra de retour d’Andermatt

Lancée comme un pavé dans la mare il y a juste un an par le président du Festival International du film de Locarno, Marco Solari, l’idée de créer une exposition nationale autour du Gothard n’est pas restée lettre morte.

Provisoirement surnommée «Gottardo 2020», la manifestation permettrait de célébrer l’ouverture des Nouvelles Lignes Ferroviaires Alpines (NLFA) à travers le Gothard.

Si au sud des Alpes, le projet soulève l’enthousiasme des autorités tessinoises, la conseillère fédérale Doris Leuthard a déclaré lundi à Andermatt qu’elle se prononcerait une fois qu’elle aurait le projet sur son bureau.

Homme de terrain et locomotive de la «Charta San Gottardo», le Valaisan Jean-Daniel Mudry consacre son expérience et ses connaissances d’ancien commandant de la division armée du Gothard au projet.

Le Valaisan, dont le bureau se situe sur le versant sud du Gothard, à Airolo au Tessin, avait déjà assuré la direction du projet de candidature aux Jeux olympiques de «Sion 2002» et «Sion 2006».

Il vit au Tessin depuis 35 ans. Avant cela, il a aussi passé cinq ans à Andermatt et assuré la présidence de l’Office du tourisme de la vallée de Conches dans son canton natal.

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