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L’argent, c’est le pouvoir – même en démocratie directe

Menschenmenge vor dem Bundeshaus
Le dépôt d'une initiative s'accompagne toujours d'une mise en scène. Ici, celle pour le congé paternité. Keystone / Thomas Delley

En Suisse, tous les partis politiques recourent parfois à des collecteurs de signatures payés à la pièce pour faire aboutir une initiative populaire ou une demande de référendum. Est-ce encore de la démocratie?

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Qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, ils abordent des inconnus – parfois désagréables – pour récolter des signatures. Ce sont les travailleurs sans grade de la politique et ils sont de moins en moins souvent volontaires. Des entreprises proposent désormais des collectes de signatures contre rémunération, un service qui peut coûter jusqu’à deux francs par paraphe.

Cette chère démocratie serait-elle à vendre? Non, répond le professeur de droit Andreas GlaserLien externe, du Centre pour la démocratie d’Aarau (ZDALien externe). Légalement, le fait de payer des gens pour récolter des signatures ne pose aucun problème. «De nos jours, il n’est pas interdit, et il est même normal de payer pour une tel travail», a-t-il dit à swissinfo.ch et à la radiotélévision alémanique SRF. L’argent est certes un facteur de pouvoir, mais les recherches ont montré qu’on ne peut pas acheter un résultat de votation en Suisse.

L’initiative sur la transparence

En Suisse, les partis politiques ne sont pas tenus de révéler leurs sources de financement. Ce manque de transparence vaut régulièrement au pays des critiques internationales.

Cet automne, un comité interpartis (plutôt de gauche) déposera une initiativeLien externe dite «pour plus de transparence dans le financement de la vie politique». Elle demande que les partis et les comités publient leurs comptes et déclarent l’origine de toute contribution supérieure à 10’000 francs.

Les initiants clament avoir déjà plus de 120’000 signatures, récoltées notamment par des gens payés pour cela.

Actuellement, 100’000 signatures sont nécessaires pour une initiative populaire et 50’000 pour un référendum. Mais certaines voix s’élèvent pour demander une hausse du nombre de signatures requises – à cause de l’augmentation de la population et d’une présumée «marée d’initiatives populaires» (qui est d’ailleurs déjà en train de redescendre). Est-ce à dire qu’à l’avenir, seuls les partis ou les organisations puissantes pourraient mettre leurs préoccupations à l’agenda politique et non plus les simples citoyennes et citoyens? Des histoires comme celle de ce paysan de montagne qui a fait aboutir pratiquement seul une initiative pour qu’on laisse leurs cornes aux vaches deviendraient-elles impensables à l’avenir?

«Pour les particuliers, l’obstacle deviendrait presque impossible à surmonter, confirme Andreas Glaser. Manifestement, des comités forts, comme celui de l’initiative sur la transparence ou de l’initiative contre le voile ont déjà de la peine à réunir les signatures».

L’instrument de l’initiative populaire a justement été pensé pour que les citoyennes et les citoyens puissent proposer une modification de la constitution fédérale. C’est un instrument clé de la démocratie directe. Si dans les faits les groupes d’intérêts et les partis politiques sont les seuls à pouvoir encore lancer une initiative, c’est un des droits démocratiques les plus importants qui se trouve remis en cause. Pour Andreas Glaser, il n’est pas souhaitable, au vu de l’ouverture et de la diversité que défendent le système politique, de placer la barre trop haut. «Contrairement aux partis, les particuliers n’ont en effet pas d’autre moyen que l’initiative pour mettre un sujet à l’agenda.»

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Initiative contre l’expérimentation animale

Une nouvelle initiative populaire est lancée aujourd’hui, nommée «pour l’interdiction de l’expérimentation animale CH». Le texte est porté par un comité constitué pour l’occasion, qui regroupe notamment des médecins, des agriculteurs bio, des artistes et des défenseurs des animaux. Un exemple qui montre qu’en Suisse, pratiquement chacun peut amener un thème à l’agenda politique. 

(Traduction de l’allemand: Marc-André Miserez)

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