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Le rôle du parlement divise la presse

Toute l'affaire de la Lex USA a été très suivie par les médias. Keystone

Une partie de la presse suisse de jeudi revient sur le rejet par le parlement de la Lex USA, qui aurait permis aux banques suisses de coopérer avec la justice américaine. Les commentateurs sont assez divisés sur cette décision. Si certains l’estiment courageuse, d’autres parlent d’un acte lâche.

Pour certains commentateurs, la décision des élus est somme toute assez logique.

«La session parlementaire qui s’achèvera demain (vendredi) va rester dans les annales. Quatre ans après le transfert brutal de la soustraction fiscale simple vers le registre pénal, puis le début de la fin du secret bancaire fiscal suite à des vols de données, le Parlement a pris une décision symboliquement importante. Il a dit non aux Etats-Unis dans un esprit souverainiste assez inattendu. On sentait depuis des mois un agacement croissant dans l’opinion publique par rapport à la politique extérieure de la Suisse ‘qui ne sait pas dire non’. Voilà, c’est fait», écrit l’Agefi, le journal des affaires et de la finance.

Ce dernier poursuit: «Ce que le Parlement a probablement dit cette semaine, c’est que le développement du secteur financier en Suisse présentait aujourd’hui des risques qu’il n’était plus possible d’assumer sereinement. Il contribue à moins de 15% du produit intérieur, ce qui n’est pas énorme, mais il ne doit pas aller au-delà (au nom de la diversité de l’économie). Le premier moyen de l’en dissuader n’est-il pas de s’en désolidariser de temps en temps?»

La Neue Zürcher Zeitung (NZZ) ne jette pas non plus la pierre aux parlementaires. Pourtant traditionnellement proche des milieux économiques, le quotidien zurichois estime que c’est aux banques d’assumer leurs fautes. «Les responsables, ce sont ces banques qui ont joué avec le feu sur le marché financier américain: notamment les conseils d’administration de banques cantonales ainsi que les top managers de grands, moyens et petits instituts financiers qui se sont brûlé les doigts au pays du dollar.»

«Un comportement irresponsable contraint les banques suisses à l’amende aux Etats-Unis. Le fait que le parlement ne leur ait pas délivré de chèque en blanc est légitime», poursuit la NZZ.

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De vrais Ponce Pilate

Tous les commentateurs ne se montrent toutefois pas si cléments avec les parlementaires. Beaucoup constatent – ou déplorent – que les élus ont fui leurs responsabilités et se sont contentés de retourner ce dossier brûlant au gouvernement. «Le ‘sale boulot’ aux ministres», titre par exemple le quotidien neuchâtelois L’Express.

«Parmi les principaux scénarios, il y a la proposition du Parti libéral-radical (droite): le gouvernement doit décréter avec des artifices juridiques ce que le parlement a refusé. Si le gouvernement ne trouve pas une astuce, le Conseil national laisse dans les mains des autorités fiscales américaines le destin d’une dizaine de banques suisses», note pour sa part le quotidien zurichois Tages-Anzeiger.

Mais c’est certainement La Liberté qui a la dent la plus dure. «Autre preuve de lâcheté des élus fédéraux, ils se lavent les mains des conséquences de leur vote en chargeant le Conseil fédéral d’assister au mieux les banques qui se retrouveront très bientôt dans les serres de l’aigle américain. Ponce Pilate n’aurait pas fait mieux», estime le quotidien fribourgeois.

Et La Liberté d’enfoncer le clou: «Le parlement a soudain eu peur de sa propre audace. Il a donc assorti son sursaut d’orgueil d’une curieuse déclaration par laquelle il assure les Etats-Unis qu’il n’a rien contre eux. Cela revient à gifler un ami pour s’excuser dans la foulée – à la différence près que le géant américain n’a sans doute pas même senti le camouflet que croit lui avoir infligé le nain de jardin.»

Epée de Damoclès

Certains commentateurs estiment enfin que toutes ces gesticulations au parlement ne changent pas grand-chose au fond du problème.

«Malgré l’échec de la Lex USA devant le parlement, le mal est fait. De toute évidence, le droit suisse sera violé une fois de plus. Entre les lois de notre petit pays ‘neutre’ et celles de la première puissance économique et militaire mondiale, le choix est simple: nos banques céderont, prédit le quotidien vaudois 24 heures. Avec le recul, nous constatons que le ‘déshonneur suisse’ de juin 2010, date à laquelle le parlement a validé la dénonciation – avec effet rétroactif et en violation de toutes nos lois – de milliers de familles de clients américains (cas UBS, ndlr), n’était pas pour solde de tout compte.»

L’Argauer Zeitung se montre pour sa part fataliste. «Les conséquences de cette décision sont difficilement prévisibles. Il est sûr que le litige fiscal continuera d’être une épée de Damoclès au-dessus de la place financière suisse.»

Les comptes détenus en Suisse par des contribuables américains ne devraient plus échapper au fisc des Etats-Unis. Par 34 voix contre 3, le Conseil des Etats a donné jeudi son aval à l’accord dit FATCA.

Par cette loi, les Etats-Unis exigent de recevoir dès l’année prochaine des instituts financiers du monde entier les informations relatives aux noms, aux avoirs et aux revenus des «personnes assujetties de manière illimitée à l’impôt américain». L’obligation ne concerne pas seulement les citoyens américains résidant aux Etats-Unis, mais également les expatriés.

A gauche, on aurait préféré miser sur un échange automatique des données bancaires. Le camp rose-vert a donc proposé de renvoyer l’accord au gouvernement pour qu’il le renégocie dans ce sens. Ce renvoi a été repoussé par 23 voix contre 11.

Le dossier doit encore passer devant la Chambre du peuple, en septembre.

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