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Libye: un otage en liberté, l’autre en prison

Max Göldi a été menotté avant d'être transféré de l'ambassade dans une prison libyenne. Keystone

Les deux hommes d'affaires retenus depuis dix-neuf mois par la Libye ont quitté l'ambassade de Suisse à Tripoli lundi. Si Rachid Hamdani a obtenu un visa pour la Tunisie, sa deuxième patrie, Max Göldi a quant à lui été emmené, menottes aux poings, vers la prison de Aïn Zara.

Rachid Hamdani est sorti lundi à la mi-journée de l’ambassade suisse à Tripoli, encerclée par des dizaines de policiers, a rapporté un journaliste de Reuters sur place. Il s’est rendu aux services des passeports pour obtenir son visa de sortie. Dans un premier temps, l’homme d’affaires était annoncé partant pour la Tunisie, dont il possède également la nationalité. C’est ce qu’avait indiqué son avocat libyen Salah Zahaf, cité par l’AFP.

Mais Bruna Hamdani, son épouse, a démenti cette information en début de soirée sur les ondes de la radio suisse romande (RSR). «Il a bien reçu son visa mais il doit encore s’entretenir avec le ministre des Affaires étrangères à Tripoli», a-t-elle indiqué après avoir eu un contact téléphonique avec son mari.

En début d’après-midi, contactée par swissinfo.ch, Bruna Hamdani s’était déjà montrée très prudente: «J’ai discuté avec mon mari ce matin à 9h00. Rien ne semblait différent des autres jours. Apparemment, son avocat parle, parle et parle encore. Je ne sais pas quel est son but. J’attends toujours des informations de Berne ou de mon mari. Ce sont les seules sources fiables. Après 19 mois, je ne croirai à sa libération qu’au moment où il m’appellera lui-même pour me dire qu’il n’est plus en Libye».

Max Göldi en prison

Bruna Hamdani a ensuite appelé à ne pas oublier «que quelqu’un est toujours retenu là-bas [Max Göldi] et c’est triste. Je reste donc prudente pour le moment». Max Göldi, l’autre Suisse retenu depuis juillet 2008 par le régime libyen en rétorsion à l’arrestation d’Hannibal Kadhafi et de son épouse par la police genevoise, a en effet connu un destin opposé à celui de Rachid Hamdani lundi.

Selon un journaliste de Reuters sur place, Max Göldi a été emmené par les autorités libyennes directement en prison, où il commencera à purger sa peine de quatre mois pour infraction à la loi sur l’immigration. Un journaliste de l’AFP a indiqué que l’homme d’affaires suisse avait été conduit dans une voiture civile où il a été menotté par un policier.

Le véhicule a quitté les lieux, escorté par des voitures de police, certainement en direction de la prison d’Ain Zara, qui se trouve à côté de Tripoli.

Mise en garde

Plus tôt dans la matinée, les autorités libyennes avaient donné à l’ambassade de Suisse à Tripoli jusqu’à midi (11h00 suisses) pour remettre l’otage à la justice libyenne. Accusant la représentation suisse d’ «utiliser son immunité à des fins non reconnues par le droit international», le ministère libyen des affaires étrangères avait menacé de prendre des «mesures» si Max Göldi n’était pas livré.

Max Göldi «a été condamné à quatre mois de prison et il est demandé par la justice. Au lieu de rester dans l’ambassade, il doit se présenter à la police judiciaire pour purger sa peine», a déclaré le ministre libyen des affaire étrangères Moussa Koussa à la télévision satellitaire Al-Jazira.

Des policiers devant l’ambassade

Moussa Koussa a indiqué avoir convenu avec l’Allemagne et l’Espagne de faire sortir Rachid Hamdani de l’ambassade pour pouvoir quitter le pays et Max Göldi pour être remis à la police judiciaire, se disant «surpris que l’ambassade suisse continuait à détenir délibérément les deux hommes». Plusieurs dizaines de policiers libyens ont encerclé lundi matin l’ambassade de Suisse à Tripoli, où se trouvaient également des diplomates allemands, autrichiens, français et néerlandais.

A Berne, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) avait mis en garde contre tout coup de force contre l’ambassade. Dans un communiqué, il a rappelé que «la sécurité des représentations étrangères est toujours de la responsabilité du pays hôte».

«Nous continuons de travailler à une solution» pour la libération de deux otages, retenus en Libye depuis un et demi, ont par ailleurs souligné les services de la ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey.

Soutien européen

Selon Michael Spindelegger, chef de la diplomatie autrichienne, le régime libyen avait menacé de prendre d’assaut la représentation helvétique dans la nuit de dimanche à lundi. Pour cette raison, les ambassadeurs de plusieurs pays membres de l’UE se sont rendus à l’ambassade de Suisse.

Outre l’Autriche, plusieurs pays, dont l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie ont utilisé leurs contacts pour éviter une escalade durant la nuit, a ajouté Michael Spindelegger. De nombreux coups de fils ont été échangés.

Le ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini a ainsi affirmé à Bruxelles que Silvio Berlusconi avait appelé dimanche soir le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. L’Allemagne – qui joue depuis longtemps les médiateurs dans cette crise – a également été «d’un grand secours», tout comme l’Espagne, qui assume la présidence tournante de l’UE, selon Michael Spindelegger.

swissinfo.ch et les agences

15 juillet 2008: Hannibal Kadhafi et sa femme Aline, enceinte de neuf mois, sont arrêtés à l’hôtel Wilson à Genève. Ils sont soupçonnés d’avoir maltraité leurs deux domestiques. Le couple est remis en liberté contre une caution de 500’000 francs.

19 juillet: deux ressortissants suisses, Max Göldi et Rachid Hamdani, sont arrêtés en Libye. Tripoli leur reproche notamment des infractions aux lois sur l’immigration et le séjour.

20 août 2009: en visite à Tripoli, le président de la Confédération Hans-Rudolf Merz présente ses excuses au premier ministre libyen Al Baghdadi A. El-Mahmudi pour l’arrestation d’Hannibal Kadhafi. Accord pour rétablir les relations bilatérales et mettre sur pied un tribunal arbitral destiné à faire la lumière sur l’affaire. Selon H-R. Merz, Tripoli promet de relâcher les deux Suisses avant le 1er septembre.

1er décembre 2009: Max Göldi et Rachid Hamdani sont condamnés à 16 mois de prison ferme pour «violation des règles sur les visas».

31 janvier 2010: Rachid Hamdani est relaxé en appel pour «séjour illégal».

11 février: La cour d’appel libyenne réduit de 16 à quatre mois de prison la peine de prison de Max Göldi sur le volet «séjour illégal».

18 février: Le ministre espagnol des affaires étrangères Miguel Angel Moratinos rencontre Micheline Calmy-Rey et le chef de la diplomatie libyenne Moussa Koussa à Madrid. M.Moratinos fait état de «progrès» dans la crise entre la Suisse et la Libye.

La prison dans laquelle Max Göldi doit être transféré a été vivement critiquée par les ONG HWR et Amnesty International. La prison Aïn Zara est tristement connue pour la détention arbitraire d’opposants politiques, selon un rapport sur les droits de l’homme en Libye publié en décembre.

La prison dispose toutefois de deux divisions: l’une placée sous le contrôle des services de sécurités nationaux, où la situation des droits de l’homme est très
inquiétante. L’autre, où doit être placé Max Göldi, est contrôlée par le
ministère de la justice libyen. Selon l’avocat du Suisse, Max Göldi y aura en tout temps le droit de recevoir des visites et il disposera d’un traducteur.

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