Michel Viala, hors système
A 74 ans, le poète, romancier et dramaturge suisse, qui vit aujourd'hui dans un EMS, n'a rien perdu de sa fougue d'anarchiste et de sa tendresse de rêveur.
Tandis que Campiche publie, en deux volumes, le «Théâtre incomplet» de Michel Viala, Le Poche de Genève met à son affiche une de ses pièces «Vacances». Portrait.
Cette saison théâtrale nous le ramène en force: deux volumes publiés chez Campiche et une pièce à l’affiche du Poche, à Genève. Revoici donc Michel Viala tel qu’en lui-même, personnage haut en couleur, dramaturge, scénariste et poète rescapé d’une errance volontaire qui le rapprocha, un temps, des clochards célestes de Beckett.
A cette époque-là, Michel Viala campa sur un banc, des jours entiers et des nuits, près de la gare Cornavin à Genève. Vivre comme un SDF lui permit alors de mieux voir ceux qui ne rentrent pas dans un système, un peu comme lui.
A l’opposé des écrivains romantiques, délicats, vite effarouchés, Viala pratique l’écriture comme une résistance. Ne jamais céder un pouce de terrain au consensus, ne jamais s’incliner devant les vérités toutes faites.
Avec sa voix de rogomme qui traduit si bien son ivresse existentielle, il confie aujourd’hui: «La majorité des gens éprouve le besoin de recevoir des ordres pour vivre. C’est effrayant le nombre de personnes qui restent paumées si elles ne savent pas à qui obéir.»
Du temps de la bande à Bader
S’inventer des chefs, faute de pouvoir s’inventer une raison d’être: voilà qui est terrassant. «Je supporte mal l’autorité», précise celui qui jadis créa, avec ses amis Max Frisch et Friedrich Dürrenmatt, le groupe d’Olten.
«C’était pour faire la nique aux fascistes de l’époque et nous désolidariser de la Société Suisse des Auteurs, se souvient Michel Viala. Tous les trois, nous sommes alors aller pisser sur le Monument du Lion, à Lucerne. Ne le dites pas dans votre papier… et puis, après tout je m’en fous!»
Son aversion pour toute forme d’institution remonte à loin, au temps où il fréquenta la bande à Bader et écrivit en leur honneur un poème: «Meinhof». Au temps, aussi, où il fit la guerre d’Algérie, pris pour femme une Algérienne et apprit l’arabe.
Mais cela c’est une autre histoire, sur laquelle il ne s’attarde pas beaucoup. Il préfère parler du présent. L’anarchiste qu’il fut vit aujourd’hui dans un EMS (Etablissement médico-social), près de Genève. Vous avez beau vous en étonnez en lui disant que ça ne lui ressemble pas, il vous répondra: «J’y suis très bien, car cette vie communautaire nourrit ma plume.»
Portrait de vacanciers
Il y eut ainsi «Petit Bois» (du nom de l’EMS), texte créé au Poche en 2004. C’est dans ce même théâtre que sera présentée à partir du 10 décembre «Vacances», autre pièce de Viala que met en scène Philippe Lüscher.
Et voilà notre auteur parti sur les traces de deux vacanciers, incapables de sortir de leur petitesse. Un de ces couples, comme on en voit souvent chez Viala, qui patauge dans la médiocrité. Ici peut-être plus qu’ailleurs. Car en vacances, au bord de l’eau, on se relâche. Forcément. Impitoyable devient alors la nudité.
swissinfo, Ghania Adamo
«Vacances» de Michel Viala dans une mise en scène signée Philippe Lüscher.
Interprétation: Caroline Gasser et Thierry Meury.
Théâtre le Poche, Genève: du 10 au 23 décembre. Et du 7 au 27 janvier 2008.
Michel Viala est né à Genève en 1933.
Comédien au début des années 50, il se consacre à l’écriture par la suite.
Traduit dans plusieurs langues, il est l’auteur d’une cinquantaine de pièces de théâtre traduites dans plusieurs langues et jouées non seulement en Suisse et en France, mais aussi en Russie, au Canada et en Hongrie.
Il a travaillé également comme scénariste, notamment pour Claude Goretta.
Il vit aujourd’hui dans un EMS, près de Genève.
Vingt de ses pièces viennent d’être publiées en deux volumes chez Campiche, dans la collection Théâtre en CamPoche.
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.