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Un virage nécessaire mais tardif

Le patron de Credit Suisse Tidjane Thiam explique son remaniement de la banque, le 21 octobre. Keystone

Il était temps! C’est le commentaire que formulent ce jeudi la plupart des éditorialistes à propos du remaniement de Credit Suisse. Ils saluent le virage amorcé par le nouveau patron de la deuxième banque de Suisse, Tidjane Thiam, tout en estimant qu’il intervient tard.

«Le nouveau départ aurait déjà dû commencer il y a deux ans», juge l’éditorialiste du Bund et du Tages-Anzeiger. Il prend toutefois soin de souligner que l’erreur n’est pas celle du nouvel homme fort de la banque. «Le patron de Credit Suisse (CS) avait même gardé une petite surprise en réserve. Il veut faire entrer en bourse jusqu’à 30% de la division suisse de la banque, ce qui pourrait se révéler être une manœuvre intelligente.»

L’Aargauer Zeitung relève aussi la réaction tardive de la banque. «Pour beaucoup de commentateurs, tout cela vient beaucoup trop tard, et ne va pas assez loin.» Le quotidien argovien estime que CS s’est trop longtemps cru préservé. «En étant sortie gagnante de la crise financière, la banque semblait inattaquable. Cette insouciance, cette mauvaise estimation de l’évolution, cette arrogance, se paie maintenant. La banque doit absorber des capitaux frais dans le moment le plus inopportun.» Pour l’Aargauer Zeitung, la deuxième banque de Suisse ne se trouve pas en position de force.

«Choix audacieux»

«La banque entre enfin dans la nouvelle ère bancaire», salue le Temps. Pour le quotidien romand, Tidjane Thiam n’avait pas le choix, il devait réorganiser CS, considérant que la banque a réalisé «les pires performances boursières du secteur.»

Le Temps estime aussi que si le patron de la deuxième banque de Suisse semble pousser l’établissement «à prendre un virage sec, c’est aussi parce que son prédécesseur (réd : Brady Dougan) n’a pas pris la mesure du changement. Sortant la tête plus haute qu’UBS de la crise, Credit Suisse s’est fait devancer par sa rivale.»

Le Conseil fédéral serre la vis

Les grandes banques suisses continuent à faire peser trop de risques à l’économie. Le Conseil fédéral a décidé mercredi, 21 octobre, de renforcer les exigences auxquelles devront répondre les établissements dits trop grands pour faire faillite ou “too big to fail”. Pour les deux grandes banques internationales d’importance systémique (CS et UBS), le leverage ratio minimum devra passer, d’ici fin 2019, de 3,12 à 5%. Une législation a déjà été adoptée dans le sillage de la crise financière, mais de l’avis des experts et de l’Autorité fédérale de surveillances des marchés financiers (FINMA), elle ne suffira pas.

Tidjane Thiam se transforme même en «Barack Obama de la banque», dans l’éditorial de la Tribune de Genève, qui qualifie le remaniement de CS de «choix audacieux». Ce choix est celui de «lancer ses conseillers sur les traces des nouvelles fortunes d’Asie. En lâchant ou en rabotant les activités américaines, conquises au prix fort par ses prédécesseurs, le CEO du groupe zurichois opère aussi un virage à 180 degrés.»

Plus concurrentiel

La Basler Zeitung qualifie d’«absolument nécessaire» l’augmentation du capital de CS, qui porte sur plus 6 milliard de francs. Cela permettra à la banque d’être sur un pied d’égalité avec la concurrence en termes de fonds propres.

Toutefois, pour le quotidien, l’opération ne renforce pas seulement l’assise financière de la banque. «La régionalisation et la décentralisation de l’organisation montrent clairement où la croissance doit être accélérée.»

Un tournant douloureux

La presse suisse n’oublie pas de mentionner le prix de la réorganisation, soit les 5400 postes qui vont être supprimés, dont 1600 en Suisse. «Il pourra y avoir de la casse, même si l’ex-patron de l’assureur britannique Prudential estime que les réductions de postes pourront se faire «naturellement», sans licenciements», souligne le Temps. L’Aargauer Zeitung parle, lui, d’un «au revoir douloureux à l’ère Grübel et Dougan, si juste soit-il.»

La Regione Ticino, quotidien de Bellinzone, fustige la logique du capitalisme «qui depuis toujours essaie d’optimiser les profits en limitant les coûts.» Le journal italophone tire les conclusions de cette histoire: «Il faut faire plus avec moins de moyens. En d’autres termes, devenir plus concurrentiel et productif.»

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