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Accord Suisse-Chine: les exportateurs suisses dans l’expectative

Le ministre suisse de l'économie Johann Schneider-Ammann trinque avec le ministre chinois du commerce Gao Hucheng à la signature de l’accord de libre-échange entre Berne et Pékin. Keystone

Un an après son entrée en vigueur, l'accord de libre-échange Suisse-Chine a produit un effet avant tout psychologique. Le ralentissement de l’économie chinoise empêche les entrepreneurs d’évaluer les marges bénéficiaires qu’ils pourront tirer de l'immense marché chinois.

Le traité est déjà crédité d’avoir facilité l’arrivée prochaine en Suisse de la China Construction Bank (CCB). Une étape essentielle pour que la Suisse puisse devenir une plaque tournante du commerce du renminbi, la monnaie chinoise.

Entre juillet 2014 et avril de cette année, les exportations suisses vers la Chine ont augmenté de 3,5%, tandis que les importations en Suisse ont crû de 5,7%. Des taux qui dépassent la croissance globale des exportations suisses (+ 1,7%) et de ses importations (+ 2,6%) selon le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO).

Mais peut-on imputer ces chiffres à l’accord de libre-échange avec la Chine  dont les pleines retombées ne sont attendues que dans plusieurs années?

«Le principal impact du traité est pour l’heure psychologique, déclare à swissinfo.ch Nicolas Musy, co-fondateur de la China Integrated consultancy, basée à Shanghai. Les réductions tarifaires pour les marchandises qui comptent le plus pour la Suisse seront lentes à produire leurs effets, jusqu’à 10 ans.»

«Mais l’accord a un impact immédiat en générant une meilleure dynamique dans les relations d’affaires entre les deux pays. Les entreprises suisses et chinoises sont incitées à accroître leurs affaires.»

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L’industrie suisse des machines, des instruments de précision, les pharmas, l’industrie chimique et horlogère sont les secteurs qui devraient le plus profiter d’éventuelles baisses tarifaires.

Mais plusieurs obstacles doivent être surmontés avant que l’exportation de biens et de services suisses vers la Chine puissent augmenter de 63% en valeur par rapport à 2010, en permettant des économies annuelles de CHF290 millions (311 millions), selon les chiffres d’une étude de faisabilité suisse publiée en 2010.

Parmi ces obstacles, l’évolution future de l’économie chinoise qui est en train de s’adapter pour faire face au ralentissement de la croissance du PIB. La deuxième plus grande économie du monde a crû de 7,4% l’an dernier, soit le taux le plus bas depuis 1990, et ne devrait pas dépasser 7% cette année.

Le gouvernement chinois est déterminé à sevrer l’économie des projets d’infrastructure financés par l’Etat pour l’orienter davantage vers les entreprises privées et les consommateurs.

Vincent Affolter, responsable pour l’Asie-Pacifique du groupe Affolter, assure que les commandes en Chine sont en baisse par rapport à l’année dernière et que les entreprises attendent de voir dans quelle direction vont les réformes.

«Les cartes sont redistribuées et personne ne sait qui va gagner: le secteur privé ou public, déclare Vincent Affolter à swissinfo.ch. J’ai le sentiment que les acteurs étatiques estiment que les choses vont rester telles quelles. Mais la Chine doit apparaître sérieuse dans sa volonté de faire franchir une nouvelle étape à son économie. Il pourrait y avoir des opportunités pour le secteur privé, mais une certaine incertitude règne à ce sujet.»

«Le rééquilibrage de l’économie chinoise prendra du temps et sera mouvementé», a souligné Kamel Mellahi de la Warwick Business School plus tôt ce mois.

Restructurations en cours

Mais la restructuration de l’économie chinoise pourrait également apporter de grands avantages pour les entreprises suisses. «En 2008, quand je suis allé visiter des entreprises, elles étaient la plupart du temps équipées de vieilles machines. Ceci est en train de changer, relève Vincent Affolter. C’est le seul grand marché dans le monde qui remplace ses vielles machines par des installations automatisées.»

Un second processus de réforme en Chine – la campagne contre la corruption des fonctionnaires – pèse sur le secteur de l’horlogerie et des produits de luxe. Un quart de toutes les exportations de montres suisses va vers la Chine ou Hong Kong, où la baisse des impôts sur les biens de luxe attire les consommateurs de la partie continentale.

L’année dernière, les exportations horlogères suisses ont chuté de 3,6% en Chine, mais sont restées stables à Hong Kong. Les cinq premiers mois de cette année ont été marqués par la volatilité, avec des exportations en baisse de 19,2% à Hong Kong, mais en hausse de 8,4% en Chine continentale.

Nicolas Musy ne prévoit pas que l’accord de libre-échange fasse une énorme différence pour les exportations horlogères suisses vers la Chine continentale. Alors que certains droits de douane seront réduits, une taxe locale sur les biens de luxe n’est pas incluse dans l’accord. Mais la Fédération de l’industrie horlogère suisse estime que la Chine restera un marché de choix à long terme, en dépit de la volatilité à court terme. La Fédération espère des progrès futurs concernant la négociation sur une baisse de la taxe sur le luxe en Chine.

Un autre obstacle à la réussite rapide de l’accord vient des formalités administratives. L’affaire est complexe et doit se dénouer au cours de la prochaine décennie.

Ce problème est devenu évident lorsque les biens suisses ont commencé à arriver en Chine parmi les produits de l’Union européenne. Les fonctionnaires suisses et chinois tentent de réduire les retards causés par les inspecteurs des douanes tentant d’identifier l’origine des marchandises suisses.

Simon Evenett, un expert en commerce à l’Université de St-Gall, estime que les avantages non tarifaires, comme les procédures douanières accélérées, ont été “survendus” par les partisans de l’accord de libre-échange: «La Chine a mis en place des procédures pour permettre aux exportateurs suisses de se plaindre et de présenter leur cas, mais il reste à évaluer l’impact de ces mesures.» 

Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand

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