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«Pas mal de choses se préparent en coulisses»

Avec le pape François, la papamobile fermée reste au garage. Reuters

Cent jours après son élection, le pape François conserve une bonne image et une popularité élevée. S’il reste difficile de dresser un premier bilan, les observateurs estiment que certains signes montrent que ce «pape des pauvres» saura aussi se montrer homme de décision.

En s’adressant aux fidèles de manière familière et en leur demandant de prier pour lui, le nouveau pape a su dès le soir de son élection se forger une image sympathique, tant auprès des médias que du grand public. «Cette attitude change tout; ce n’est plus un empereur, mais un chrétien comme les autres», estime le jésuite suisse Albert Longchamp.

Quelle pensée derrière l’image?

Cette première impression a ensuite été confirmée, souligne Maurice Page, de l’Agence de presse internationale catholique (APIC) à Fribourg. «Il a renoncé aux chaussures rouges, s’est rendu en personne à l’hôpital pour visiter des cardinaux malades, ne s’est pas installé dans les appartements privés du Vatican, n’utilise pas la papamobile fermée… C’est vraiment un changement de style par rapport à Benoît XVI qui était plus intellectuel, plus timide et réservé.»

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«L’homme juste au moment juste»

Ce contenu a été publié sur «Je suis sûr que sa mission ne va pas se limiter à l’Eglise, mais que ses paroles vont avoir un impact bien au-delà», assure le Père Bernardo Blanchaud, descendant de Valaisans et «petit-fils spirituel» de Jorge Bergoglio. Originaire d’Esperanza, l’une des premières colonies suisses d’Argentine et prêtre de la paroisse de Humboldt (province de Santa…

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Pour l’heure, rien n’est venu encore écorner cette image. Probablement parce qu’aucune décision importante susceptible de fâcher n’a été prise. Il faudra attendre des actes fondateurs, comme un synode ou une encyclique pour en savoir un peu plus sur l’orientation du pontificat. «On ne sait pas s’il sera ouvert ou réactionnaire. Il a certes une image sympathique, mais derrière cette image, quelle est la pensée?», se demande le Père Longchamp.

Mais des décisions tomberont tôt ou tard. De gros dossiers attendent en effet le nouveau pape. Au niveau de l’institution, la réforme de la Curie romaine – ou en mots plus profanes de l’ensemble des ministères et autres organismes du Vatican qui aident le pape dans sa mission – est attendue depuis longtemps. «Il y a aussi la question de l’ordination des hommes mariés, celle de l’attitude face aux divorcés et aux homosexuels ou encore celle de la condition de la femme dans l’Eglise», signale Albert Longchamp.

Un signal fort

Jusqu’à maintenant, la seule décision réellement tangible que le nouveau pape a prise est la nomination d’un groupe de huit cardinaux du monde entier pour l’aider dans le gouvernement de l’Eglise. Un seul d’entre eux est italien et membre de la Curie romaine. La première réunion de ce groupe est prévue début octobre, mais le pape est «d’ores et déjà en contact avec les cardinaux», indique le Vatican.

Cette manière de procéder est inédite. «On retrouve au niveau du pape ce que l’on a au niveau des diocèses, où il existe toujours un conseil presbytéral chargé d’épauler l’évêque, analyse Bernard Litzler, directeur du Centre Catholique de Radio et Télévision (CCRT). En formant ce groupe, le pape donne dès le départ un signal fort en indiquant qu’il ne va peut-être pas s’appuyer sur l’ensemble des responsables des dicastères de la Curie, mais sur ce petit groupe de personnes qui ne sont pas à Rome. C’est absolument fondamental. Je pense que pas mal de choses se préparent en coulisses.»

Jorge Bergoglio est né le 17 décembre 1936 à Buenos Aires, dans une famille modeste d’origine italienne.

Après un diplôme de technicien en chimie, il intègre à 22 ans la Compagnie de Jésus, où il étudie les humanités et obtient une licence en philosophie. Il est également docteur de l’université de Fribourg en Brisgau.

Il est ordonné prêtre en 1969. Moins de quatre ans plus tard, il devient responsable national des jésuites argentins. Durant la dictature militaire (1976-1983), il fait tout pour maintenir la non-politisation des jésuites argentins.

Redevenu simple curé dans la ville de Cordoba, il est nommé évêque auxiliaire de Buenos Aires en 1992 et cardinal en 2001.

Il a été élu pape le 13 mars 2013. Il est le premier pape jésuite et le premier ne provenant pas d’Europe ou du bassin méditerranéen.

Pas de révolution

L’image de proximité renvoyée par le nouveau pape ainsi que ses origines latino-américaines pourraient inciter le grand-public à penser a priori qu’il se montrera ouvert et progressiste. Les références à St-François pourraient également laisser supposer qu’il sera avant tout un pape spirituel, éloigné des contingences bassement matérielles. Mais les observateurs attentifs mettent en garde: l’image ne correspond pas forcément à la réalité.

«Le précédent pape a beaucoup souffert d’une image un peu dégradée, relève Bernard Litzler. Le danger, c’est qu’on a un peu trop noirci Benoît XVI et qu’on risque de blanchir un peu trop François en lui collant des étiquettes. Celles-ci correspondent certainement à la réalité du personnage, mais il est d’abord un homme d’Eglise qui sent qu’il a une mission à accomplir.»

«Il faut savoir que ce n’est pas un homme de gauche, note Albert Longchamp. Il y a une ambiguïté entre son image et ses positions. La gentillesse est une fausse image. On ne dirige pas un milliard de catholique avec de la gentillesse, il faut aussi de la poigne.»

Sur certains points, le pape François a d’ailleurs déjà montré qu’il suivrait la ligne de ses prédécesseurs. Il a ainsi réaffirmé la ferme opposition de l’Eglise à l’avortement ou encore confirmé la remise au pas des religieuses américaines, jugées trop féministes et libérales en matière de mœurs. «Sur le fond, il ne faut pas s’attendre à des révolutions, avertit Maurice Page. Selon moi, les principaux changements concerneront le gouvernement de l’Eglise.»

En phase avec le monde

Si, sur le fond, il n’y aura probablement pas de révolution, le changement viendra peut-être de l’approche. «Benoît XVI avait une vision plus pessimiste du monde, note Maurice Page. François est plus positif, il rappelle les débuts de Jean-Paul II.»

«Avoir un pape jésuite à la tête de l’Eglise va remettre en valeur la spiritualité de Saint Ignace et de Saint François, estime de son côté Bernard Litzler. Il y a dans l’Eglise une redécouverte des fondamentaux dans tout ce qui touche à l’appareillage spirituel du christianisme. La manière de vivre des jésuites est une manière de vivre en chrétien dans le monde moderne.»

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