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Les priorités du nouvel ambassadeur à Berlin

L'ambassadeur Tim Guldimann à son bureau de l'ambassade suisse de Berlin. zVg

L’Allemagne comprend mieux les contraintes de la démocratie directe suisse qu’il y a cinq ans, affirme Tim Guldimann dans une interview accordée à swissinfo.ch. Ce diplomate est en poste à Berlin depuis six mois.

Au service du ministère des Affaires étrangères depuis 1982, le Zurichois Tim Guldimann est ambassadeur à Berlin depuis mai de cette année.

swissinfo.ch: Qu’est-ce qui vous a le plus occupé pendant vos six premiers mois à Berlin?

Tim Guldimann: Mon rôle principal a été de faciliter le resserrement des liens entre la Suisse et l’Allemagne pour les développer de manière productive, grâce au réchauffement du climat entre les deux gouvernements. Ce climat favorable a par exemple favorisé les négociations actuelles sur la fiscalité. Il y a aussi de bonnes chances que des solutions soient trouvées sur d’autres sujets bilatéraux.

swissinfo.ch: A quels sujets bilatéraux pensez-vous?

T.G.: Laissez-moi tout d’abord insister sur les négociations fiscales, comprenant la conclusion d’un nouvel accord de double imposition. C’est un progrès substantiel. Le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble s’est rendu tout spécialement en Suisse, ce qui peut être interprété comme un geste de respect envers la Confédération.

Cela montre bien que la partie allemande est également prête à des négociations entre Berlin et Berne. Celles-ci concernent notamment les plaintes sur le bruit engendré sur le territoire allemand par l’activité de l’aéroport de Zurich et la recherche d’une solution pour le raccordement adéquat des transversales ferroviaires suisses au réseau allemand.

swissinfo.ch: Quels seront les prochains défis de votre nouveau poste en Allemagne?

T.G.: Il y a des hésitations allemandes sur l’aménagement de la ligne ferroviaire entre Bâle et Karlsruhe. Il est donc nécessaire d’établir le plus vite possible un dialogue pour résoudre ce problème. Je crois que c’est la tâche de l’ambassade de s’occuper activement de questions concrètes comme celle-ci.

swissinfo.ch: Ces hésitations allemandes proviennent notamment de l’opposition de la population. Est-ce que l’Allemagne ne pourrait pas apprendre à gérer de telles situation par la démocratie directe sur le modèle suisse?

T.G.: Il faut être très prudent sur ce sujet. Le système politique a certes des particularités dont nous pouvons être fiers. Mais cela ne signifie pas que nous devons dire aux autres ce qu’ils devraient faire. Notre rôle à Berlin se limite à faire en sorte que nos interlocuteurs comprennent nos particularismes. Cela signifie que nous devons exposer nos expériences et montrer quels intérêts, mais aussi quels problèmes les décisions du peuple peuvent avoir.

swissinfo.ch: L’image de la Suisse à l’étranger se limite souvent aux montagnes, au fromage et au chocolat. Les Suisses utilisent encore, voir davantage, ces clichés pour se présenter à l’étranger. De nos jours, la Suisse n’a-t-elle pas une autre image à donner que celle des vaches et du cor des Alpes?

T.G.: Je considère qu’il est faux de s’appuyer sur ces clichés. Il est important que la Suisse se présente pour ce qu’elle est: un pays européen moyen, offrant des produits de pointe et très lié économiquement à l’Union européenne.

Nous devons aussi faire connaître notre contribution solidaire à la construction européenne. Les transversales ferroviaires en sont un exemple. Nous participons à la constitution d’un réseau européen très performant. D’ailleurs, le percement du Gothard à la mi-octobre a été accueilli de manière très large et très positive par la presse allemande. Ça, ce n’est pas un cliché. Il s’agit d’un tunnel, d’une success story, menée à bien grâce à l’utilisation de technologies de pointe.

swissinfo.ch: Vous avez déclaré que la Suisse alémanique évoluait dans l’espace culturel allemand. Pouvez-vous vous expliquer?

T.G.: Cela dépend de ce qu’on met derrière le mot «allemand». Gottfried Keller, et plus tard Peter Bichsel ont dit qu’ils étaient des écrivains allemands et des citoyens suisses. Il ne s’agit pas d’une représentation politique, mais d’un espace culturel qui comprend la Suisse alémanique.

De la même manière, la Suisse romande et le Tessin appartiennent aux espaces culturels français et italien. Nous devons différencier clairement ces appartenances et la culture politique, qui, elle, présente des différences importantes.

swissinfo.ch: Par exemple?

T.G.: Prenons la relation entre les citoyens et l’Etat. Pour nous, l’Etat est un pourvoyeur de prestations pour les citoyens. On le perçoit dans le droit fiscal, mais aussi dans l’ampleur des compétences des cantons par rapport aux Länder. Le fait qu’en Allemagne les communes peuvent être regroupées contre leur volonté, mais tout à fait légalement, est impensable en Suisse. Je ne dis pas si c’est bien ou mal, mais seulement qu’il s’agit de deux cultures politiques différentes.

swissinfo.ch: Que signifie cette communauté culturelle des deux pays?

T.G.: Si l’on observe l’espace Suisse-Allemagne du sud, il y a un ensemble de régions fabriquant des produits de pointe. C’est comme s’il n’y avait pas de frontière. J’espère que nos origines alémaniques communes, qui ont des racines historiques très profondes, nous aideront à développer, spécialement avec le sud de l’Allemagne, des relations encore plus fortes.

Zurich. Diplomate et politologue, né en 1950 à Zurich, Tim Guldimann est ambassadeur à Berlin depuis mai 2010.

DFAE. Il s’est mis service du Département des affaires étrangères en 1982.

Postes. Il a entre autres été chef des missions de l’OCDE en Tchétchénie (1996), en Croatie (1997) et au Kosovo (2007-2008). Il a aussi été ambassadeur de Suisse en Iran et en Afghanistan (1999-2004). En Iran, il a aussi représenté les Etats-Unis, qui n’ont plus de relations diplomatiques avec l’Iran depuis 1979.

Chercheur. Les Allemands connaissent bien cet éminent diplomate et spécialiste de l’islam. De 1976 à 1979, il a été chercheur au Max-Planck-Institut à Starnberg. En 1979, il a obtenu le titre de docteur à l’université de Dortmund. Entre 2004 et 2007, il a étudié à l’université de Francfort.

Prix. En 2006, le sénat de Berlin l’a honoré du prix Moses-Mendelssohn pour son engagement en faveur de la tolérance entre les personnes professant des opinions antagonistes ainsi qu’entre les peuples.

(Traduction de l’allemand: Xavier Pellegrini, textes.ch)

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