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Locarno: le Léopard d’or 2009 va à l’Asie rugissante

La réalisatrice Xiaolu Guo (à droite) et l'actrice Huang Lu tout sourire récompensées pour un film qui montre la réalité peu riante de l'immigration. Keystone

La 62ème édition du festival tessinois se termine avec la remise du Léopard d'Or à 'She, a chinese'. Un film de la réalisatrice chinoise vivant en Grande-Bretagne Xiaolu Guo qui ne figurait pas parmi les favoris.

«Je veux réaliser un film qui donne une place importante à la jeune génération chinoise, un film capable de franchir les frontières et les identités culturelles», explique Xiaolu Guo dans le catalogue du festival.

She, a chinese, c’est l’histoire du voyage de la jeune Mei, qui, fuyant son village natal, doit affronter la réalité peu accommodante des grandes villes. En Chine d’abord, puis à Londres où elle finit par épouser un vieillard.

Une histoire qui a un certain goût de vécu, puisque la réalisatrice, née en Chine dans une région rurale, vit aujourd’hui en Angleterre. Après avoir étudié le cinéma à Pékin, c’est à Londres qu’elle a terminé sa formation.

Egalement romancière, Xiaolu Guo, née en 1973, a déjà reçu plusieurs prix pour ses documentaires et ses longs métrages de fiction, dont How is your Fish Today?, distingué au Festival de Fribourg en 2007.

Pronostics déjoués

A Locarno samedi, le jury de la compétition internationale a rendu public le nom du film lauréat du Léopard d’or, sans passion. Ni d’ailleurs sans vraiment motiver son choix.

«Le choix s’est fait dans le respect des opinions des uns et des autres. Nous sommes sept personnes d’horizons différents et nous n’étions pas tous d’accord sur tout, mais la décision finale s’est prise avec l’accord de chacun», a déclaré Jonathan Nossiter, auteur de Mondovino, qui présidait le jury.

En sacrant She, a chinese, le jury a déjoué à la fois les pronostics de la presse et les faveurs du public, qui allaient à Summer Wars. Un film d’animation japonais qui raconte les dérèglements de la cité virtuelle de Oz et dont la consécration aurait permis d’être en adéquation avec la rétrospective Manga Impact organisée en exclusivité cette année par le festival.

Quant à la presse, elle mettait notamment en avant Akademia Platonos, comédie-fable réussie d’un cinéaste grec sur les préjugés et l’immigration et A Religiosa portuguesa, un long métrage audacieux et radical sur le don de soi dans lequel les acteurs scandent leur texte et où Lisbonne est filmée magnifiquement.

Egalement cité, The Search, qui met en images la quête virant au comique d’un réalisateur parti chercher sur les hauts plateaux de l’Himalaya des acteurs capables d’interpréter les rôles-titres dans un opéra traditionnel tibétain.

Bilan de la 62ème édition

Côté bilan, Anthony Bobeau, journaliste au Film Français, journal des professionnels de l’audiovisuel, estime que cette 62ème édition était «de bonne tenue». «On pourrait peut-être reprocher un peu de faiblesse à la programmation de la Piazza Grande. Mais en même temps, Frédéric Maire a obtenu en ouverture la première internationale de (500) Days of Summer, qui est en ce moment un énorme succès du cinéma indépendant américain», note-t-il.

Pour lui, Locarno est un festival dont l’exigence tout autant que la convivialité sont appréciables. «Il n’y a pas les stars de Cannes, c’est moins strass et paillettes. Mais ici on revient aux fondamentaux du cinéma d’auteur, qui n’est pas synonyme de cinéma ennuyeux, attention. Ce que j’aime à Locarno, c’est qu’il s’agit d’un lieu de découvertes et d’un vrai vivier de talents. Découvrir des auteurs à leurs balbutiements est toujours intéressant», souligne Anthony Bobeau.

