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Hauts et bas de la politique suisse en Amérique latine

Manifestation de soutien au candidat de l'opposition Henrique Capriles, le principal rival d'Hugo Chavez à l'élection présidentielle au Venezuela. Keystone

Au Venezuela, le résultat des élections du 7 octobre déterminera la voie à suivre en matière de politique extérieure dans une région qui, malgré certains progrès, reste marquée par la violence, l’injustice et les atteintes aux principes démocratiques. Pour certains, l’Amérique latine est encore trop négligée par la Suisse.

C’est dans le cadre des relations entretenues avec l’Amérique latine depuis plus d’un siècle que s’inscrit l’intérêt porté par la Suisse au rendez-vous électoral vénézuélien. Une délégation helvétique de haut niveau suivra donc ces élections. Au nombre de ses activités: la participation aux négociations sur les accords de paix ayant mis fin à 36 ans de guerre au Guatemala, et la mise sur pied d’un plan de solidarité en faveur de la société colombienne, secouée par un demi-siècle de conflit armé.

Toutefois, la Suisse n’a pas été invitée à participer aux négociations pour la paix en Colombie. Et Berne a annoncé la fermeture, en 2013, de son ambassade au Guatemala. Les ONG suisses craignent cette décision qui pourrait entraver les efforts déployés pour la reconstruction d’un pays où la violence est l’une des plus graves au monde et où les droits de l’homme sont bafoués.

Le poids des multinationales

Ces deux exemples sont emblématiques. Ils pourraient signifier un changement d’optique et d’orientation dans les relations bilatérales. Le comportement des multinationales latino-américaines sises en Suisses, qui ne respectent pas les droits de l’homme et nuisent à l’environnement, porte atteinte à l’image de la Suisse, estime Bruno Rütsche, fondateur du Groupe de travail Suisse-Colombie: «La Suisse n’est plus considérée comme un pays neutre aujourd’hui. Ses intérêts sont clairs».

Nestlé, Glencore et d’autres grandes entreprises sont ainsi montrées du doigt. Leurs abus sont dénoncés par des syndicalistes et des représentants d’ONG colombiennes et latino-américaines qui multiplient à cet effet leurs visites en Suisse.

Syngenta, quant à elle, figure sur la liste des multinationales qui ont favorisé le coup d’«Etat parlementaire» contre le président paraguayen Fernando Lugo, comme l’affirme Dieter Drüssel, directeur de Zentralamerica-Sekretariat, une organisation d’aide à l’Amérique centrale. «Mais en Suisse, regrette-t-il, peu nombreux sont ceux qui ont dénoncé ce coup d’Etat. C’est inadmissible quand on pense que les multinationales s’enrichissent aux dépens de la misère du monde».

Une autre vision politique

Les  grandes entreprises ne sont pas les seules à exercer une influence sur les relations entre la Suisse et l’Amérique latine. D’autres organismes s’y mettent. Pour Franco Cavalli, fondateur de mediCuba-Suisse et de l’Association d’aide médicale pour l’Amérique Centrale, il est important qu’une délégation suisse de haut niveau suive les élections au Venezuela. Car selon l’ancien député du Parti socialiste, «la Suisse, dans sa politique extérieure, a tendance à minimiser l’importance de l’Amérique latine».

Affirmation que dément le ministère suisse des Affaires étrangères. «Les intérêts économiques ont toujours revêtu une grande importance pour notre politique en Amérique latine, se défend Pietro Piffaretti, coordinateur régional pour l’Amérique du Sud au sein dudit ministère. La Suisse maintient d’ailleurs son engagement en faveur de la coopération et de la sécurité des populations dans cette région du monde».

Malgré les obstacles auxquels fait face l’Amérique latine  (inégalités, corruption, crime organisé…), on observe aujourd’hui une amélioration dans la mise en marche du processus démocratique, estime Pietro Piffaretti. Ce qui expliquerait le réajustement de la politique suisse au cœur de cette région.

L’Amérique latine, une histoire commune

La situation en Amérique latine a, en effet,  beaucoup changé. Pour preuve, le Paraguay. Ce pays a été obligé de quitter l’Union des Nations sud-américaines (UNASUR) et le Marché commun du Sud (MERCOSUR) à la suite du coup d’Etat contre Fernando Lugo. Une solidarité s’affiche donc entre les différents pays d’Amérique latine, encouragée, il faut le dire, par le président vénézuélien Hugo Chavez. Elle suscite différents commentaires.

Pour Fabio M.Segura, expert en relations internationales et consultant auprès de l’ONU et de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, «l’Amérique latine, avec son histoire et sa langue communes, avec aussi  ses défis similaires, gagnerait à renforcer la solidarité des ses nations si  elle veut trouver une place plus puissante dans le monde ».

«En Amérique latine, poursuit-il, on a repris les principes de la social-démocratie sous tous leurs aspects». Toutefois, Fabio M. Segura regrette la radicalisation de cette position face à toutes autres formes de gouvernement ou d’organisation économique, comme le capitalisme.

Le triomphe de l’espoir

Renforcer la solidarité souhaitée par Hugo Chavez fait naître un espoir, estime de son côté Franco Cavalli. Au cours de ces 20 dernières années, on a assisté, dit-il, à l’évolution de l’économie et des principes démocratiques, ainsi qu’au développement des droits de l’homme, de la santé et de l’éducation. Mais il reconnaît qu’il y a eu par ailleurs des contre-offensives qui, dans certains pays (Honduras, Paraguay), se sont exprimées par des coups d’Etat, et dans d’autres (Equateur, Bolivie) par des tentatives de coups d’Etat.

«Il est important, confie-t-il, qu’Hugo Chavez gagne les élections. Le président sortant a les moyens de faire face à ces contre-offensives. D’autre part, sa personnalité charismatique déclenche l’enthousiasme nécessaire à l’unification et à la libération de l’Amérique latine».

Le Conseil national électoral (CNE) vénézuélien a invité près de 200 observateurs étrangers à suivre l’élection présidentielle du 7 octobre, leur garantissant une liberté de mouvement totale dans tout le pays.   

La délégation suisse comprendra le sénateur Luc Recordon (Vaud), les députés Ada Marra (Vaud), Antonio Hodgers (Genève) et Mathias Reynard (Valais) ainsi que l’ancien député Franco Cavalli, l’ancien ambassadeur de Suisse au Venezuela Walter Suter (2003-2007) ainsi que le journaliste Sergio Ferrari.

L’avenir de l’Amérique latine selon German Mundaraìn Hernandez, représentant du Venezuela auprès de l’ONU et membre du Conseil d’Etat vénézuélien.

 

«Le 7 octobre se décidera non seulement l’avenir du Venezuela mais aussi celui de l’Amérique latine.  

Une  victoire de l’opposition signifiera la fin de l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les Amériques-Traité de commerce des peuples).

Elle mettra en péril PetroCaribe, une Alliance entre les pays des Caraïbes et le Venezuela.

Elle affaiblira l’Union des nations sud-américaines (UNASUR).

Elle fragilisera la Communauté des Etats latino-américains et caraïbes (CELAC) qui réunit aujourd’hui 30 nations et qui nécessita, lors de sa création en 2010, beaucoup de sacrifices.  

Elle pourra pousser le Venezuela à se retirer du Marché commun du Sud (MERCOSUR).

Indépendamment de la lutte entre Hugo Chavez et son opposant Henrique Capriles, il se profile, pour ces élections, un nouveau rapport de force au niveau régional».

(Adaptation de l’espagnol: Ghania Adamo)

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