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Atrocités en Syrie : la justice doit agir, selon Carla del Ponte

Carla del Ponte au Palais des Nations le 18 février 2013 Reuters

Dans son 4e rapport, la Commission d'enquête de l’ONU sur la Syrie souligne la violence croissante tant des forces gouvernementales que des rebelles qui s’affrontent depuis près de 2 ans en Syrie. Membre de la Commission, la Suissesse Carla del Ponte plaide pour la saisine de la Cour pénal internationale.

«Nous avons pu identifier des responsables politiques et militaires exerçant des fonctions dirigeantes. Nous avons pu remonter la chaîne de commandement, je m’en suis occupé personnellement.» C’est ainsi que Carla del Ponte évoque la partie la plus sensible des investigations menées par la Commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie. Une instance établie en août 2011 par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU et dirigée par le diplomate brésilien Paulo Sérgio Pinheiro.

Mais la liste de ces suspects de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre reste confidentielle, contrairement au 4e rapport de la Commission publié, lui, ce lundi 18 février.

Selon l’ancienne procureure du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie qui a rejoint la Commission en septembre 2012, les noms de ces responsables seront conservés de manière confidentielle au Haut-Commissariat aux droits de l’homme jusqu’à ce qu’un tribunal lance une enquête.

La Suisse s’est félicitée des recommandations émises lundi par la commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie, en particulier de demander au Conseil de sécurité de saisir la Cour pénale internationale (CPI).

Cette recommandation répond à l’appel lancé par Berne le 14 janvier dans une lettre adressée au Conseil de sécurité, avec le soutien de 57 autres Etats, selon le ministère suisse des Affaires étrangères (DFAE).

«La Suisse est persuadée qu’aucune paix durable ne sera possible en Syrie tant qu’une démarche systématique contre l’impunité n’aura pas été mise en place », souligne le DFAE.

Le mandat de la commission d’enquête s’achèvera à la fin du mois de mars. Lors de la prochaine session du Conseil des droits de l’homme, la Suisse se mobilisera pour qu’il soit prolongé, selon le DFAE.

Source : ATS

«La justice doit passer»

Carla del Ponte, comme les 3 autres membres de la commission, se montre pressante. «Il est temps de réagir. Il est incroyable que le Conseil de sécurité n’ait pris aucune décision. Des crimes continuent à être perpétrés, le nombre de victimes augmente chaque jour, justice doit être rendue », souligne l’ancienne magistrate, tout en précisant que seul le Conseil de sécurité peut décider de saisir la Cour pénale internationale (CPI) dans le cas de la Syrie.

Mais d’autres voies judiciaires sont possibles. «Dans une annexe de notre rapport, nous avons énuméré toutes les possibilités, que ce soit la cour permanente (CPI), un tribunal ad hoc ou les systèmes judiciaires nationaux. Mais la meilleure solution selon moi, c’est la cour permanente », assure l’enquêtrice à une question posée par swissinfo.ch.

En attendant, la Commission va compléter ses investigations avant la présentation du rapport prévue le 11 mars prochain devant le Conseil des droit de l’homme, à l’occasion de sa 22e session, soit au moment où se termine le mandat de la Commission d’enquête.

La Commission n’a jamais pu se rendre en Syrie, où le régime du président Bachar al-Assad a transformé un soulèvement populaire en conflit armé qui a déjà fait 70.000 victimes, selon des estimations de l’ONU.

L’impact durable de la guerre

Tout au long de ses 131 pages, le rapport souligne l’ampleur de la tragédie syrienne. L’impact du conflit syrien pourrait s’étendre sur des générations, et miner la sécurité dans tout le Moyen-Orient, selon la Commission qui accuse les deux parties au conflit de crimes de guerre.

«La dynamique destructrice de la guerre civile n’a pas seulement des effets sur la population civile, mais réduit également à néant toute la structure sociale complexe du pays, elle met en danger les générations futures et menace la paix et la sécurité dans toute la région», avertit le rapport.

Dans un premier rapport, publié en août 2012, sur la base de plus de 1000 interviews d’auteurs et de victimes, la commission avait accusé les deux parties de crimes de guerre, tout en reconnaissant une responsabilité amoindrie pour les rebelles.

Dans ce nouveau rapport basé sur quelque 450 interviews, la commission confirme : «Les forces gouvernementales ainsi que les milices alliées ont commis des crimes contre l’humanité, des meurtres, des actes de torture, des viols, et sont responsables de disparitions forcées et d’autres actes inhumains.

Les groupes armés anti-gouvernementaux ont commis des crimes de guerre, y compris des meurtres, des actes de torture, des prises d’otage, et des attaques de biens protégés. Ils continuent à mettre en danger les populations civiles, en ciblant des objectifs militaires au milieu de zones civiles. »

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