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Les ONG renforcées au Conseil des droits de l’homme

De très nombreux pays ont exprimé leurs inquiétudes sur les discriminations raciales de certaines campagnes politiques en Suisse. Keystone

La Suisse est passée au crible de l'Examen périodique universel. A la grande satisfaction des ONG helvétiques, qui bien que critiques par métier, tressent des lauriers à ce nouvel instrument du Conseil des droits de l'homme.

«Les débats ont été constructifs. Avec le passage de la Suisse, l’Examen périodique universel a gagné en crédibilité», se félicite Daniel Bolomey, secrétaire général de la branche helvétique d’Amnesty international.

Premier motif de satisfaction des 32 ONG suisses réunies pour l’occasion au sein d’une coalition: l’appel de nombreux Etats en faveur de la création d’une institution nationale des droits humains conforme aux recommandations des Nations unies.

«Suite à ces appels, cette question est devenue centrale. En substance, ces Etats ont dit à la Suisse qu’elle ne pouvait pas être un champion des droits humains sur la scène internationale sans se doter d’une telle institution qui examine la situation en Suisse et qui facilite la mise en œuvre des traités internationaux», souligne Daniel Bolomey.

Le besoin d’une institution nationale

Durant l’examen, Micheline Calmy-Rey a rappelé qu’un groupe de travail planchait sur cette question et qu’un projet serait présenté prochainement au gouvernement. Une promesse qui laisse sceptique Daniel Bolomey.

«Je suis membre du groupe de travail et je peux vous dire qu’on est encore loin d’un accord politique, que ce soit au niveau des cantons ou du Conseil fédéral (gouvernement). Il y a encore beaucoup de travail pour convaincre toutes les parties prenantes à ce projet.»

Les défenseurs suisses des droits humains saluent également le grand nombre de questions, de critiques et de recommandations adressées à la Suisse par une quarantaine d’Etats de toutes les régions du monde au cours des trois heures qu’a duré l’examen ce jeudi.

«Cela a permis de mettre le doigt sur les principaux déficits et problèmes en matière de droits humains en Suisse», relèvent les ONG dans un communiqué commun.

Et de détailler: «De très nombreux pays ont exprimé leurs vives inquiétudes sur la politique migratoire, les discriminations raciales et les relents xénophobes de certaines campagnes politiques et ont vivement encouragé la Suisse à respecter ses engagements internationaux».

Daniel Bolomey ajoute: «Il serait faux de dire que rien ne se fait contre le racisme en Suisse. Ce qui manque, c’est une volonté commune des partis politiques, des instances fédérales et cantonales pour mettre en œuvre un plan d’action commun contre le racisme.»

La Suisse en retard

Les ONG relèvent également les questions relatives à la Convention internationale sur les droits des migrants et déplorent le refus persistant de la Suisse à signer ce traité. De fait, Micheline Calmy-Rey a justifié ce refus en expliquant que cette convention adoptée essentiellement par des pays du Sud était incompatible avec la législation suisse sur les étrangers.

Dans ce domaine, les ONG déplorent la position de la Suisse sur les droits économiques, sociaux et culturels que Micheline Calmy-Rey a qualifiés de «droits qui ne sont pas applicables aux individus».

«La Suisse est en retard, estime Yves Lador. Dans sa Constitution, elle fait une distinction très précise entre les droits civils et politiques fermement garantis et les droits sociaux, économiques et culturels considérés uniquement comme des buts à atteindre.»

Selon ce consultant, membre de la coalition des ONG, la Suisse a une position extrêmement restrictive face à ces droits. Ce qui pourrait porter atteinte à sa crédibilité en matière de droits humains.

Des droits sociaux à la carte

«Il est évident que les droits économiques et sociaux vont prendre de plus en plus d’importance. Les Etats peuvent choisir de prendre les devants ou attendre de se faire imposer une solution par la communauté internationale. Plus un Etat a réfléchi à ces questions, plus il peut participer à leurs solutions», plaide Yves Lador en soulignant que la Suisse défend dans ce domaine une position minoritaire au sein des pays occidentaux.

Yves Lador critique aussi fortement l’approche «à la carte» de ces droits que continue de prôner la Suisse dans le cadre d’une négociation sur un mécanisme de plainte individuel auprès d’un comité ad hoc. Autrement dit, l’Etat choisirait les droits dont pourrait se réclamer un plaignant.

«C’est un affaiblissement massif de l’universalité des droits humains. Cette position suisse risque d’inciter d’autres Etats à défendre ce principe «à la carte » dans les autres domaines des droits de l’homme», s’inquiète encore Yves Lador.

Des promesses tenues

Quoi qu’il en soit, cette radiographie des droits humains dans chaque pays membre de l’ONU commence à tenir ses promesses, selon les défenseurs des droits de l’homme. Et ce malgré quelques sérieux dérapages lors de la première session.

D’où ce paradoxe: nombre de membres du Conseil des droits de l’homme se sont ingéniés à limiter la parole des ONG dans le cadre de l’Examen périodique universel. Mais ils puisent allègrement dans leurs critiques pour questionner l’Etat qui passe cet examen.

Les ONG attendent maintenant de voir quelles recommandations seront retenues par la Suisse lors de la remise du rapport de synthèse de l’examen la semaine prochaine. Elles maintiennent leur coalition pour que les engagements se traduisent le mieux possible dans les faits.

swissinfo, Frédéric Burnand à Genève

L’Examen périodique universel (EPU) est un nouveau mécanisme du Conseil des droits de l’homme (CDH) établi par l’Assemblée générale de l’ONU en mars 2006.

Le processus de l’EPU consiste en l’examen de chaque État membre des Nations Unies (192) tous les quatre ans.

L’examen se déroule en trois phases. Premièrement, l’État est examiné au sein d’un groupe de travail pour une durée de trois heures. Le résultat de ce groupe de travail est un document comportant les recommandations et engagements volontaires par l’État concerné.

La seconde phase consiste en l’adoption de ce document durant la session du groupe de travail, au plus tôt 48 heures après l’examen dudit pays.

Enfin, la troisième phase est l’adoption de ce même document durant une session plénière du Conseil des droits de l’homme.

source : UPR-Info.org

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