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Les frontaliers sont en majorité des employés

Une serveuse sur la terrasse d un café
Les frontaliers sont de plus en plus nombreux à travailler dans le secteur tertiaire, par exemple dans la restauration. Keystone

Selon le dernier rapport de l’Observatoire des frontaliers, les travailleurs frontaliers qui ont des postes de cadres s’installent désormais en priorité sur le sol suisse. Les autres, eux, restent en France voisine. Et font toujours plus de route pour aller au travail.

La frontière géographique entre la France et la Suisse serait-elle en train de devenir une frontière économique? C’est en tout cas ce qu’évoque la lecture du 2e rapport de l’Observatoire des frontaliers, rendu public le 5 décembre dernier. Plus de 61% des frontaliers sont aujourd’hui des ouvriers ou des employés, alors qu’en 2015, date du premier rapport sur le même sujet, ils n’étaient que 45%, soit une minorité, à avoir ce statut.

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Historiquement, les frontaliers étaient en majorité des Français aux formations pointues, recrutés par une industrie suisse en manque de spécialistes. C’est de moins en moins le cas aujourd’hui, révèle cette étudeLien externe de manière très claire. Aujourd’hui, les frontaliers exercent en majorité dans le secteur tertiaire et n’ont pas forcément des postes à responsabilité.

Pour Claudio Bolzman, sociologue et professeur à la Haute Ecole de Travail Social à Genève, cette tendance a plusieurs raisons. «D’abord, les domaines du commerce et de la construction font appel à beaucoup de frontaliers pour des postes peu qualifiés, explique-t-il. Et puis, il se peut qu’une partie des frontaliers qui cherchent un travail finissent par en trouver un, mais à des fonctions en dessous de celles auxquelles ils auraient pu prétendre avec leur diplôme».

L’autre raison est à chercher dans les évolutions législatives suisses. La votation contre l’immigration de masse, en premier lieu, qui a mis une pression indirecte sur les entreprises vaudoises et genevoises pour recruter de la main-d’œuvre locale. La loi sur la préférence cantonale à Genève, en deuxième lieu, qui oblige les institutions publiques à privilégier des candidats résidant sur le canton, plutôt que de l’autre côté de la frontière.

«Nous savons qu’un bon nombre d’entreprises ou d’administrations ont demandé à leurs cadres supérieurs de revenir habiter sur le territoire suisse, affirme Jean-François Besson, Secrétaire général du Groupement transfrontalier européenLien externe, qui a commandé l’étude en partenariat avec le Crédit Agricole des Savoie et le Crédit Agricole next bank. Ceux qui postulent en Suisse savent aussi que pour un premier emploi, il vaut mieux résider sur place que vivre en France. Mais si vous êtes employé de commerce, vous n’en aurez pas les moyens».

Cette pression est beaucoup moins forte dans le canton de Vaud, qui ne dispose pas de loi sur la préférence indigène, et où le flux de frontaliers n’a pas d’impact, ou très peu, sur la circulation. En toute logique, le rapport note donc qu’en trois ans, la part de frontaliers dans le canton de Vaud a augmenté de 3 points pour s’établir à 14%, alors qu’à Genève elle a diminué de trois points. Cela n’étonne pas Jean-François Besson, pour qui «ce n’est que la conséquence d’une politique anti-frontaliers et anti-étrangers menée depuis près de dix ans. Aux yeux des entreprises internationales, Genève a malheureusement une image de canton xénophobe, ce qui les fait hésiter avant de s’y installer ou de s’y développer.»

Pour ceux qui vivent en France voisine, il y a des avantages, comme le fait de posséder son propre logement  – 75% des frontaliers sont propriétaires. Mais aussi ses inconvénients, parmi lesquels le temps de trajet est sans aucun doute le plus pénible. La moitié des frontaliers travaillent à plus de 30 kilomètres de leur domicile, et 19% à plus de 50 kilomètres. Près de 50% d’entre eux mettent plus de 45 minutes le matin pour rejoindre leur entreprise.

La préférence cantonale et la votation du 9 février 2014 ont imprégné les esprits des frontaliers. Ils sont 21% à se sentir «plutôt pas» intégrés en Suisse, et 9% à ne pas se sentir intégrés du tout. Et ce, même s’ils consomment régulièrement des biens et des loisirs côté suisse, et s’ils ont des connaissances et des amis vivant en Suisse.

Cette étude n’est pas exhaustive: elle a été réalisée cet été par l’institut de sondage Ipsos auprès de 403 frontaliers vivant en Savoie, en Haute-Savoie et dans l’Ain, et travaillant en Suisse. Mais le panel est représentatif, et donne une image plutôt fiable des quelque 115’000 frontaliers exerçant dans la région lémanique, selon les données du 3e trimestre 2018Lien externe publiées par l’Office fédéral de la Statistique.

Parmi les autres chiffres livrés par le rapport, on relève que les femmes représentent aujourd’hui 43% des frontaliers, que 36% d’entre eux gagnent entre 50 et 80’000 francs par an et qu’une majorité exerce en Suisse depuis plus de dix ans. Enfin, 13% d’entre eux sont de nationalité suisse, et 10% ont la double nationalité franco-suisse.

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