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Plus de liberté pour former son capital vieillesse

Erich Walser (à gauche) et Lucius Duerr, président et directeur de l'ASA. Keystone

Comment épargnerons-nous pour nos vieux jours en 2040? L'Association suisse d'assurances (ASA) s'est lancée dans l'exercice des scénarios à long terme. Une prévoyance «sur mesure» est au cœur de ses réflexions, qui suscitent aussi des critiques.

La Suisse est réputée pour son modèle de prévoyance vieillesse reposant sur trois piliers équilibrés: l’AVS/AI, les caisses de pension et la prévoyance individuelle.

«D’autres pays connaissent également trois piliers, mais en général l’un des volets est beaucoup plus important que les autres», a expliqué Walter Ackermann, professeur à l’Institut d’économie de l’assurance (IEA) de l’Université de St-Gall, lors de la présentation d’une étude cette semaine à Zurich.

Réalisée sur mandat de l’Association suisse d’assurances (ASA), l’étude entend lancer «la discussion sur la prévoyance professionnelle» de l’avenir. Elle contient des lignes directrices visant l’horizon temporel 2040.

Les chercheurs st-gallois estiment que les scénarios actuels ne tiennent pas assez compte des changements sociaux et économiques sur la prévoyance par capitalisation, soit les 2e et 3e piliers. Or l’importance de ces derniers ne cesse de croître.

«Avec les changements au sein de la famille, le travail au foyer joue un plus grand rôle. Il faudrait accroître le lien entre travail familial et prévoyance», a déclaré Walter Ackermann. La constitution d’une prévoyance même sans activité lucrative devrait donc être possible.

Diversifier l’utilisation de sa caisse de pension

En outre, en 2040, «un tiers des actifs aura un contrat de travail limité dans le temps», rappelle le professeur. «A long terme, le salarié ne doit pas seulement être le bénéficiaire, mais aussi un véritable client de sa caisse de pension. Un changement d’emploi ne devrait pas entraîner automatiquement un changement de caisse», explicite le rapport.

La prévoyance pourrait aussi tenir compte d’événements plus ou moins prévisibles au cours d’une carrière professionnelle, tels que «congés sabbatiques, pause pour la famille, crises de ‘burn out’, énumère Walter Ackermann. Aux Pays-Bas, on peut utiliser sa prévoyance professionnelle pendant six mois pour de tels événements.»

«Cotisations facultatives»

Les chercheurs mandatés par les assureurs estiment qu’il faut à l’avenir impérativement augmenter l’auto-détermination des assurés sur l’utilisation de leur capital épargné. Ils recommandent des cotisations facultatives plus étendues, notamment pour compenser les prestations légales souvent minimales des employeurs.

La grande liberté de choix prônée par l’étude englobe la stratégie de placement et même l’âge de la retraite. «Mais nous l’entendons au sens de ‘option out’, précise Walter Ackermann. Si les assurés ne veulent pas choisir, des solutions standards sont mises en œuvre.»

Réagissant à la présentation de l’étude, l’Association suisse d’assurances n’a pas pris position sur les propositions concrètes. Elle rejette déjà pour l’heure l’idée d’un libre choix de la caisse de pension, qui coûterait plus cher pour des prestations réduites, selon elle.

«Pas le moment!»

L’ASA fait néanmoins écho à l’étude en revendiquant une «individualisation», une «simplification» et un «assouplissement», par exemple grâce à une extension des choix de placements de la capitalisation.

«Ce n’est pas vraiment le moment de demander des réformes, même si, effectivement, les placements sont très réglementés, réagit Adriano Previtali, professeur en droit des assurances sociales à l’Université de Fribourg. Mais on vient de réviser le système. De plus, le deuxième pilier est une assurance sociale, où la sécurité des assurés prime sur la rentabilité.»

Les assureurs demandent en outre une formule «non politisée et fixe» des taux de conversion. «La baisse décidée par le Parlement fait l’objet d’un référendum guidé par la critique du «vol des retraites», rappelle Adriano Previtali. Pendant des années, les caisses ont perçu davantage d’intérêts que ce qu’elles devaient verser…»

Des garde-fous

En revanche, le professeur voit bel et bien un chantier de réflexion à venir. Mais il ne va pas dans le sens voulu par les assurances.

Le deuxième et le troisième pilier prenant de plus en plus d’importance pour combler les lacunes du 1er pilier, «il faudra veiller à ce que ces couvertures ne tombent pas excessivement dans le droit du contrat de privé, où les prestataires peuvent refuser de couvrir une personne ou émettre des réserves», prévient Adriano Previtali.

«Si les assurances veulent accentuer les contrats surobligatoires ou privés, souligne le professeur de Fribourg, elles devront aussi accepter un minimum de garde-fous supplémentaires…»

swissinfo, Ariane Gigon, Zurich

La prévoyance vieillesse fonctionne en Suisse sur trois piliers. Ce principe a été inscrit dans la Constitution en 1972.

Le premier pilier comprend l’AVS (assurance vieillesse et survivants, instaurée en 1948) et l’AI (assurance invalidité), assurances sociales obligatoires fonctionnant par répartition. Les rentes de ces deux assurances doivent couvrir les besoins vitaux des assurés. Les prestations complémentaires datent de 1965.

Le deuxième pilier, la prévoyance professionnelle, fonctionne par capitalisation. Entrée en vigueur en 1985, la Loi sur la prévoyance professionnelle (LPP) rend l’affiliation à une caisse de pension obligatoire pour les salariés qui ont un salaire annuel d’au moins 20’520 francs. Un volet «surobligatoire» (2b par rapport à 2a pour le volet obligatoire) va au-delà des exigences légales minimales en matière de cotisations et de prestations.

Le troisième pilier est constitué par la prévoyance individuelle, libre (3b, économies personnelles disponibles en tout temps et non déductibles fiscalement) ou liée (3a, cotisations à une assurance de type assurance vie ou à une fondation bancaire, déductibles et disponibles à la retraite).

Selon la Constitution fédérale, les 1er et 2e piliers doivent permettre de garantir à la retraite le niveau de vie antérieur à raison de 60% au moins du dernier revenu brut.

Les changements démographiques (de moins en moins d’actifs pour une population de retraités toujours plus nombreuse) obligent à réviser constamment les assurances sociales. La 11e révision de l’AVS est en cours. Elle prévoit la stabilisation à moyen terme du financement de l’AVS et des possibilités de retraite à la carte, par anticipation ou ajournement.

Une première révision de l’Ordonnance sur la LPP est entrée en vigueur en 2004, une deuxième au 1er janvier dernier.

Un référendum a en outre été lancé contre la révision de la Loi qui prévoit l’abaissement, décidé par le Parlement, du taux de conversion minimal du 2e pilier à 6,4% d’ici 2015. Les rentiers ne recevront plus que 6400 francs au lieu de 7000 pour un capital de 100’000 francs. Le délai de récolte des signatures échoit le 16 avril.

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