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Mahmoud Ahmadinejad provoque un tollé à Genève

Mahmoud Ahmadinejad à Genève, un discours très attendu. Keystone

Les diplomates européens ont quitté la conférence de l'ONU sur le racisme qui s'est ouverte lundi à Genève, cela suite aux propos du président iranien Mahmoud Ahmadinejad qui a qualifié le gouvernement israélien de régime cruel et raciste.

Lors de son discours, pour le moins attendu, Mahmoud Ahmadinejad a pointé du doigt l’attitude d’Israël, de l’Europe et des Etats-Unis, affirmant qu’ils déstabilisaient le reste du monde.

Le président iranien a néanmoins déclaré accueillir positivement «la nouvelle
politique américaine envers l’Iran», se disant dans l’attente de «changements concrets». Le nouveau gouvernement américain du président Barack Obama a en effet récemment tendu la main à l’Iran après des années de froid glacial entre les deux puissances.

Les diplomates européens ont immédiatement quitté la salle lorsque le président iranien a déclaré que «après la fin de la Seconde Guerre mondiale, ils [les Alliés] ont eu recours à l’agression militaire pour priver de terres une nation entière sous le prétexte de la souffrance juive (…) Ils ont envoyé des migrants d’Europe, des Etats-Unis et du monde de l’Holocauste pour établir un gouvernement raciste en Palestine occupée».

Il a également vivement critiqué les attaques israéliennes contre la population palestinienne à Gaza. «Il faut mettre fin aux abus perpétrés par les sionistes», a déclaré le président iranien dans un discours anti-israélien musclé.

Auparavant, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon avait pourtant mis en garde le président iranien Mahmoud Ahmadinejad contre tout amalgame entre sionisme et racisme. L’entretien entre les deux dirigeants a duré 1h30 au Palais des Nations.

Le secrétaire général de l’ONU a insisté sur le besoin d’unité et la nécessité de dépasser «les divisions du passé». M. Ban a rencontré M. Ahmadinejad, à la demande du président iranien, a précisé à la presse la porte-parole de l’ONU Marie Heuzé.

Premières réactions

Le ministre norvégien des Affaires étrangères Gahr Stoere a condamné sans équivoque le discours de Mahmoud Ahmadinejad. «J’ai bien entendu le président iranien. J’ai reconnu l’incitation à la haine avec la promotion d’un message d’intolérance», a déclaré le ministre norvégien, montant à la tribune après Mahmoud Ahmadinejad.

Ces propos «vont à l’encontre de la dignité et de l’esprit de la conférence», a déclaré le ministre, en accusant l’Iran de vouloir «prendre en otage la volonté commune du plus grand nombre».

A Paris, Nicolas Sarkozy dénonce un «appel intolérable à la haine raciste». Le discours du président iranien est un «appel intolérable à la haine raciste, il bafoue les idéaux et les valeurs inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme», déclare le chef de l’Etat français dans un communiqué.

Et en début de soirée, la République tchèque, qui assure la présidence tournante de l’Union européenne au premier semestre 2009 a annoncé qu’elle se retirait «définitivement» de la conférence.

«Tout comme nos partenaires démocratiques, membres et non-membres de l’UE, nous ne pouvons pas permettre de légaliser par notre présence des attaques anti-israéliennes totalement inacceptables», écrit notamment le ministère tchèque des Affaires étrangères dans un communiqué.

Les regrets du secrétaire général

Lundi matin, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon avait ouvert la conférence en regrettant «profondément que certains pays aient choisi de ne pas participer». En effet, ce sont une dizaine de pays qui boycottent la conférence: Israël, les Etats-Unis, le Canada, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

«Je suis profondément déçu. Nous affrontons des défis immenses dans cette période difficile sur plusieurs fronts», a relevé Ban Ki-moon. Le racisme persiste et aucune société n’est indemne, a-t-il souligné.

