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«Ni le grand soir, ni le grand saut»

Retour de la gauche à l'Elysée après dix-sept ans. Keystone

Avec 51,6% des suffrages, François Hollande est devenu dimanche le premier président socialiste en France depuis 17 ans lors d'un vote-sanction contre Nicolas Sarkozy. Mais qu’il soit «normal» ou «bling-bling», le président se trouve face à des défis énormes, relève la presse suisse.

«Adieu Sarkozy, bonjour Hollande», titre en français la Basler Zeitung. «Fini le bling-bling», ironise le Blick. «Mai 2012 n’est pas mai 1981», avertit La Liberté.

«La surprise Hollande. Un politicien de deuxième zone est élu premier des Français», s’exclame la Neue Zürcher Zeitung. «Il y a un an à peine, cela aurait fait rire la plupart des journalistes, y compris ses collègues de parti. Il y a un point sur lequel tout le monde est d’accord: cet homme n’a pas le moindre charisme».

Le quotidien zurichois rappelle que Nicolas Sarkozy sort de «la plus courte présidence de la Cinquième République» pour avoir «sous-estimé un Hollande peut-être trop ‘normal’ avec une arrogance qui lui a fait croire qu’il pouvait s’offrir le luxe de commencer sa campagne électorale dix semaines seulement avant le scrutin. Les électeurs lui ont présenté la facture mais, surtout, c’est toute la droite qui la paie, la facture.»

Le Corriere del Ticino relève que, «Sarkozy connaît le même sort que les autres leaders européens déchus du pouvoir ces dernières années, comme en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne et en Grèce, entre autres, qui ont payé eux aussi le mécontentement provoqué par la crise économique-financière mondiale et les mesures d’austérité en Europe contre la dette publique».

A propos de Sarkozy, La Liberté relève que «la course finale à l’échalote de Sarkozy piétinant ses propres valeurs dans le jardin du Front national aura été le dernier faux pas d’un homme qui, hier soir, s’est montré grand dans la défaite.»

Victoire d’un anti-héros

On le surnommait «Le grand méchant mou», «Flamby», «La fraise des bois», «Le capitaine de pédalo». Aujourd’hui, on voit en lui un «judoka» et un «antihéros», on loue sa solidité, il est «la nouvelle force tranquille». Le Temps résume le verdict de dimanche, qui a vu «François Hollande l’emporter après une campagne sans fausse note contre un président sortant à la réputation de ‘bête de campagne’.»

Analyse du quotidien francophone: «François Hollande pense être l’homme d’un moment (…) qui a construit sa campagne comme antithèse du sarkozysme et mis en avant les traits de sa personnalité qui contrastent le plus avec ceux du chef de l’Etat sortant. Qu’il s’agisse de leur caractère, de leur rapport au pouvoir, de leurs idéaux politiques, tout oppose les deux hommes.»

Le revers de la médaille, relève L’Express de Neuchâtel, c’est qu’il faut «éviter des victoires basées uniquement sur le rejet de l’autre». Il faut éviter aussi que la gauche et le PS, «qui ne sont pas majoritaires en France», ne soient condamnés à perdre les prochaines élections, comme ils en ont pris l’habitude depuis 1981» avec Mitterrand. D’où le titre du commentaire: «Le sacre de François II».

Le «droit de décevoir»

Evoquant les «colossaux défis de François Hollande», 24 Heures/La Tribune de Genève note que le nouveau président a conquis «le droit de décevoir». «Un visage nouveau apparaît, suivi d’une cohorte d’espoirs souvent contradictoires. Puis vient le temps de la désillusion».

Selon le correspondant, si la situation de Hollande est «inconfortable», c’est qu’il doit faire face à deux éléments contradictoires: «D’une part, ses concitoyens sont de plus en plus impatients devant leur économie qui se dégrade. (…) D’autre part, les marges de manœuvre de l’Etat sont de plus en plus étroites, compte tenu des contraintes de l’UE et de l’économie globalisée qui laissent peu de champ au pouvoir national».

La Liberté va dans le même sens: «M. Hollande le sait, le glissement du curseur vers la gauche ne suffira pas pour éclaircir l’écran: croissance en berne, dette étatique record, chômage élevé, agences de notation en embuscade, méfiance des marchés et évasion fiscale, marasme européen…»

Le quotidien fribourgeois pose la grande question: le problème, c’est qu’après les législatives de juin, la gauche détiendra pour la première fois «tous les leviers pour appliquer ses recettes»… «et ne pas décevoir. Est-ce possible, en France?»

«Européen convaincu»

Rappelant que «presque tous les indicateurs sont au rouge» et que les choses «ne peuvent plus empirer mais s’améliorer», le Tages-Anzeiger relève avec optimisme que Hollande est «un Européen convaincu». «Son parti lui-même l’a accusé d’être trop peu à gauche. Il ne minera donc certainement pas les mesures d’austérité de l’Union européenne. Mais il voudra certainement les corriger en leur ajoutant une composante de croissance.»

Le Blick analyse que le style de politique du nouveau président peut presque passer pour helvétique: «Lui aussi veut s’attaquer à la dette publique, mais avec d’autres moyens que Sarkozy ou Merkel. Les Français savent qu’ils devront de toute façon se serrer la ceinture. Maintenant, ils peuvent espérer que les efforts seront répartis plus justement. Quant aux réfugiés fiscaux, ils tremblent déjà: Hollande a aussi la Suisse dans le viseur.»

François Hollande (PS), 57 ans, a obtenu 51,6% des suffrages exprimés, contre 48,4% à Nicolas Sarkozy (UMP), selon une totalisation des résultats portant sur la France entière, à l’exclusion d’un million de Français de l’étranger, établie par le ministère de l’Intérieur.

Quelque 17,8 millions de suffrages se sont portés sur le président élu, 16,7 millions sur son prédécesseur et 2,1 millions d’électeurs ont voté blanc ou nul, selon cette totalisation portant sur plus de 45 millions d’inscrits et 36,6 millions de votants.

Le taux d’abstention est de 18,97% (contre 20,7% au premier tour cette année et 16,03% au second tour de 2007), soit 8,6 millions de personnes.

Le président Hollande, qui entre en fonction vendredi, a déjà deux rendez-vous cruciaux à son agenda: le sommet du G8, les 18 et 19 mai à Camp David (Etats-Unis) et le sommet de l’Otan de Chicago les 20-21 mai.

Le Parti socialiste français a appelé les électeurs à «confirmer» la victoire lors des élections législatives des 10 et 17 juin.

Né en 1954 à Rouen, il adhère au Parti socialiste en 1979. Il est d’abord conseiller de François Mitterrand, puis chargé de mission pour les questions économiques.

Dès 1983, il enchaîne les mandats locaux (en Corrèze en Limousin) et parlementaires à partir de 1988. Mais jamais il ne sera appelé au gouvernement.

1994: devient premier secrétaire et porte-parole du PS.

2007: lors de l’élection présidentielle, il choisit de s’effacer au profit de sa compagne Ségolène Royal. Le couple annonce sa séparation.

2008: quitte la direction du PS en pleine crise.

2012: avec la chute de Dominique Strauss-Kahn en 2011, il a été désigné candidat du PS.

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