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Notation des salariés: la guerre des étoiles

La médecine n'est pas épargnée par la mode des évaluations qui touche tous les secteurs des services. RTS-SWI

Vendeurs, chauffeurs, restaurateurs, médecins: en Suisse aussi, de nombreux services sont soumis aux systèmes de notation et aux commentaires plus ou moins bienveillants des consommateurs. Des bonnes et des mauvaises notes qui mettent une pression énorme sur les employés. Enquête sur des pratiques parfois à la limite de la légalité.

Après les restaurants, les systèmes de notation s’étendent désormais aux personnes physiques dans des entreprises comme Swisscom, Apple ou Uber. Salaires, promotion et licenciements peuvent dépendre des notes de l’employé.

La mode vient des Etats-Unis et Apple est pionnier dans le domaine. Après chaque visite dans un magasin, le client est amené à évaluer le vendeur de 1 à 10. En cas de mauvaise moyenne, l’employé «est remis à l’ordre», selon les propos d’un ex-cadre d’Apple Suisse dans l’émission Mise au Point de la Radio télévision suisse (RTS).

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Chez Swisscom, le système de notation est similaire. Ce procédé est cependant décrié par les collaborateurs. «Vous avez toujours la hantise d’arriver et qu’on vous dise ‘ta note a baissé’. Il y a des personnes qui ont des angoisses, ce n’est pas possible. Vous ne faites pas du travail correct quand vous avez des pressions à longueur de journée», témoigne une employée sous couvert d’anonymat.

Course aux bonnes notes

Officiellement, l’objectif est d’améliorer le service. «Le but est de mesurer la satisfaction de nos clients. Il n’est pas question de mettre une pression exagérée», explique Christian Neuhaus, porte-parole de Swisscom.

Reste que cette course aux bonnes notes est telle que trois collaborateurs ont récemment triché dans le Jura. Par diverses astuces, ils ont augmenté artificiellement les chiffres des ventes et le résultat des notations. Pincés par la direction, ils ont été licenciés.

C’est qu’une portion de la rémunération des employés de Swisscom est basée sur le système de notation. «Une partie du bonus de l’ensemble des collaborateurs est payé en fonction de la satisfaction des clients au niveau national, pas directement de la note», précise Christian Neuhaus.

Être noté ou disparaître

Le pouvoir des notes ne touche pas que les salariés. Le système a aussi un impact sur les indépendants et les professions libérales par le biais de sites web qui proposent de noter les avocats ou les médecins.

Pédiatre dans la région genevoise, la doctoresse Cécile Kerdudo Veau figure sur différents sites de notation. «Je n’ai jamais donné aucun accord, je ne me suis jamais inscrite sur Google. Cela s’est fait au fil du temps», déplore-t-elle.

«C’est une forme de mise en discipline de son comportement. On ne peut plus être spontané»
Olivier Glassey, sociologue

Ce qui fâche la doctoresse, c’est l’impossibilité de dialoguer avec ces patients anonymes aux notes et commentaires assassins. Cécile Kerdudo Veau a bien demandé à Google de supprimer ses notes, sans succès. L’unique solution proposée par la firme américaine? Effacer son existence numérique et disparaître d’internet.   

«Contrôle social»

Parmi les professions les plus à risque figurent encore les chauffeurs de taxi indépendants, notamment ceux travaillant pour Uber et Drivel. Ces sociétés se débarrassent quasi automatiquement des conducteurs mal évalués. Chez Uber, le système d’évaluation est même poussé à son extrême. Le chauffeur comme le client se notent mutuellement.

«C’est une forme de mise en discipline de son comportement, où on ne peut pas être spontané. Les comportements atypiques seront sanctionnées. (…) Il y a un vrai contrôle social», analyse Olivier Glassey, sociologue spécialisé dans les nouvelles technologies à l’Université de Lausanne.

Et la tendance s’accentue en Suisse. Après Swisscom, Apple et Uber, plusieurs grandes entreprises étudient actuellement la mise en place d’un système de notation.

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