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Les chalets suisses toujours prisés des acheteurs étrangers

museedebagnes.ch

La nouvelle loi sur les résidences secondaires, qui en limite le nombre par commune, n’affecte pour l’instant pas trop les affaires des promoteurs immobiliers. Pour en savoir plus, swissinfo.ch s’est rendu à Grimentz, la station au taux de 81% de maisons de vacances.

Les rayons du soleil filtrent à travers les interstices de l’antique grenier à grains en bois de mélèze, projetant des ombres sur le sol couvert de neige. Au cœur du vieux bourg de Grimentz, perché au flanc du Val d’Anniviers dans le canton du Valais, la place est comptée. Les pentes escarpées surplombant cette petite station en pleine croissance sont couvertes de chalets neufs et anciens. On y aperçoit aussi quelques grues.

En cette journée de début janvier, tout est calme. Le village semble respirer à nouveau, après la folle animation de la semaine des fêtes. Mais les promoteurs immobiliers du cru, suisses et étrangers, sont toujours en train de digérer le verdict sorti des urnes en mars dernier, qui fixe une limite de 20% pour les résidences secondaires dans chaque commune. Cette nouvelle «loi Weber» est entrée en vigueur au 1er janvier 2013.

Les villages alpins comme Grimentz, où 81% des habitations appartiennent à cette catégorie, sont particulièrement touchés – et excédés – par le changement législatif. «Personne ne pensait que l’initiative passerait», dit Will Herrington, agent de Mark Warner Property, une firme qui gère et vend des chalets et appartements dans la station.

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Ce contenu a été publié sur Le Musée de Bagnes, en collaboration avec le Centre régional des populations alpines (CREPA), publie un ouvrage sur l’évolution de Verbier à travers quelque 250 cartes postales datant de 1900 à 1960. «Images de Verbier. Les anciennes cartes postales» a vu le jour grâce aux collections privées de François Luisier et Jean-Marie Michellod.

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Série d’obstacles

Les étrangers qui souhaitent acheter une maison de vacances en Suisse sont déjà soumis à des restrictions: la loi n’autorise la mise sur le marché que de 1500 nouvelles unités par an. A cela s’ajoutent les nouvelles limitations introduites par la loi Weber, qui s’appliquent tant aux Suisses qu’aux non-Suisses, ainsi que le climat économique morose et la cherté des prix helvétiques. Mais ces obstacles ne semblent pas avoir découragé les acquéreurs étrangers fortunés.

«La roue commence à tourner, note Will Herrington. Nous avons enregistré pas mal de demandes ces trois ou quatre derniers mois.» Au vu du stock de logements disponibles, «la Lex Weber n’aura pas un impact significatif sur les affaires», pense le Britannique qui vit à Grimentz avec sa famille depuis sept ans.

Les autres promoteurs immobiliers du coin sont du même avis. «Sur le court terme, la nouvelle législation a même été bénéfique pour nous, relève Simon Malster, de la firme Investors in Property. Pas mal de clients qui songeaient à acquérir un bien en Suisse ont franchi le pas, se rendant compte que le moment était propice.»

Un investissement sûr

Les logements situés dans les stations de ski sont chers en Suisse. Les appartements y coûtent 30% de plus qu’en France et plus du double de ceux en Autriche. Pour de nombreux investisseurs, l’achat d’un logement en Suisse représente toutefois un investissement sûr sur le long terme, une façon de se prémunir contre le risque et les variations du taux de change tout en bénéficiant des rentrées occasionnées par la location du bien. Les taux hypothécaires sont également très avantageux.

«La demande a chuté en 2008 et 2009 mais depuis novembre 2011, la tendance s’est inversée, explique Jeremy Rollason, directeur général de Alpine Homes/Savills. Nous avons constaté un regain d’intérêt pour l’acquisition de chalets de la part de nouveaux acheteurs.»

Environ une maison de vacances sur cinq appartient à un étranger en Suisse. Jusque récemment, le marché était dominé par les Allemands, les Néerlandais, les Italiens et les Britanniques. Mais depuis deux ans, des acquéreurs russes ou extrême-orientaux ont commencé à émerger.

Il y a environ 500’000 résidences secondaires en Suisse. En chiffres absolus, le canton du Valais en a le plus, avec 62’000 propriétés qui ne sont que partiellement occupées, suivi des Grisons (48’000), de Berne (45’000) et de Vaud (43’000).

 
Les cantons avec la plus forte proportion de maisons de vacances sont les Grisons (37%), le Valais (36%), le Tessin (24%) et Obwald (22%).
 
La part des résidences secondaires dépasse 20% dans 573 communes, et même 80% dans celles de St Luc (82.8%) et Grimentz (81.8%) en Valais et dans celle de Laax (80.9%) aux Grisons.
 
La plupart de ces propriétés ne sont pas exploitées à des fins commerciales dans les régions touristiques et sont occupées en moyenne 30 à 40 jours par an.
 
