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Nicolas Feuz, la double vie d’un procureur écrivain

Nicolas Feuz
DR

Procureur du canton de Neuchâtel et auteur de polars, le Neuchâtelois sait jongler pour mener deux carrières. L’une inspire l’autre. Portrait d’un écrivain désormais reconnu au-delà des frontières nationales.    

De la Suisse au Kenya, en passant par la Laponie, la Camargue et la Corse, Nicolas Feuz traverse les pays, laissant sur les pages de ses romans policiers bon nombre de cadavres. L’écrivain a de quoi alimenter sa plume, trempée dans le sang des victimes que se paient des assassins de tout poil. Cet homme de 48 ans, autrefois juge d’instruction, aujourd’hui procureur du canton de Neuchâtel, a souvent croisé le crime. 

A son vécu professionnel, s’ajoute son intérêt pour les thrillers qu’il aime lire ou regarder à la télé. A force justement d’avaler des bouquins, de subir l’imagination pas toujours inspirante de leurs auteurs, il a fini par se dire qu’il valait mieux raconter soi-même ce qu’on ne voyait pas venir sous la plume des autres.

C’est ainsi qu’il s’est mis à la tâche, nourri donc de ses lectures, mais surtout de son travail qui a définitivement débloqué son envie d’écrire. Attention néanmoins, et cela il tient à le préciser: «Il ne faut pas confondre le romancier et le magistrat». Garder toujours à l’esprit qu’il y a deux en un!

«Le miroir des âmes», dernier roman de Nicolas Feuz, est sorti chez Slatkine & Cie, un éditeur parisien. DR

Depuis 1999, Nicolas Feuz a dû traiter une vingtaine d’affaires d’homicide intentionnel. «Je suis tenu au secret de fonction, confesse-t-il. Quand je m’inspire d’une affaire, je la travestis pour qu’on ne la reconnaisse pas». A son actif, neuf romans policiers, dont sept publiés en auto-édition.

L’avant dernier «Horrora borealis» est paru au Livre de Poche, tandis que le dernier est sorti chez Slatkine & Cie, un éditeur parisien. Son titre? «Le Miroir des âmes», des âmes noires voudrait-on ajouter. La scène du crime? La place des Halles à Neuchâtel, dévastée par un attentat terroriste. Parmi les blessés, le procureur de Neuchâtel, Norbert Jemsen.

«J’aime la simplicité»

On ne souhaiterait pas le même sort au romancier, qui rit lorsqu’on fait le rapprochement. Commissaires de police, policiers, autorités cantonales, dont un conseiller d’Etat, sont sur le pied de guerre. Un mélange explosif que toutes ces institutions! Et pour cause, elles ne s’aiment pas. L’enquête est menée dans un climat de tension, sans que l’on connaisse pour autant les motivations de ces personnages publics animés par une méfiance les opposant les uns aux autres. 

C’est le reproche que l’on peut faire à Nicolas Feuz, surtout si on le compare à Martin Suter, célèbre auteur alémanique de thrillers, qui creuse avec subtilité le profil psychologique de ses personnages. «Martin Suter donne plutôt dans le cynisme et l’humour, ce qui n’est pas mon cas. J’aime la simplicité, y compris celle du style. J’estime que sans elle vous risquez de faire fuir le lecteur de polars», se défend Nicolas Feuz qui a des fans en Suisse aussi bien qu’en France et en Belgique.

Silhouette décontractée

A ses lecteurs, il réserve la surprise d’une série consacrée à Norbert Jemsen. Histoire de prolonger la vie de ce procureur de fiction. «J’ai déjà terminé le premier jet du deuxième tome de la série», dit-il. Mais lui, Nicolas, procureur en chair et en os, où trouve-t-il donc le temps d’écrire et d’exercer en même temps son ministère public?

«J’écris le soir et les week-end, avec l’obligation d’être à jour dans mon travail de magistrat»
Nicolas Feuz

«J’écris le soir et les week-end, avec l’obligation d’être à jour dans mon travail de magistrat. Pas de retard injustifié dans l’examen des dossiers, pas d’erreur crasse, on ne me les pardonnerait pas», lance-t-il. Nicolas Feuz sait jongler. C’est son côté sportif, que sa silhouette reflète: coupe de cheveux façon star de foot, jeans, écharpe nouée à la parisienne… Bref, l’envers d’un décor plus austère: le costard-cravate qu’il porte lorsqu’il est en audience.

«J’aime bien jouer sur l’aspect vestimentaire», reconnaît-il. Rester cool. C’est plus qu’une allure. C’est une attitude qui aide à affronter la folie du crime, dans la vie comme sur le papier. «Mon père dirigeait le département des sports à l’Université de Neuchâtel. Le côté décontracté, je le tiens sans doute de lui», dit Nicolas. Sa mère, institutrice, l’a quant à elle orienté vers la lecture des classiques. Mais Balzac et Pascal n’ont jamais été sa tasse de thé. S’il y a un grand auteur qu’il aime, c’est le Suisse Friedrich Dürrenmatt, ne serait-ce que pour son roman policier «La Promesse».

Le voeu de Nicolas Feuz, c’est de voir un jour ses intrigues policières portées à l’écran. L’auteur ne vit pas de sa plume. Pas encore. Mais comme il n’est pas interdit de rêver, il lui arrive d’y songer. Abandonnera-t-il alors son métier de procureur? «Euh… Je ne sais pas!».

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