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Dans la recherche de la paix, n’ignorons pas l’impact de la criminalité

Rédaction Swissinfo

Les conflits restent le principal problème de notre monde et la prévention des conflits notre plus grand espoir. Mais si nous n’affrontons pas la criminalité et ne faisons pas respecter la justice, nous risquons tout simplement d’intervertir les défis. 

Au cours du dernier siècle, la criminalité s’est transformée.  Les malfrats sont davantage susceptibles d’être des membres d’entreprises; les perceurs de coffre et leurs complices ont été remplacés par des comptables et des avocats mondains.

En ce XXIe siècle, des milliards sont blanchis par les centres financiers du monde.  L’étude de l’ONUDC sur les flux illicitesLien externe a montré que les recettes combinées de tous les crimes s’élevaient à quelque deux trillions de dollars.  Si le crime était un pays, il se situerait entre l’Italie et l’Inde en termes de produit intérieur brut.  Cela représente suffisamment d’argent non seulement pour soudoyer et corrompre les douaniers ou les agents chargés de l’application des lois, mais aussi pour mettre dans sa poche les ministres et les ministères dans des pays fragiles et vulnérables.  Et le crime adore aussi le vide.

Tout comme la hyène piste le lion…

Si l’on ignore le crime, si l’on concentre les efforts ailleurs, alors la criminalité transnationale organisée s’insinue, se répand et prospère dans les pays.  La caractéristique la plus inquiétante de la criminalité n’est pas seulement la souffrance et le malheur qu’elle engendre, mais sa suprême capacité d’adaptation.  Soyons très clairs.  Tout comme la hyène piste le lion, qu’elle suit dans l’espoir de nourriture, la criminalité piste le conflit.  Ce n’est pas une coïncidence si les conflits en Iraq et en Syrie contribuent à stimuler la traite d’êtres humains, le trafic de migrants et d’autres crimes à travers tout le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et la Méditerranée.  Mais la criminalité ne se nourrit pas seulement des conflits, elle les alimente.

Yury Fedotov
Yury Fedotov, Directeur exécutif de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) DR

L’ONUDC estime que les Talibans ont récolté 150 millions de dollars, soit la moitié de leur revenu total, des taxes et autres formes d’implication dans le commerce illicite des opiacés.  Boko Haram est impliqué dans le trafic d’héroïne et de cocaïne, ainsi que dans la traite de personnes et le trafic de ressources naturelles à travers toute l’Afrique occidentale.  Des bénéfices sont également engrangés en Afrique orientale où le groupe terroriste Al-Shabaab coopère avec les pirates somaliens et tire des millions de la contrebande de charbon.

Ces groupes utilisent des fonds qui proviennent du crime pour répandre le chaos, la mort et la destruction.  Leurs activités minent les nations, affaiblissent l’état de droit et entravent les efforts de développement.  Les ignorer est périlleux et porte préjudice au travail qui est mené pour venir en aide aux personnes qui font face à la pauvreté et aux difficultés.

Mettre un terme à l’impact catastrophique de la criminalité

Si la criminalité a changé, nos points de vue quant à la manière de l’affronter ont eux aussi évolué. Le nouveau ProgrammeLien externe de développement durable à l’horizon 2030 reconnaît l’importance de venir à bout de la criminalité pour améliorer les vies.  Au centre des efforts dans ce sens, figure l’objectif n°16, relatif à des sociétés pacifiques et inclusives, qui contient des cibles spécifiques visant à mettre un terme à l’impact catastrophique de la criminalité.

La recherche de la cohérence est capitale pour traiter les malheurs du monde et cela recoupe largement la reconnaissance du fait qu’aucun pays ne peut résoudre à lui seul la criminalité transnationale organisée.  Le point de vue obsolète selon lequel la criminalité est avant tout une question nationale a cédé la place à une coopération internationale accrue et à la confiance placée dans des instruments juridiques universels tels que la Convention des Nations Unies sur la criminalité transnationale organisée et la Convention des Nations Unies contre la corruption.

Nous disposons donc des instruments, des alliances et des outils pour nous attaquer à la criminalité.  Ce qui manque peut-être encore, c’est la volonté de répondre à la question de la séquence à suivre, c’est-à-dire du calendrier.  Quand la criminalité devrait-elle être défiée ?  Le bon délai pour s’attaquer à la criminalité transnationale, ce n’est pas un an ou un mois, ni même un jour après que la paix a été trouvée.  Traiter la criminalité, renforcer l’état de droit et promouvoir la justice ne peut attendre.  Tout cela doit être réalisé simultanément, faute de quoi les problèmes ne cesseront de s’accumuler sur la route.

L’exemple colombien

L’exemple le plus récent de cette approche intégrée est peut-être celui de la Colombie, où l’accord de paix avec les FARC inclut des stratégies pour traiter de la question de la culture et de la production des plantations de coca.  En Colombie, la recherche de la paix, l’édification de la justice et la cessation de la criminalité sont traitées comme une seule et même question justifiant des solutions globales.  Je suggère de suivre cette voie partout.

Il faut mettre un terme aux conflits pour empêcher les souffrances de millions de personnes et pour le bien de l’humanité entière.  Mais dans la recherche urgente de paix, n’oublions pas que la hyène aussi à une morsure féroce.

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