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Les exportations d’armes suisses sous la loupe

40 M 109 livrés aux EAU ont été cédé au Maroc sans autorisation suisse. Keystone

La procédure de vente de matériel de guerre à l'étranger est remise en question par deux «affaires» de ventes de blindés suisses aux Emirats arabes unis.

Cette semaine, le conseil fédéral (gouvernement) a chargé un groupe interdépartemental de se pencher sur la question.

Tous les partis politiques du pays ont salué le mise sur pied de ce groupe de travail interdépartemental comprenant des représentants des Départements fédéraux de la défense (DDPS), des affaires étrangères (DFAE), de justice et police (DFJP) et de l’économie (DFE).

Pour leur part, les Verts et les socialistes jugent que le gouvernement a perdu le contrôle de la situation et ils estiment qu’il faut aller plus loin.

Sur son site Internet le parti socialiste écrit: «Jusqu’à ce que les conditions de ce marché et celles d’autres, peut-être tout autant sujets à caution, soient garanties, les ventes de matériel militaire prévues au Pakistan, en Inde et en Corée du sud doivent être interrompues sans délai».

En outre, ajoute le PS, «des modifications importantes doivent être apportées à la loi sur l’exportation de matériel de guerre».

Plus de garanties

Mercredi, Joseph Deiss, le ministre suisse de l’Economie, annonçait que quarante chars M-109 vendus par la Suisse aux Emirats arabes unis (EAU) en 2004 ont été remis depuis au Maroc.

En l’occurrence, les EAU ont obtenu le feu vert des Etats-Unis (producteur des chars) pour cette transaction, mais pas celui de la Suisse.

Or, selon Joseph Deiss, la Suisse n’aurait probablement pas donné son aval pour l’exportation de ces chars au vu du conflit qui oppose le Maroc au Front Polisario, un mouvement qui revendique depuis 1973 l’indépendance du Sahara Occidental.

«Les EAU tentent… de trouver une solution. Mais il n’est pas encore établi si les chars leur appartiennent toujours», explique Rita Baldegger, porte-parole du Secrétariat d’Etat à l’Economie.

Les autorités helvétiques affirment avoir appris par des médias étrangers que les chars en question (vendus pour 4 millions de francs) étaient utilisés par le Maroc, probablement à des fins de formation.

Mais, à en croire ’10vor10′, les Suisses n’ignoraient pas que les Emirats arabes unis projetaient de vendre les chars au Maroc.

Se référant à des sources du Ministère de la défense, l’émission de télévision suisse alémanique prétend en effet que les EAU avaient demandé à Berne la permission de transférer ces chars au Maroc, il y a deux ans déjà. Une demande qui leur avait été refusée.

L’affaire des M 113

Cette nouvelle «affaire» intervient alors que la polémique fait encore rage sur l’exportation, pour 12 millions de francs, de 180 chars de transport M 113 vers l’Irak, via les EAU.

Le Département de l’économie, en charge du dossier, doit encore éclaircir les questions ouvertes concernant l’utilisation de ces chars de transport de troupes.

Un article de la Basler Zeitung avait mis en évidence que les M113 n’allaient pas être utilisés pour protéger les forces de police irakiennes, mais selon les vœux des Américains, pour équiper une division militaire blindée.

Albert Stahel, l’expert suisse en sécurité, avait alors émis l’avis que cette vente pourrait transformer la Suisse en cible potentielle pour des attentats terroristes.

Fâché des interférences américaines dans ces deux ventes de matériel de guerre avec les Emirats arabes unis, les Verts demandent que la législation helvétique sur les ventes d’armes soit renforcée.

Le coût politique

Selon le parti écologique, l’interdiction de vente d’armes aux pays en guerre doit également être étendue aux nations où un conflit interne existe.

Pour le parlementaire des Verts Josef Lang, il serait plus sûr de renoncer totalement à la vente de matériel de guerre.

«Personnellement, confie-t-il à swissinfo, je pense que toutes les armes dont l’armée suisse n’a plus besoin devraient être détruites, car le coût politique de ces exportations est trop lourd à supporter.»

«Cela fait du tort à la neutralité du pays et c’est totalement erroné d’un point du vue de politique étrangère», ajoute-t-il.

Difficile de vérifier

Quelles que soient les conclusions du groupe interdépartemental de travail qui a été chargé de se pencher sur la question des ventes de matériel de guerre, ce sera difficile de s’assurer de l’utilisation des armes vendues.

«Les certificats d’utilisation sont basés sur la bonne foi entre les pays. Il est très rare que des pays exportateurs aient la capacité de vérifier si les garanties fournies sont bien appliquées», dit Anna Khakee, consultante auprès de Small Arms Survey, programme de recherche indépendant basé à Genève.

Et de préciser que les Etats-Unis se sont récemment disputés avec Israël (un de leurs alliés les plus proches) sur la revente d’équipements militaires américains.

swissinfo, Adam Beaumont
(Traduction et adaptation de l’anglais : Mathias Froidevaux)

– Le Gouvernement a mis sur pied un groupe de travail interdépartemental chargé de revoir les procédures d’exportation de matériel militaire.

– Cette décision suit les révélations selon lesquelles quarante chars M-109 vendus par la Suisse aux Emirats arabes unis (EAU) en 2004 ont été remis depuis au Maroc.

– Le Gouvernement suisse était déjà sous le feu de la critique suite à la suspension de l’exportation, pour 12 millions de francs, de 180 autres chars de transport M 113 vers l’Irak, via les EAU.

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