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Relancer le débat

Exit compte sur la révision de la législation française pour relancer le débat sur l’euthanasie en Suisse.

L’Académie suisse des sciences médicales (ASSM) a d’ores et déjà ouvert une brèche en matière d’euthanasie passive.

«Je m’étais émotionnellement blindé dans la perspective de filmer les derniers instants de Jean Aebischer, tant j’étais persuadé que ce serait horrible», avoue Stéphane Villeneuve, journaliste-réalisateur pour l’agence CAPA.

«Finalement, j’ai vécu une scène d’une force incroyable, d’une tendresse, d’une émotion et d’une beauté telles, qu’elle m’a réconcilié avec la mort.»

Sujet tabou s’il en est, la mort peut prendre un autre visage pour autant que l’on choisisse de se l’approprier. C’est en quelque sorte l’un des messages du documentaire consacré à Jean Aebischer.

Pas de propagande



«Dans le film, on fait ce que l’on dit, on dit ce que l’on fait et on n’a pas peur de le montrer, poursuit l’intéressé. C’est une façon d’affirmer haut et fort que l’on peut éviter les dérapages en balisant des situations aussi sensibles et délicates que celles du suicide assisté», constate Jérôme Sobel, président d’Exit

Lequel balaie toute idée de propagande. «Nous n’avons surtout pas besoin de publicité, affirme le président d’Exit. Nous refusons de porter assistance aux personnes venant de l’étranger. Les accompagnants bénévoles d’Exit sont d’ores et déjà mis à rude contribution.»

En d’autres termes, la seule motivation d’Exit est d’apporter sa pierre au débat que les autorités politiques françaises ne pourront plus éluder.

«L’objectif est de monter que l’on peut aborder la question sans hypocrisie et de manière parfaitement contrôlée. Et je suis convaincu que la voix de Jean Aebischer contribuera à convaincre les députés français d’œuvrer pour un assouplissement de leur législation», précise le Dr. Sobel.

Elargir le cadre légal



L’affaire pourrait également contribuer à relancer le débat en Suisse. En 2001, en balayant deux initiatives parlementaires, le Conseil national s’était clairement prononcé pour le maintien du suicide assisté. Tout en refusant d’entrer en matière sur la question de l’euthanasie.

En clair, cela signifie qu’en Suisse aussi, les médecins qui administrent une piqûre fatale à la demande d’un patient incurable sont toujours punissables. «Il est évident que nous souhaiterions un élargissement du cadre légal pour certains cas particuliers», admet le Dr Sobel.

Et de rappeler que le code pénal suisse autorise l’assistance au suicide, pour autant que le malade soit en mesure de boire lui-même le breuvage létal.

«L’état médical du jeune tétraplégique Vincent Humbert ne lui permettait plus d’accomplir ce geste, précise Dr Jérôme Sobel. Et si Jean Aebischer était tombé dans le coma, Exit n’aurait plus été autorisé à lui venir en aide.»

«Autant d’exemples qui devraient pousser le monde politique à revoir sa législation en matière d’euthanasie», conclut le président d’Exit.

Evolution amorcée



Début février, l’association suisse des sciences médicales (ASSM) a fait un pas en ce sens.

Invoquant l’importance croissante accordée à l’autonomie du patient, elle considère désormais que certaines circonstances peuvent amener un médecin à apporter une aide au suicide à un patient mourant. En revanche, l’ASSM s’oppose toujours à une euthanasie active.

Par ailleurs, quatre ans après avoir condamné l’euthanasie active de manière formelle, le Conseil de l’Europe a rouvert le dossier. Au mois d’avril, le député suisse Dick Marty y défendra d’ailleurs un rapport sur l’euthanasie. L’occasion de présenter la position et les expériences de la Suisse en la matière.

swissinfo, Vanda Janka

Critères autorisant l’assistance au suicide:
La personne, atteinte d’une maladie incurable, doit être capable de discernement.
Elle doit faire une demande d’assistance au suicide sérieuse et répétée dans le temps.
Elle doit être confrontée à des souffrances physiques ou psychiques qu’elle juge intolérables.

– Euthanasie active directe: homicide intentionnel dans le but d’abréger les souffrances. Punissable, même si la victime en a fait la demande (art. 114 du Code pénal). Pas admise par l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM).

– Euthanasie active indirecte: administration, pour soulager les souffrances, de substances dont les effets secondaires peuvent réduire la durée de vie. Pas réglée par le Code pénal et admise par l’ASSM.

– Euthanasie passive: renoncement à mettre en œuvre ou interruption des mesures de maintien de la vie. Pas réglée par la loi et admise par l’ASSM.

– Assistance au suicide: seul est puni celui qui s’y prête pour des motifs égoïstes (art. 115 du Code pénal). Les associations Dignitas et Exit fournissent à leurs membres incurables du natrium penthiobarbital, une substance mortelle. Admis par l’ASSM.

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