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Une procédure fédérale ouverte contre l’ex-ministre gambien réfugié en Suisse

L'ancien ministre de l'intérieur gambien Ousman Sonko a déposé une demande d'asile en Suisse au mois de novembre 2016. AFP

Le Ministère public de la Confédération (MPC) reprend la main dans l'affaire de l'ex-ministre gambien qui a demandé l'asile en Suisse. Soupçonné de crimes contre l'humanité, il est actuellement en détention provisoire après une décision du Ministère public bernois.

Le MPC reprend la procédure qui a été ouverte contre l’ancien ministre de l’Intérieur de Gambie Ousman Sonko, annonce-t-il lundi dans un communiqué. Selon le MPC, il existe suffisamment d’éléments pour «ne pas exclure le soupçon de crimes contre l’humanité» qui vise l’ancien ministre.

Depuis 2011, ce délit relève de la compétence fédérale. La présomption d’innocence s’applique comme toujours, précise le MPC. Le MPC a été averti le 29 novembre dernier par l’Office fédéral de la police (fedpol) qu’Ousman Sonko avait déposé une demande d’asile en Suisse le 10 novembre. Il a été attribué au canton de Berne et l’ancien ministre séjournait depuis dans le centre de transit pour requérants d’asile de Lyss, dans le canton de Berne.

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Le MPC a donné à fedpol un mandat de recherches préliminaires. Des investigations ont aussi eu lieu en collaboration avec des partenaires internationaux, dont la Cour pénale internationale. Ces premières recherches ont abouti à la conclusion qu’à l’époque, il n’y avait pas de motif de détention, poursuit le MPC.

Une ONG genevoise porte plainte

Mais la situation a changé avec la dénonciation pénale déposée par l’ONG basée à Genève TRIAL, qui lutte contre l’impunité des crimes. Sur cette base, le Ministère public bernois a ouvert une enquête le 26 janvier. Ousman Sonko a été placé en détention provisoire le 28 janvier.

TRIAL n’a pas dénoncé l’ancien ministre directement pour des crimes contre l’humanité, qui exigeraient une attaque généralisée ou systématique lancée contre la population civile, explique le MPC. L’ONG s’est sciemment adressée aux autorités cantonales bernoises, compétentes notamment en matière de lésions corporelles graves, contrainte et séquestrations et enlèvements.

TRIAL a rassemblé des informations précieuses pour l’enquête, souligne le MPC. Selon plusieurs ONG, Ousman Sonko était jusqu’à récemment une figure clé du régime répressif de la Gambie. Il aurait ordonné des arrestations arbitraires, des tortures et des assassinats d’opposants au régime.

Le président gambien en exil

Ousman Sonko a fui après avoir été démis de ses fonctions. Entre-temps, la situation politique en Gambie s’est modifiée, avec le départ du président Yahya Jammeh aujourd’hui en exil.

Le MPC a pris la décision de reprendre l’enquête sur la base de ces nouveaux éléments et après un entretien entre le Procureur général de la Confédération Michael Lauber et son collègue du canton de Berne.

La durée de l’incarcération d’Ousman Sonko est limitée pour l’instant à trois mois, prolongeable si besoin. D’ici là, le MPC va poursuivre ses enquêtes, notamment pour déterminer si les soupçons de crimes contre l’humanité sont fondés. Dans l’intervalle, il ne communiquera pas sur la procédure, fait-il encore savoir.

Arrêté trop tardivement?

L’affaire a déjà suscité la controverse. Des voix s’étaient élevées pour que le dossier revienne au MPC, vu la gravité des accusations. Selon des spécialistes du droit d’asile cités dans les médias, Ousman Sonko aurait dû être arrêté dès son arrivée en Suisse.

Le directeur bernois de la police et des affaires militaires Hans-Jürg Käser a lui critiqué le fait que la Confédération attribue aux cantons des requérants d’asile aussi spéciaux. Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) a répondu que lors de l’ouverture de cette procédure d’asile, il était conscient de la signification de ce cas et a informé la Confédération et le canton à temps et de manière appropriée.

Hans-Jürg Käser a finalement reconnu être au courant depuis novembre. Il avait dans un premier temps déclaré qu’il n’avait connaissance que depuis la mi-janvier du séjour de l’ancien ministre dans son canton. Le conseiller d’Etat a justifié ces déclarations contradictoires par les événements qui se sont déroulés en Gambie entre les premières informations de la mi-novembre et aujourd’hui.

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