(Source: Office fédéral du développement territorial)

Incertitudes

Si les affaires ont repris des couleurs ces derniers temps, il n’en demeure pas moins que la nouvelle loi soulève de nombreuses questions quant à l’offre de résidences secondaires sur le long terme ou sur la flexibilité de sa mise en œuvre.

Preuve de cette incertitude, beaucoup de propriétaires fonciers se sont dépêché de réaliser les projets qu’ils avaient lancés. Entre mars 2012 et janvier 2013, les régions touristiques ont dû faire face à un afflux de demandes de permis de construire. Elles sont passées de 3000 en moyenne à 8000 sur les dix premiers mois de 2012 pour les biens résidentiels.

«Il ne doit plus rester un seul lot qui ne soit soumis à une autorisation de bâtir», estime Will Herrington, en jetant un regard sur les contreforts bondés du village.

Pas de lits froids

La nouvelle législation autorise les promoteurs qui ont fait une demande de permis de construire avant mars 2012 à mener à bien leur projet, dans un délai de trois ans à partir de son octroi. Les unités bâties pourront être vendues comme résidences secondaires.

Le flou plane en revanche sur le statut des demandes effectuées entre mars et décembre, qui ont reçu une réponse positive sur le plan communal. Les tribunaux cantonaux du Valais et des Grisons ont permis à ces projets d’aller de l’avant mais le Tribunal fédéral, saisi par l’association Helvetia Nostra, doit encore se prononcer.

Les milieux immobiliers attendent également de voir si les grands projets mêlant logements hôteliers et locations parviendront à obtenir de nouvelles autorisations de construire. Pour ne pas enfreindre la nouvelle loi, les propriétaires d’appartements seraient contraints de les louer lorsqu’ils ne s’y trouvent pas, afin de ne pas générer des lits froids.

Will Herrington sourit: il sait que Grimentz fait partie des chanceux. La station peut compter sur une série de projets de grande envergure qui ont déjà reçu le feu vert des autorités mais n’ont pas encore été réalisés, comme les Chalets d’Adelaïde – dont le site n’est pour l’heure qu’un grand trou dans les parois de la montagne – un nouveau téléférique pour relier la station de Zinal d’ici à 2013/2014 et un spa. De quoi occuper les entreprises de construction et les promoteurs immobiliers durant les quatre ou cinq prochaines années.

«Nous continuons à pouvoir offrir à la vente une vaste gamme de chalets et d’appartements, à des prix qui oscillent entre 800’000 francs pour un appartement et 5 millions de francs pour un chalet avec une piscine, détaille l’agent britannique. La seule chose qu’il nous manque, c’est la possibilité d’acquérir de temps à autre un lot de terrain pour y construire un logement sur mesure.»

Moins d’offre à l’avenir?

Les agences immobilières qui s’adressent à une clientèle étrangère craignent néanmoins que le climat actuel, fait d’incertitudes et de quotas, ait un impact négatif sur l’offre d’ici quelques années. «La fenêtre d’opportunité n’a pas disparu, mais elle est en train de se réduire, fait remarquer Jeremy Rollason. Le stock de propriétés à disposition sera épuisé d’ici deux à trois ans.»

Cette offre limitée, liée à une demande en hausse, risque de faire monter les prix, met en garde Alpine Homes/Savills.

Pour Will Herrington, l’avenir est tout tracé: «Sur le long terme, nous deviendrons de plus en plus dépendants des reventes de propriétés, mais ce sera plus dur car il faut attendre cinq ans après une acquisition si on est étranger et dix ans si on est suisse pour pouvoir la revendre. Cela rendra l’offre de logements moins fluide.»

Les étrangers (qu’il s’agisse d’individus ou d’entreprises) veulent acheter un bien immobilier en Suisse doivent d’abord obtenir un permis de la part du canton dans lequel ils souhaitent effectuer leur acquisition. Leur nombre est strictement limité.
 
Les ressortissants de l’UE ou d’un pays membre de l’AELE, ainsi que les détenteurs de permis C vivant en Suisse, ne sont pas considérés comme des résidents étrangers dans ce contexte.

Les biens immobiliers acquis dans le but d’établir une activité commerciale permanente ne sont pas soumis à ces restrictions, à moins que cette dernière ne consiste à vendre ou louer ces propriétés.
  
Les étrangers qui acquièrent un logement pour l’utiliser comme leur maison doivent en faire leur résidence principale.

 
Une limite sur les achats de propriétés par les non-Suisses a été introduite en 1961, pour éviter que des investisseurs étrangers ne distordent le marché immobilier helvétique. Elle place le seuil à 1500 nouvelles demandes par an.

Cette restriction a été introduite dans une loi en 1983, surnommée la Lex Koller en référence à l’ancien ministre de la justice Arnold Koller. Le gouvernement a proposé de l’abolir, mais le parlement a refusé de le suivre en 2008. La chambre basse a de nouveau voté contre l’abolition de cette loi en 2011. La chambre haute se prononcera au printemps.

(Traduction de l’anglais: Julie Zaugg)

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