Un avis partagé par le critique de cinéma neuchâtelois Christian Georges, fidèle au rendez-vous cinématographique tessinois depuis 25 ans. «Locarno reste un extraordinaire laboratoire de diversité. Cela rappelle que le cinéma n’est pas seulement ce qu’on voit dans les salles à longueur d’années, mais que c’est plus vaste. Il y a des continent entiers dont on ne voit pas les films et Locarno fait découvrir ces cinéastes à un public bigarré, pas seulement à des rats de cinémathèque.»

Frédéric Maire passe…

Au niveau du travail accompli par Frédéric Maire, dont il s’agit de la quatrième et dernière édition à la tête du festival, Christian Georges le juge «excellent».

Outre les qualités humaines du directeur, que les observateurs sont unanimes à saluer, il estime que le Neuchâtelois a su s’inscrire dans la lignée de ses prédécesseurs et laisser aux films et à ceux qui les font la première place.

«Frédéric Maire et Marco Solari (président du festival, ndlr.), avec lequel il était très en phase, ont eu raison de défendre l’idée que ce sont les films, et pas le glamour, qui sont les stars à Locarno. Ils ont aussi défendu la diversité – du Manga à une tentative extrêmement radicale comme celle de A Religiosa portuguesa -, montrant que l’éventail qu’il est possible de faire découvrir et apprécier est très large.»

…la main à Olivier Père

En partance pour la Cinémathèque suisse à Lausanne, Frédéric Maire cède la place au Français Olivier Père, lequel était présent ces jours à Locarno pour un repérage. Une transmission de flambeau qu’Anthony Bobeau voit d’un bon œil.

«Olivier Père a fait un excellent travail à la tête de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Il a réussi, ce qui n’est pas évident, le grand écart entre le strass et les paillettes et le cinéma d’auteur. A son actif, il a de très beaux coups, comme la découverte de Caramel, premier film d’un réalisateur libanais qui a très bien marché. Il est capable de créer le ‘buzz’, de prendre des risques et d’assumer ses choix», relève-t-il.

Là aussi, Christian Georges se montre confiant à la fois dans «l’intelligence et la cinéphilie» du Français. Une inconnue toutefois, «la manière dont Olivier Père pourra s’accommoder d’un paramètre qu’il n’a pas l’habitude de prendre en compte, les particularismes du fédéralisme suisse et du multilinguisme». Un bel exercice de respect de la diversité en perspective, en effet.

Carole Wälti à Locarno, swissinfo.ch

Le Léopard d’or (90’000 francs) est attribué à She, a Chinese, de Xiaolu Guo (Grande-Bretagne/Allemagne/France).

Le Prix spécial du jury et le Prix de la mise en scène vont à Buben.Baraban, d’Alexei Mizgirev (Russie).

Le Léopard de la première œuvre récompense Nothing Personal d’Urszula Antoniak (Pays-Bas/Irlande).

Autres sections

La compétition Cinéastes du présent est remportée par The Anchorage de C.W. Winter et Anders Edström (Etats-Unis/Suède).

Sur la Piazza Grande, Giulias Verschwinden (La disparition de Giulia) de Christoph Schaub (Suisse) remporte le Prix du public.

Pour les courts métrages, les lauréats sont Believe de Paul Wright (Grande-Bretagne) dans la catégorie internationale et Las Pelotas de Chris Niemeyer (Suisse) dans la catégorie nationale.

Enfin le Jury des jeunes a décerné son premier prix à Nothing Personal.

La récompense remise à Locarno est le Léopard d’or («Pardo d’Oro»). Le ou la réalisatrice du film et ses producteurs se partagent cette somme.

Les lauréat/es des dernières années sont:

2008Parque Vía, d’Enrique Rivero, Mexique.

2007Ai no yokan, de Masahiro Kobayashi, Japon.

2006Das Fräulein d’Andrea Staka, Suisse.

2005Nine lives, de Rodrigo Garcia, Etats-Unis.

Cette année, la fréquentation s’est affichée en progression sur la Piazza Grande mais en baisse globale de 12,7% (157’000 spectateurs contre 180’000 en 2008).

Directeur sur le départ du festival, Frédéric Maire met ce recul – qu’il redoutait plus important – sur le compte de la crise, qui a incité moins de gens à se rendre au Tessin.

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