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Macron et Merkel brandissent l’arme sociale pour éviter une guerre

Le président français Emmanuel Macron souhaite que l'avenir du travail contribue à lutter contre les inégalités. KEYSTONE/SALVATORE DI NOLFI sda-ats

(Keystone-ATS) Le président français, à la tête du G7, et la chancelière allemande ont joint leurs efforts à Genève pour appeler à davantage de justice sociale. Pour éviter une guerre, a dit mardi devant l’OIT Emmanuel Macron qui a aussi fait amende honorable sur les gilets jaunes.

“Nous sommes à l’orée, si nous n’y prenons pas garde, d’un temps de guerre”, a estimé le chef de l’Etat français devant les milliers de délégués des 187 pays membres. Dans son discours devant la Conférence du centenaire de l’Organisation internationale du travail (OIT), présidée par la Suisse, il a demandé une réforme du capitalisme pour résorber “les inégalités” qui alimentent selon lui les extrêmes.

Juste avant lui, certes moins catégorique sur la menace d’une guerre, Angela Merkel avait elle aussi estimé indispensable d’atteindre une “paix sociale” face au contexte actuel. “Nous avons encore beaucoup de travail qui nous attend” pour des emplois décents, a également dit la chancelière allemande.

“Cette économie de marché dans laquelle nous vivons est de moins en moins sociale” et plus financiarisée, a affirmé de son côté M. Macron. “Quelque chose ne fonctionne plus dans le capitalisme”. “Quand le peuple ne trouve plus sa part de progrès, il ne peut plus adhérer à un régime politique”, a dit le président français. Une situation qui alimente, selon lui, les extrêmes qui ont progressé lors des récentes élections européennes.

Dans une pique au président américain Donald Trump, sans le nommer, et aux attitudes unilatérales d’autres acteurs, M. Macron a affirmé qu’aucun Etat seul ne pourrait faire face aux défis de l’avenir du travail. Il en appelle à un “ordre social européen” avec des salaires minimaux mais aussi à une approche multilatérale.

Réglementation numérique

Tout comme Mme Merkel, avec laquelle des tensions ont été observées ces dernières semaines autour du nom du prochain président de la Commission européenne. Dans la ligne de son attitude face au scénario d’un libre-échange européen avec les Etats-Unis, le président français a lui répété qu’il refuserait désormais tous les “accords commerciaux qui favorisent le dumping social et environnemental”.

Celui qui préside le G7 appelle aussi à une réglementation des droits des travailleurs face aux plateformes numériques. Sur cette question, il attend beaucoup de la Déclaration du Centenaire de l’OIT que les membres doivent tenter d’adopter dans une dizaine de jours. Rendant hommage aux pionniers de l’OIT, il a relevé qu”il serait trop long” de mentionner tous les succès d’une institution “qui a changé la vie de millions d’homme et de femmes”.

Mme Merkel a aussi salué les avancées obtenues par l’organisation, dont “on a autant besoin qu’il y a 100 ans”. Elle a relevé l’importance de trouver des réponses face aux plus de 150 millions d’enfants contraints de travailler et aux plus de 230 millions de travailleurs migrants, dont beaucoup sont en difficulté. “Le travail doit oeuvrer pour l’humain et non le contraire”, a-t-elle dit.

Dès son arrivée, le président français avait affirmé que son discours ne constituait pas le début de l’Acte 2 plus social de son quinquennat. Ce dispositif a démarré “en avril”, a-t-il expliqué devant les journalistes.

Plaidoyer de May contre l’esclavage

Ciblé à plusieurs reprises pour avoir délaissé les corps intermédiaires, il a rencontré à Genève la délégation tripartite française à la conférence. “Nous avons sans doute à apprendre pour nous-mêmes”, a-t-il dit ensuite dans une sorte d’aveu. Il a admis s’être peut-être éloigné des citoyens dans son approche qui a mené à la crise des gilets jaunes. Sans affirmer pour autant que la politique choisie était mauvaise.

Comme Mme Merkel, la première ministre britannique Theresa May a relevé l’importance de lutter contre le travail forcé. “A la pointe” du combat contre l’esclavage moderne sur lequel elle a porté une loi, elle s’est extirpée de ses déconvenues du Brexit pour venir aborder cette question.

“Il faudrait une ville deux fois plus grande que Genève pour accueillir” les près de 15 millions de victimes, a-t-elle dit. Elle a annoncé la nomination prochaine d’un émissaire britannique et 200 millions de livres (environ 250 millions de francs) pour protéger les enfants dans les filières du commerce.

Elle demande aussi au consommateur de boycotter les entreprises en cause. Plus de 90 pays se sont associés à son initiative lancée en 2017. Moins remarqué, le Dmitri Medvedev a estimé possible dans quelques années de ramener à quatre jours la semaine de travail dans son pays.

Toujours à Genève, M. Macron a signé à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) une déclaration pour le lancement en 2020 d’une Académie mondiale de la santé en France, à Lyon. Il a également partagé un repas notamment avec le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) Peter Maurer.

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