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Paris rêve d’une BBC à la française

La tour de TF1.
Située à Boulogne-Billancourt, la tour de TF1 symbolise l'audio-visuel privé français. En 1986, TF1 avait été la toute première chaîne de télévision à être privatisée. Reuters/Charles Platiau

Un projet «confidentiel» du gouvernement prévoit de regrouper France Télévisions et Radio France. Emmanuel Macron ne cache pas ses critiques à l’égard des chaînes publiques. 

En France, la télévision et la radio publiques vivent des jours difficiles. La menace ne vient pas, comme en Suisse, d’une initiative citoyenne proposant de supprimer la redevance. Mais du Président lui-même. 

Devant des députés, en décembre dernier, Emmanuel Macron a traité, selon l’hebomadaire L’Express, l’audiovisuel public de «honte de la République». Le Président lui reprocherait sa «mauvaise gestion» et la médiocrité des programmes et des contenus. 

L’Elysée a démenti ces propos, mais à l’évidence le chef de l’Etat et son gouvernement ne sont pas satisfaits de la structure actuelle des médias publics. Dans une note confidentielle dévoilée par le journal Le Monde, le ministère de la Culture propose de réunir France Télévisions et Radio France dans une même entité. Ce qui représenterait 17’000 employés, dont 9800 à France Télévisions, pour un budget public total de 3,8 milliards d’euros. Objectif d’une telle réforme: dégager des synergies, notamment dans le secteur de l’information.

Les modèles de la ministre de la Culture, Françoise Nyssen: la BBC britannique, qu’elle a visitée le 9 janvier, et la RTBF belge, où radio et télé sont rassemblées dans une même holding. 

Un mastodonte fatigué 

Officiellement, Mme Nyssen note que la fusion n’est qu’une piste de travail parmi d’autres. Le sujet est sensible. La seule baisse du budget des chaînes publiques a déclenché des grèves. Radio France, qui regroupe des stations de qualité, notamment France Inter, France Musique et France Culture, verrait d’un très mauvais œil une fusion qu’elle vivrait comme une annexion pure et simple. 

A Paris, de l’autre côté de la Seine, France Télévisions ressemble à un mastodonte fatigué: chiffres en baisse, programmes, notamment de France 2, ressemblant à ceux d’une chaîne privée – c’est d’ailleurs ce que lui reproche le Président Macron. 

Comment séparer la redevance de la taxe d’habitation?

En France, la redevance audiovisuelle est accolée à la taxe d’habitation, dont s’acquitte la grande majorité des Français. Or, Emmanuel Macron a prévu justement de supprimer, en trois ans, cette taxe d’habitation, qui profite aux collectivités locales. Problème: il faudra prélever la redevance autrement et cela coûte sans doute plus cher à l’Etat…

Les 138 € (88€ dans les territoires d’Outre-mer) de la redevance sont payés par les ménages possédant un téléviseur. L’amende, toutefois, en cas de non déclaration, est faible: 150€. De quoi inciter certains à la fraude.

Il faut dire que l’exécutif français ne lui facilite pas la tâche. En 2008, le Président Nicolas Sarkozy décide de supprimer la publicité après 20h. Résultat: un manque à gagner d’environ 500 millions d’euros, financé par une taxe de 3% sur les recettes publicitaires des chaînes privées et un prélèvement de 0,9% sur le chiffre d’affaires des opérateurs de téléphonie. 

La télévision publique doit aussi composer avec les «régimes» successifs. Nicolas Sarkozy avait décidé de nommer lui-même ses dirigeants. François Hollande a confié cette tâche au Conseil supérieur de l’audiovisuel. Macron veut faire encore autrement et confier ce pouvoir aux conseils d’administrations des entreprises concernées – où l’Etat est bien présent. 

France 2 tiraillée 

La principale chaîne publique, France 2, se trouve tiraillée depuis des lustres entre deux objectifs souvent incompatibles: d’un côté l’éternelle rivalité avec la grande chaîne privée TF1. L’an dernier, les deux chaînes vu leur part d’audience légèrement baisser (à 20% pour TF1 et 13% pour France 2) au profit des chaînes d’infos (BFMTV et LCI). 

D’un autre côté, la recherche de qualité, notamment dans le domaine de l’info et du documentaire grand public. Si France 2 n’a jamais accouché d’une émission d’actualité d’aussi forte réputation que le Temps Présent suisse, elle a su jusque-là conserver des émissions d’investigation de bonne tenue, notamment «Envoyé spécial». Mais ces rendez-vous sont eux-mêmes menacés par des réductions d’effectifs. Et, mis à part l’absence de publicité, le «prime time» de la chaîne ressemble trop à celui des chaînes privées. 

Une redevance élargie? 

Autre thème dans les cartons d’Emmanuel Macron: la refonte de la redevance. Aujourd’hui de 138 € par an, elle pourrait peser non seulement sur les détenteurs de télévision, mais aussi sur ceux de tout écran connecté à Internet, selon un projet du ministère de la Culture. La redevance rapporte environ 4 milliards à l’Etat, sur lesquels 66% profitent à France Télévisions, 7% à Arte et 16% à Radio France.

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