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Le salaire minimum ne séduit pas les Suisses

Le nettoyage, exemple de secteur généralement mal payé. Keystone

La proposition d’introduire un salaire minimum national en Suisse, soumise à votation le 18 mai, semble d’ores et déjà condamnée. L’achat des avions de chasse suédois Saab Gripen paraît en revanche beaucoup plus disputé, même si pour l’heure, c’est plutôt le refus qui domine, selon les résultats du premier sondage de l’institut gfs.bern.

Si l’on avait voté aujourd’hui, l’initiative populaire sur les salaires minimum n’aurait pas eu la moindre chance. Cette proposition aurait été refusée par 52% des citoyens et acceptée par seulement 40%, indique le sondage réalisé pour le compte de la société suisse de radiotélévision SRG SSR.

La faible proportion d’indécis (8%) et un processus de formation des opinions qui est déjà très avancé ne laissent pas entrevoir un éventuel renversement de la situation d’ici le 18 mai, a indiqué le politologue Claude Longchamp, responsable de l’institut gfs.bern, lors de la présentation des résultats publiés vendredi. D’autant plus que, généralement, le soutien à une initiative diminue et l’opposition se renforce à mesure que l’on s’approche de l’échéance du vote.

Lancée par l’Union syndicale suisse (USS), soutenue par la gauche et combattue par le patronat et les partis du centre et de la droite, cette initiative reflète le classique clivage gauche-droite, et ce même parmi l’électorat. Parmi les citoyens sans lien politique, les avis sont plus partagés et il y a davantage d’indécis (17%). Mais même parmi ceux-ci, l’initiative ne s’impose pas, avec 47% de «non» et 36% de «oui».

Dans cette bataille fortement polarisée, les partisans d’un salaire minimum ne disposent pas d’un argument parvenant à convaincre largement l’électorat. En revanche, deux arguments des opposants font mouche parmi les sondés: il s’agirait d’un diktat de l’Etat dans l’économie privée et un salaire minimum provoquerait des pertes d’emploi.

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Latins favorables

Fait curieux, ce n’est pas parmi ceux qui gagnent le moins que le texte recueille le plus d’adhésion, mais parmi la classe des salaires moyens à supérieurs. Parmi ceux qui gagnent un maximum de 3000 francs par mois, il y a 42% de «oui», 39% de «non» et 19% d’indécis. Dans la classe des salaires compris entre 7000 et 9000 francs, on compte 55% de «oui», 38% de «non» et 7% d’indécis.

Il apparaît actuellement une fracture linguistico-culturelle avec une Suisse alémanique opposée à l’initiative (57% de «non» et 37% de «oui»), tandis que la Suisse romande (50% de «oui» et 39% de «non») et la Suisse italienne (46% de «oui» et 39% de «non») y sont favorables.

Toutefois, en prenant en compte les indécis et ceux qui n’expriment qu’une opinion tendancielle – 52% en Suisse romande et 51% au Tessin – les partisans de l’initiative pourraient bien perdre leur avantage dans la Suisse latine au fil de la campagne.

Pour ce sondage, l’institut gfs.bern a interrogé par téléphone un échantillon représentatif de 1209 personnes ayant le droit de vote entre le 29 mars et le 4 avril.

Pour des raisons liées à la protection des données, les autorités ne mettent pas à disposition des sondeurs les adresses de Suisses résidant à l’étranger.

La marge d’erreur du sondage est de +/- 2,9%.

Lutte féroce autour de Gripen

L’achat par l’armée suisse de 22 avions de chasse Saab Gripen pour un coût total de 3,1 milliards de francs semble en revanche bien loin d’être scellé. Selon le sondage, la loi permettant la constitution d’un fonds pour cette acquisition est refusée par 52% des personnes interrogées et acceptée par 42%, pour une proportion d’indécis de 6%.

Malgré les turbulences actuelles, le vent pourrait encore souffler en faveur de l’avion suédois, estime Claude Longchamp en analysant les résultats en détail. En effet, on trouve dans les deux camps une part de 17% de personnes qui se disent seulement «tendanciellement» pour ou contre l’achat. Si on y ajoute ceux qui ne savent pas encore ce qu’ils voteront, une part de 40% d’incertitude plane sur le vote.

La capacité des deux camps à convaincre et à mobiliser sera donc déterminante et le sort de l’avion pourrait se jouer sur le fil. Il s’agira certainement du thème le plus «chaud» de la campagne, assure Claude Longchamp.

Selon le politologue, le prix constitue le «point critique» de cet achat. Même parmi les partisans de l’avion de combat, une légère majorité estime qu’il n’est pas judicieux de dépenser environ 300 millions de francs par an au cours des onze prochaines années. Or c’est justement le cheval de bataille des adversaires, relève Claude Longchamp. Si cet argument devait prévaloir parmi les motivations des électeurs, la loi sur le Fonds Gripen ne passerait pas la rampe.

Quoi qu’il en soit, pour le moment, c’est encore le suspense le plus total qui règne. Peut-être que le second sondage, une semaine et demi avant le scrutin, permettra de se risquer à une prévision du résultat.

Dans le sondage, seulement 45% des personnes interrogées ont déclaré être certaines de voter.

Traditionnellement, on constate une augmentation de 3% de la participation le jour du vote par rapport aux sondages. Par conséquent, le taux effectif de participation devrait être d’environ 48% lors du scrutin du 18 mai.

Il s’agit d’un taux de participation qui se trouve dans la moyenne des dernières années, mais qui reste nettement inférieur au taux de 55% enregistré le 9 février dernier lors du vote sur l’initiative «Contre l’immigration de masse».

Réaction viscérale sur les pédophiles

La campagne politique n’aura en revanche aucune influence sur l’initiative intitulée «Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants». Le sondage montre que celle-ci est d’ores et déjà plébiscitée avec 74% de «oui» contre 19% de «non» et 7% d’indécis.

Un peu plus de la moitié des personnes interrogées (52%) ont déclaré qu’elle approuveront certainement ce texte qui entend interdire à tout jamais à quelqu’un condamné pour abus sexuels sur des mineurs ou des personnes incapables de résistance d’exercer des activités impliquant un contact avec des enfants ou des personnes dépendantes. Il s’agit d’un taux «vraiment exceptionnel», souligne Martina Imfeld, chercheuse à l’institut gfs.bern.

Bien que la grande majorité des sondés sont déjà certains de la manière dont ils voteront, le sondage montre qu’il ne s’agit pas de convictions argumentées et basées sur la connaissance du dossier. «Ce sera une décision qui vient des tripes, pas une décision rationnelle», observe la politologue. Un vote émotionnel sur une initiative qui trouve un écho favorable parmi les électeurs de tous les partis, même de ceux qui recommandent son rejet.

Un soutien clair de la population s’annonce aussi pour le quatrième objet soumis à votation: l’article constitutionnel sur les soins médicaux de base, qui promeut la médecine de famille. Eclipsé par les trois autres thèmes, c’est l’objet pour lequel on compte la plus grande part de sondés encore indécis (24%). Cependant, seulement 10% des personnes interrogées s’expriment contre l’objet, alors que 66% soutiennent cet article contesté uniquement par l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), mais qui ne mène pas une campagne active. Dans ces conditions, l’issue du vote ne fait pas l’ombre d’un doute.

(Traduction de l’italien: Olivier Pauchard)

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