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La Suisse contribue aux efforts de paix

Manifestation à Colombo fin janvier contre les assassinats de journalistes AFP

La diplomatie helvétique soutient au Sri Lanka une initiative de réconciliation menée par l’Afrique du Sud pour amener les parties à la table des négociations. Mais la perspective d'une paix durable reste hors d'atteinte, près de quatre ans après la chute des Tigres tamouls.

Depuis 2011, l’Afrique du Sud ainsi que des ONG sud-africaines et sri-lankaises conduisent une initiative de paix multidimensionnelle visant à relancer les négociations entre l’Alliance nationale tamoule et le gouvernement sri-lankais et à soutenir les efforts de réconciliation après la fin d’une guerre qui a duré près de 30 ans.

Des responsables sri-lankais et sud-africains se sont rencontrés à plusieurs reprises l’année dernière et une délégation de l’Alliance nationale tamoule s’est rendue en Afrique du Sud début février.

Désireux d’aider à trouver une paix durable pour ce pays d’Asie du Sud, la Suisse apporte son appui financier et politique à l’initiative sud-africaine.

«La Suisse est convaincue que seul un dialogue inclusif peut apporter une solution durable au conflit politique dans lequel toutes les parties, y compris les minorités, décident sur un pied d’égalité», précise Carole Wälti, porte-parole du ministère suisse des Affaires étrangères.

Les observateurs estiment que l’expérience sud-africaine après la fin de l’Apartheid et sa commission Vérité et Réconciliation ont beaucoup à apprendre au Sri Lanka d’après-guerre, mais l’initiative comporte des risques.

Les relations politiques entre les deux pays sont bonnes. Le fait que la Suisse n’a jamais interdit le mouvement des Tigres de libération de l’Eelam Tamoul (LTTE) a contribué à intensifier le dialogue politique.

Durant les longues années de conflit, la Suisse s’est engagée en faveur d’une solution pacifique et d’un cessez-le-feu durable.

En février et en octobre 2006, elle a organisé à Genève des pourparlers de paix.

En 2011, près de 50’000 personnes d’origine tamoule résidaient en Suisse, dont environ 21’000 étaient naturalisées. La forte communauté tamoule réfugiée en Suisse est un facteur important de l’engagement de la Confédération en matière de promotion de la paix, de coopération au développement et d’aide humanitaire.

Source : DFAE

 

Les pièges de la négociation

«Les gouvernements concernés par la paix durable au Sri Lanka doivent également veiller à ce que leur désir d’engagement constructif ne finisse pas par faciliter l’intransigeance de Colombo et ses manœuvres dilatoires», avertit l’International Crisis Group (ICG) dans un rapport publié en novembre.

Alan Keenan, expert pour le Sri Lanka de l’ICG, va plus loin en affirmant qu’il est «difficile d’être optimiste» quant à l’initiative sud-africaine: «Si elle a une quelconque valeur, c’est seulement comme canal à long terme pour une éventuelle instauration de la confiance entre les parties. Il incombe au gouvernement sri-lankais de répondre aux nombreux compromis que le principal parti tamoul a faits récemment. Mais je ne vois pas une telle ouverture dans un avenir proche.»

Alan Keenan estime que le gouvernement sri-lankais n’a aucun intérêt dans des négociations équitables avec les partis politiques tamouls ni aucune intention de transférer un pouvoir significatif à la province tamoule du Nord, malgré les promesses faites en ce sens.

Et d’ajouter que les politiques actuelles à l’égard des Tamouls, en particulier dans la province du nord, nuisent à leurs droits et aux perspectives d’un règlement politique durable.

«Il est très important que les gouvernements suisse et sud-africain manifestent clairement et publiquement cette absence de progrès pour ne pas laisser le gouvernement sri-lankais tromper le monde sur ce point. Les diplomaties suisses et sud-africaines doivent  soutenir une résolution ferme lors de la session de mars du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève», plaide Alan Keenan.

Nouvelle résolution à Genève

Pour la deuxième fois, les États-Unis vont en effet déposer une résolution contre le Sri Lanka pour ne pas avoir poursuivi les responsables de violations perpétrées par les forces gouvernementales lors de l’offensive finale contre les rebelles tamouls au printemps 2009.

Des accusations que le Sri Lanka continue de rejeter, y compris les appels à une enquête internationale indépendante concernant les assassinats de milliers de civils dans la zone rebelle.

En 2010, le président Mahinda Rajapakse a mis en place une Commission nationale des leçons apprises et de la réconciliation (LLRC) pour enquêter sur les allégations de violations massives des droits humains entre février 2002 et mai 2009. Un organisme fortement critiqué par les organisations internationales de défense des droits de l’homme.

Fin janvier le ministre sri-lankais des Affaires étrangères Gamini Lakshman Peiris a protesté contre la décision des Etats-Unis de soumettre une deuxième résolution à l’ONU, soulignant qu’une telle démarche allait fragiliser les processus de réconciliation dans le pays.

Le ministre a ajouté que le pays faisait des progrès rapides dans la réinstallation des personnes déplacées, la réinsertion des ex-combattants, le déminage et la relance de l’économie dans le nord de l’ile.

Près de quatre ans après la fin de la guerre entre les forces armées sri-lankaises et les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), près de 470’000 personnes déplacées sont retournées dans leur région d’origine.

Fin décembre 2012, plus de 93’000 personnes déplacées vivaient dans des camps dans les districts de Vavuniya, Jaffna et Trincomalee, dans des camps de transit ou des communautés d’accueil.

Beaucoup de ceux qui sont rentrés n’ont pas été en mesure de parvenir à une solution durable, mais continuent à avoir des difficultés à accéder aux produits de première nécessité, au logement, à l’emploi et à l’exercice de leurs droits civils.

Source: Observatoire des déplacements intérieurs (IDMC)

Des progrès de façade

La diplomatie suisse voit les choses autrement. «La situation dans le nord, et dans une moindre mesure, dans l’est du pays, reste précaire, malgré les progrès évidents dans les infrastructures», précise la porte-parole du DFAE.

Carole Wälti ajoute: «La province du Nord est la seule qui n’a pas organisé des élections devant son parlement et l’armée joue encore un rôle important dans les affaires civiles et économiques. La société civile en général et les militants des droits de l’homme subissent une grande pression.»

Les ONG de défense des droits humains et des pays occidentaux ont fait part de leurs préoccupations suite au lancement d’une procédure de destitution à l’encontre de Shirani Bandaranayake, présidente de la Cour suprême du Sri Lanka, tout comme les restrictions à la liberté d’expression.

Fin 2012, Amnesty International a publié un rapport décrivant le «climat de peur» qui règne aujourd’hui au Sri Lanka, la répression de l’opposition, les allégations de torture, de morts en garde à vue qui en résultent, les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires.

Ce qui fait dire à Yolanda Foster, chercheuse d’Amnesty International pour le Sri Lanka: «Le véritable enjeux, c’est la culture de l’impunité face aux violations des droits humains. Il ne s’agit pas seulement de revenir sur le passé.»

Traduit et adapté de l’anglais: Frédéric Burnand

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