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Une grève à l’impact limité en Suisse

Manifestation contre la réforme des retraites, le 11 janvier à Paris
Manifestation contre la réforme des retraites, le 11 janvier à Paris. La Suisse regarde ses voisins faire la grève, sans que cela l'affecte particulièrement. Keystone / Yoan Valat

La longue grève menée contre la réforme des retraites en France n’a qu’un faible impact en Suisse, à l’exception des désagréments pour les adeptes du TGV. Mais si les routiers entraient dans le mouvement, l’économie suisse ne serait pas épargnée. 

Pour le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), cette grève de longue durée chez nos voisins français ne devrait pas avoir a priori d’effet significatif sur l’économie suisse. «Les grèves engendrent des perturbations de nature temporaire qui sont généralement suivies d’un effet de rattrapage», relativise Fabian Maienfisch, du service de communication du SECO. «Le niveau de production en Suisse, pour autant qu’il soit impacté, retrouverait rapidement le niveau qui aurait été le sien sans cette perturbation».

Mais les conséquences en Suisse pourraient s’avérer nettement plus périlleuses si cette grève devait s’étendre à des secteurs d’activité de l’économie comme les poids lourds ou les transports aériens. «Ou si la grève devenait quasi-permanente, empêchant un retour à la normale, ou si elle débouchait sur des tensions sociales ou des émeutes de grande ampleur», anticipe Fabian Maienfisch. La demande française pour les produits suisses aurait tendance à s’émietter. Nous n’en sommes pas encore à ce stade.

Deux journées de grève

Selon l’Administration fédérale des douanes (AFD), du seul point de vue du trafic commercial, «les douanes françaises n’ont été en grève que deux jours isolés, le 4 novembre (grève de la fonction publique) et le jeudi 5 décembre 2019», au premier jour de la contestation contre la réforme des retraites.

«Ces deux jours de grève ont eu une incidence sur les importateurs et exportateurs suisses avec des retards de livraison à cause de camions bloqués à la frontière par les grévistes» Donatella Del Vecchio, Administration fédérale des douanes

Et toutes les douanes françaises situées à la frontière suisse n’ont pas été impactées de la même façon, ou pas totalement. Dans certains bureaux de douane, les formalités à remplir tant à l’exportation qu’à l’importation n’ont en effet pas pu se dérouler normalement ces deux jours-là, mais le reste du temps, rien d’inhabituel n’a été signalé.

«Ces deux jours ont eu une incidence sur les importateurs et exportateurs suisses avec des retards de livraison à cause de camions bloqués à la frontière par les grévistes», a confirmé Donatella Del Vecchio, porte-parole de l’AFD, à swissinfo.ch. «Cette grève a certes un léger impact, mais aucune mesure particulière n’a dû être prise jusqu’ici, seuls des ralentissements et désagréments dans le trafic commercial ont été constatés».

Trafic perturbé

À la douane autoroutière de Boncourt-Delle par exemple, à la frontière au nord du canton du Jura, le blocage de poids lourds à la sortie côté suisse durant une heure a par exemple provoqué des perturbations du trafic, mais apparemment vite résorbées. 

Le 5 décembre, alors que des centaines de milliers de Français descendaient dans les rues pour réclamer le retrait du projet de réforme des retraites du gouvernent d’Edouard Philippe, une partie des fonctionnaires de la douane de Bâle-Saint-Louis était en grève… mais l’autre pas, n’occasionnant pas de difficulté insurmontable, sauf un ralentissement dans les dédouanements d’usage. Mais aucun camion en transit n’a été affecté.

En revanche, trois semaines plus tôt, le 4 novembre, comme les fonctionnaires de la douane avaient débrayé, les autorités bâloises ont dû détourner les trafics commerciaux et privés par la douane autoroutière de Bâle/Weil, du côté allemand. «Des processus huilés que les douaniers, en collaboration avec la police cantonale, adoptent en cas de grève», précise Donatella Del Vecchio.

«Dommage pour les Parisiens»

Difficile de chiffrer d’ores et déjà les conséquences financières en Suisse – bonnes ou mauvaises – liées à cette grève qui entame sa sixième semaine. Les hôteliers et restaurateurs de Boncourt (Jura) n’en en éprouvé aucun effet. Pas de nuitées ni de couverts supplémentaires enregistrés en décembre pour les travailleurs frontaliers en panne de transports publics. «La plupart se déplacent en voiture. Nous sommes une région rurale. Nous sommes bien équipés. Dommage pour les Parisiens! Ici nous n’avons rien ressenti de cette grève», constate Maude Pires, de l’Hôtel-Restaurant «À La Locomotive» à Boncourt.

«Les échanges directs entre le Jura et la France voisine concernent en très grande partie le trafic motorisé et non les transports publics, cela vaut autant pour les travailleurs frontaliers que pour les personnes qui vont faire leurs emplettes de l’autre côté de la frontière», corrobore Jacques Chapatte, du service d’information du canton du Jura. 

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Et de reconnaître que la ligne ferroviaire franco-suisse ouverte voici un an et qui permet de relier le Jura au centre de Belfort, «connaît une fréquentation encore modeste» de pendulaires. Même constat à la frontière à Vallorbe, dans le canton de Vaud, où hormis une diminution des liaisons ferroviaires, rien de particulier non plus n’est à signaler.

Consommer suisse

À une époque de l’année propice aux déplacements hivernaux (fêtes, vacances d’hiver ou de ski), la grève a obligé de nombreux voyageurs suisses à renoncer à se déplacer en France en raison des suppressions de TGV. Ont-ils pour autant troqué leur séjour en France pour des vacances – plus sûres – en Suisse, dopant ainsi l’économie locale? 

Les statistiques des nuitées du mois de décembre à l’échelle suisse seront connus dans quelques semaines, mais pour Véronique Kanel, porte-parole de Suisse Tourisme, «les chiffres des entreprises de remontées mécaniques montrent déjà que les domaines skiables d’ici ont été très bien fréquentés en décembre dernier et au début janvier. Peut-être est-ce lié? Mais la météo, clémente en montage, a aussi joué un rôle».

Les consommateurs suisses friands des produits «made in France»  -telle que volailles, poissons et crustacés, fromages – n’ont-ils pas été les plus grands perdants en Suisse, de cette grève? Peut-être. Pour la coopérative Migros, dont les produits proviennent pour 70 à 80% de filières suisses, la grève outre-Rhône n’a pas eu jusqu’à présent d’incidence. 

«Nous sommes avant tout tributaires des lois du marché. Si un produit n’est plus disponible dans un pays en raison d’une grève et que son approvisionnement devient difficile, nous allons le chercher simplement ailleurs. Pour les poissons, nous sommes liés au Marché d’Amsterdam. Et tous nos poissons ne viennent pas de France…», résume Tristan Cerf, porte-parole de Migros. «Pour les dindes de décembre, nous avons pu compter sur des producteurs locaux».

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