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Non aux initiatives anti-pesticides: fossé ville-campagne se creuse

Le peuple a nettement rejeté les deux "initiatives phytos" (archives). KEYSTONE/LAURENT GILLIERON sda-ats

(Keystone-ATS) Les pesticides ne seront pas drastiquement limités dans l’agriculture. Le peuple a rejeté dimanche les deux initiatives anti-pesticides lancées par des comités citoyens. “Un fossé semble s’installer entre les grandes villes et la campagne”, relève Guy Parmelin.

A la tête du Département fédéral de l’économie (DEFR), Guy Parlemin a salué dimanche le résultat sorti des urnes: “c’est un choix de la raison et du pragmatisme, c’est un choix qui garantit l’avenir de notre agriculture et la sécurité alimentaire de tout le pays.”

“La campagne a été très émotionnelle chez les agriculteurs, mais aussi entre la ville et la campagne” a toutefois nuancé le président de la Confédération, qui s’est beaucoup engagé sur ces objets. Un fossé semble s’installer de plus en plus entre les grandes villes et la campagne: il est donc vital et nécessaire de le combler et de renouer les liens.”

Les deux initiatives réclamaient des mesures strictes pour réduire les pesticides dans l’environnement, soulignant les dangers qu’ils représentent pour la santé et la nature. L’une demandait l’interdiction pure et simple des pesticides de synthèse, tandis que l’autre intitulée “Pour une eau potable propre et une alimentation saine” voulait durcir les conditions donnant droit aux paiements directs.

Au final, ni l’une ni l’autre n’ont obtenu l’aval du peuple. Tant l’initiative interdisant les pesticides de synthèse que celle “Pour une potable propre” ont été balayées par 60% des voix. Bâle-Ville est le seul canton à avoir dit deux fois oui.

Au total, 1,9 million de citoyens ont glissé un non. Le oui n’a récolté que 1,2 million de voix. La participation s’est élevée à près de 60% des votants.

Le record du non en Valais

Les cantons romands ont tous rejeté les deux textes, dans un vote groupé relativement similaire. Parmi les plus fervents opposants, le Valais figure en tête avec 78,2% de non sur l’Initiatiave Pour une eau propre, et 76,9% sur celle sur les pesticides de synthèse. C’est le record national.

Il est suivi par le Jura (69,2%/67,1%), Fribourg (68,7%/67%), Vaud (66%/62,7%) et Neuchâtel (61,4%/57,3%). Genève ferme la marche avec un petit non légèrement supérieur à la majorité (53,1%/50,6%).

En Suisse alémanique, Bâle-Ville sauve l’honneur des initiants avec un double oui de 58,7% et 57,1%. Tous les autres cantons ont refusé les deux textes. Dans le canton de Zurich, le rejet l’a emporté par deux fois dans une proportion d’un peu plus de 50% et à Berne de 59%. En Suisse centrale (NW, OW, AI, UR, SZ), le front du non a varié entre 70 et 75%.

Fossé villes-campagne

Seules les grandes villes se sont montrées favorables aux deux initiatives. En moyenne, le oui est d’environ 60% dans les communes de plus de 50’000 habitants. Il dépasse cette barre à Berne, Zurich et Bâle. Il est au-dessus de 50% à Lausanne et Genève.

Le non l’emporte en revanche dans les communes de plus petite taille et dépasse les 70% dans les communes de moins de 1000 habitants. A Bourg-Saint-Pierre (VS), qui compte environ 200 habitants, c’est presque un non à l’unanimité (95,8%). Les quelque 40 habitants de Berken (BE) ont eux tous glissé un non dans l’urne sur l’initiative contre les pesticides de synthèse.

Pronostics confirmés

Les résultats confirment les pronostics des sondages qui donnaient d’abord les initiatives phytos légèrement en tête puis en recul constant au fil d’une campagne très polarisée, voire agressive. Le monde agricole a dans sa grande majorité martelé que ces deux textes menaçaient leurs exploitations.

Ils auraient été difficiles à mettre en œuvre pour certains secteurs comme l’élevage de volailles ou de porcs ou les producteurs de fruits. La production agricole indigène aurait chuté, les prix augmentés et l’objectif vers une production plus écologique n’aurait pas été garanti. Le Conseil fédéral et le Parlement se sont aussi opposés aux deux initiatives.

Pour le gouvernement, des mesures ont été prises depuis plus de 20 ans pour réduire les pesticides dans l’environnement. Il a encore mis en consultation récemment un paquet d’ordonnances pour protéger les eaux. Objectif: réduire les risques liés aux produits phytosanitaires de moitié d’ici 2027 par rapport à la moyenne de 2012 à 2015.

Des initiatives hors sérail

Les deux initiatives ont été lancées par des personnes hors du sérail politique. En face de l’Union suisse des paysans et des partis de droite, on trouve le viticulteur neuchâtelois Jean-Denis Perrochet, l’un des sept citoyens sans appartenance politique à l’origine de l’initiative sur les pesticides de synthèse. “Même si les deux initiatives n’ont pas passé le cap des urnes, de nombreux problèmes ne peuvent plus être cachés sous le tapis.”

Franziska Herren, l’initiatrice de l’initiative sur l’eau potable, déplore le fait que les opposants l’aient dépeinte comme “extrême”. Cette monitrice de fitness à Wiedlisbach (BE) a souligné qu’un choix existe si on veut manger des produits bio, mais qu’il n’y en a aucun pour plus d’un million de personnes qui boivent de l’eau contaminée par des pesticides, dépassant la valeur limite.

La campagne nerveuse, voire violente, pourrait laisser des traces. Un travail de dialogue va devoir se faire dans les deux sens, estime Anne Challandes, présidente de l’Union suisse des paysannes et des femmes rurales. Dans le camp des partisans, Fernand Cuche, ancien conseiller national (Verts/NE), trouve que le débat suscité va permettre d’aller de l’avant.

Les Verts, les Vert’libéraux, les milieux environnementaux, certains agriculteurs et la gauche ont essuyé un camouflet dimanche. Le Conseil fédéral, le Parlement, l’Union suisse des paysans, la droite et l’économie l’emportent plus largement qu’attendu.

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