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Méfiance autour des nouveaux passeports biométriques

La grande nouveauté des passeports biométriques, c'est la lecture digitale des informations. Keystone

Les passeports biométriques se répandent de plus en plus dans le monde. Le 17 mai, le peuple suisse est donc invité à adapter les bases légales nécessaires à l'établissement de ces documents. Mais les opposants dénoncent le risque de l'Etat fouineur.

Les passeports biométriques – aussi appelés passeports électroniques – se répandent à une vitesse fulgurante. Actuellement, quelque 50 Etats en produisent. D’ici la fin de l’année, il y en aura presque une centaine.

Ces documents d’un type nouveau sont munis d’une puce électronique. Celle-ci contient les données usuelles contenues dans un passeport – comme le nom ou la date de naissance – mais aussi des données biométriques, c’est-à-dire des données physiques qui permettent d’identifier avec certitude le détenteur du document.

Le nouveau passeport suisse contient deux de ces données biométriques: une photo du visage ainsi que deux empreintes digitales.

Une nécessité

Le gouvernement suisse propose de suivre le mouvement pour deux raisons principales. D’une part parce qu’il sera désormais obligatoire d’être muni d’un tel document pour se rendre aux Etats-Unis ou tout simplement pour y transiter.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis tiennent absolument à ce nouveau passeport pour des raisons de sécurité. Quant aux voyageurs ne disposant pas de ce sésame, ils devront se munir d’un visa pour fouler le sol américain. Et un visa, c’est du temps et de l’argent perdus.

Mais le problème ne vient pas uniquement des Etats-Unis. Au niveau européen, les Etats membres de l’Espace Schengen ont l’obligation d’émettre uniquement des passeports biométriques depuis le mois d’août 2006. La Suisse étant depuis peu associée à cet espace, elle doit aussi se plier à cette règle.

«Big Brother»

Un comité composé essentiellement de membres des partis de gauche, mais aussi de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) estime cependant que le projet suisse va trop loin et a lancé avec succès le référendum.

Les opposants ne contestent pas véritablement le fait que les passeports biométriques soient nécessaires. Mais ils sont d’avis que les autorités suisses «en font trop» par rapport à ce qui est demandé au niveau international.

Ils contestent l’établissement d’une banque de données centralisée où sont contenues toutes les informations relatives aux passeports. Cette centralisation n’est pas exigée par les accords de Schengen. Or dans une Suisse où l’affaire des fiches est encore dans toutes les mémoires, une telle centralisation fait grincer bien quelques dents, principalement à gauche.

De plus, les adversaires du projet auraient souhaité que les citoyens conservent le choix de disposer ou non de documents biométriques. Or la loi telle qu’elle a été adoptée par le Parlement n’exclut pas l’établissement de cartes d’identité biométriques d’ici à quelques années. Pour le moment, les autorités n’ont rien décidé à ce sujet. Il n’en reste pas moins que cette possibilité existe.

Au final, les opposants craignent que la conjugaison de ces deux faits – la centralisation des données et l’impossibilité d’échapper aux documents biométriques – ne conduise à un contrôle inacceptable de la sphère privée par l’Etat. Lors du lancement de la campagne, certains d’entre eux n’ont d’ailleurs pas hésiter à annoncer l’arrivée du «Big Brother» d’Orwell.

Craintes injustifiées

Les partisans du projet soumis au peuple le 17 mai rappellent en premier lieu tous les avantages liés au passeport biométrique. Ce document sera plus sûr, permettra de voyager aux Etats-Unis sans frais ni tracas inutiles et, surtout, évitera à la Suisse de se retrouver en marge de l’Espace Schengen.

Concernant plus spécifiquement les craintes des détracteurs du projet, ses partisans les trouvent tout simplement injustifiées. Ainsi la base de données centralisée est déjà une réalité depuis plusieurs années. Le fait d’y ajouter des données biométriques telles que les empreintes digitales ne change rien.

Quant à l’usage qui est fait de cette banque de données, elle ne pose pas non plus de problème. Les partisans du projet rappellent que cette centralisation des informations – qui permet un meilleur contrôle des documents en circulation – est soumise à des règles très strictes.

Les informations contenues dans la base de données ne peuvent servir qu’à la gestion et à l’établissement des passeports. Il n’est pas permis de les utiliser dans d’autres buts, par exemple dans le cadre d’enquêtes. De plus, seule la Suisse peut avoir accès à ces informations.

Une seule exception à ces règles d’utilisation est prévue: les informations de la base de données pourraient être utilisées pour l’identification de victimes de catastrophes.

Une question de confiance

En fait, le véritable débat en vue du 17 mai ne porte pas tant sur les passeports biométriques que sur l’utilisation que peut faire l’Etat du fichage de ses citoyens.

Pour les partisans du projet, toutes les mesures ont été prises pour éviter un dérapage. Pour les opposants, l’affaire des fiches prouve que leurs craintes ne sont pas uniquement une vue de l’esprit et que la méfiance est de mise.

Finalement, le 17 mai, les citoyens devront dire s’ils font confiance à l’Etat pour ne pas abuser d’un nouveau moyen de contrôle.

swissinfo, Olivier Pauchard

Idée américaine. L’idée du passeport biométrique a été lancée après les attentats du 11 septembre 2001 à New York et Washington. Depuis le 25 octobre 2006, les Etats-Unis exigent de toute personne entrant sur leur territoire un passeport biométrique (contenant une puce électronique où sont enregistrées les données personnelles, la photo et deux empreints digitales). Ceux qui n’en ont pas doivent se faire délivrer un visa.

Grand nombre de pays. A l’heure actuelle, une cinquantaine de pays ont adopté ce système (dont tous ceux de l’espace Schengen). Leur nombre devrait passer à 90 d’ici la fin de l’année.

Carte d’identité. En Suisse, si le peuple dit «Oui», le passeport biométrique devrait être introduit dès le 1er mai 2010. Concernant la carte d’identité, la loi permettrait d’y inclure une puce, mais rien n’est encore décidé.

Prix. Le nouveau passeport devrait coûter 140 francs pour les adultes et 60 pour les enfants. Les passeports actuels gardent leur validité jusqu’à leur date de péremption.

Communistes. Durant la Guerre froide, les services de l’Etat et des cantons ont surveillé de nombreuses personnes et organisations. Le but était d’empêcher les activités subversives, notamment communistes.

Légal. Dans une grande partie des cas, les activités tout à fait légales donnaient lieu à un fichage: activités syndicales, simple voyage dans un pays de l’Est, opposition aux centrales nucléaires, etc.

Fichage. A la fin des années 1980, il s’est avéré qu’entre 700’000 (sources officielles) et 900’000 personnes ou organisations avaient été fichées.

Le scandale du fichage, mis à jour par une commission d’enquête parlementaire, avait suscité un important mouvement d’indignation et de protestation.

Archives. Les fiches ont été transférées aux Archives de la Confédération.

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