«Nous restons faibles, divisés et bloqués sur les vieux clichés… Nous parlons de tolérance et de respect mutuel, mais nous continuons à montrer du doigt et à formuler les mêmes accusations que ces dernières années, sinon ces dernières décennies», a-t-il dit.

A noter que si la Suisse a décidé de participer à la conférence, Micheline Calmy-Rey, ministre des affaires étrangères, a choisi de ne pas participer personnellement aux débats. La Confédération est représentée par son ambassadeur auprès de l’ONU, Dante Martinelli, qui lui, n’a pas quitté la salle suite aux propos du président iranien.

Tensions israélo-suisses

Par ailleurs, Israël a vivement réagi lundi suite à la rencontre, la veille à Genève, entre le président de la Confédération Hans-Rudolf Merz et le président iranien.

Le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou et le ministre des affaires étrangères Avigdor Lieberman ont décidé de rappeler à Jérusalem pour consultation l’ambassadeur en Suisse. Par ailleurs, la chargée d’affaires de l’ambassade suisse à Tel-Aviv a été conviée à une réunion urgente. Les autorités israéliennes voulaient y faire part de leur mécontentement.

Hans-Rudolf Merz a réagi en disant que s’il comprend les critiques, il les trouve injustifiées. La Suisse joue son rôle dans un dialogue qui est nécessaire, a expliqué le président de la Confédération sur les ondes radiophoniques. Il existe au Moyen-Orient un potentiel de conflit d’une grande ampleur.

Pour Gerri Müller, président de la Commission de politique extérieure de la Chambre basse, la rencontre entre Hans-Rudolf Merz et son homologue iranien était appropriée, parce que la Suisse est l’hôte du siège européen de l’ONU, mais aussi parce qu’elle représente les intérêts américains à Téhéran, a-t-il fait remarquer.

Récemment, on a observé un début de rapprochement entre les Etats-Unis et l’Iran, signe que le dialogue reste une démarche valable, a poursuivi le député.

Selon l’ancien ambassadeur François Nordman, interrogé par swissinfo, s’il était correct et utile pour la Suisse, dans le cadre de son mandat, de rencontrer le président iranien , il est plus surprenant que cette rencontre ait eu pour contexte un dîner amical, avec autant de visibilité.

swissinfo et les agences

Suivi. Comme de coutume à l’ONU, le sommet de Durban fait l’objet d’une conférence de suivi chargée d’évaluer la mise en œuvre des textes adoptés en septembre 2001. La conférence d’examen de Durban se déroule à Genève du 20 au 24 avril 2009.

Boycott. Après Israël et la Canada, les Etats-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie et la Pologne ont annoncé qu’ils ne participeraient pas à la conférence. Ces pays redoutent que la conférence ne soit l’occasion d’attaques antisémites.

Consensus difficile. Vendredi, le projet de déclaration finale produit par les diplomates semblait avoir obtenu un consensus. Mais les capitales de plusieurs pays occidentaux ont accueilli le texte avec beaucoup de réserves, s’inquiétant d’atteintes à la liberté d’expression. Le document ne faisait pourtant plus mention d’Israël ni de la diffamation des religions, deux «lignes rouges» pour les Occidentaux. Ces derniers avaient aussi obtenu que le paragraphe sur la mémoire de l’Holocauste soit maintenu contre l’avis de l’Iran.

Septembre 2001. L’ONU avait tenu un sommet contre le racisme en septembre 2001 dans la ville sud-africaine de Durban. La conférence avait donné lieu à des manifestations prônant la destruction d’Israël et à une déclaration de la société civile considérée par certains comme antisémite.

Déclaration. La conférence avait évité in extremis le naufrage par l’adoption à l’unanimité d’une déclaration finale et d’un plan d’action dont le contenu suscite le soulagement du gouvernement israélien qui s’était pourtant retiré des négociations, tout comme les Etats-Unis.

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