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Macron, président par défaut ou président du renouveau?

Emmanuel Macron face à ses partisans dimanche soir dans le cour du Louvre. (AP Photo/Thibault Camus)

Entre espoirs et doutes, les éditorialistes de la presse suisse se demandent ce matin si le nouveau président Emmanuel Macron va vraiment pouvoir changer le jeu politique français. Unanimes, ils le sont par contre à se réjouir de la défaite de Marine Le Pen, candidate d’une extrême droite qui n’ose plus dire son nom.

«Emmanuel Macron, président ni de gauche ni de droite, ou de gauche et de droite, a annulé les références traditionnelles du combat politique dans l’Hexagone, note ‘La Tribune de Genève’». Et le combat électoral aura «laissé sur le carreau cette sorte de nomenklatura d’énarques qui depuis des décennies détient le pouvoir et se le passe, davantage préoccupée de ses intérêts propres que de ceux d’une majorité de Français».

Constat similaire de la ‘Berner Zeitung‘, qui relève que ce président de même pas 40 ans est un phénomène «totalement inédit dans un pays qui fut dirigé par des rois et des empereurs, des généraux et des chefs d’Etat accomplis comme Chirac et Mitterrand».

Pour ‘24 Heures’ également, ce jeune président qui a réussi en quelques mois ce que d’autres avaient pratiquement mis une vie à atteindre incarne «une nouvelle génération dans un pays où le paysage politique semblait figé». Et il apporte dans ses bagages des pistes «plus ou moins radicales» de changement.

Un banquier, oui et alors?

«Or donc, la France a élu un banquier président. Un financier social-libéral». Et pour ‘L’Agefi’, «c’est une excellente nouvelle. Emmanuel Macron connaît le monde réel, lui. A l’inverse de la classe politique française qui tente de le flinguer depuis 18 mois. Il connaît les entreprises, qu’elles soient françaises, européennes, ou suisses».

Pour le quotidien économique, donc, «Macron est l’homme dont la France a besoin. Ni de droite, ni de gauche, juste libéral. Car les entrepreneurs n’ont pas besoin d’élus ‘de droite’. La droite étatiste et nationaliste, par exemple, est un obstacle pour un entrepreneur».

Moins enthousiaste, la ‘Basler Zeitung’ se demande comment décrire le nouveau locataire de l’Elysée. «Elève modèle, petit génie, OVNI politique?, ou, de manière moins révérencieuse ‘bébé de Hollande’?» Pour le quotidien conservateur, il ne fait pas de doute que le nouvel élu «se comparerait plutôt à ses modèles Kennedy ou Obama». Reste que «ses compatriotes n’ont pas tous la même image de de lui» et qu’à l’étranger, il passe encore largement pour «une page vierge».

Président par défaut

Reste que cette élection aura connu le plus fort taux d’abstention et de bulletins blancs et nuls de l’histoire de la Ve République. Ce qui selon la formule de ‘La Liberté’ fait d’Emmanuel Macron un «président par défaut», qui de plus doit son succès «à l’empêchement successif de tous ses rivaux potentiels, à droite comme à gauche».

Pour le quotidien fribourgeois, le héraut d’En Marche!, qui de plus a «drainé un puissant vote utile pour faire barrage à Marine Le Pen», doit maintenant réussir à réformer la France, car l’échec lui est interdit, «sous peine dans cinq ans, de voir le Front national porté à un nouveau niveau historique ou pire encore, jusqu’au pouvoir».

Des doutes également pour le ‘Corriere del Ticino’, qui voit Emmanuel Macron confronté «au risque qui guette tous ceux qui se présentent comme la nouveauté du moment: celui de la concrétisation. Le risque voir les changements annoncés rester de vaines promesses, les problèmes de nombreux Français subsister, que les espoirs laissent la place à la désillusion et que le pays reste bloqué dans ses vieilles dynamiques internes, si peu productives».

Pour la ‘Neue Zürcher Zeitung’, même si «la raison a triomphé au pays de Descartes», le nouvel élu reste «un président faible, pour des raisons personnelles et institutionnelles».

Les législatives – gagner encore au troisième tour

En effet, explique ‘Le Temps’, «la Ve République laisse peu de chance à un chef de l’Etat sans majorité à l’Assemblée nationale». Et de se demander «quelle dynamique Emmanuel Macron va insuffler dans un pays encore sous état d’urgence pour gagner suffisamment de sièges lors des législatives? Ses premières décisions, ces prochains jours, vont s’avérer décisives, notamment en ce qui concerne la nomination de son premier ministre».

«Rien ne sera facile, avertit le quotidien lémanique. La magie qui a finalement réussi à opérer ce 7 mai 2017 a aussi montré ses limites durant la campagne». Le nouveau président doit maintenant «profiter de l’explosion des grands partis pour emporter dans son élan des politiciens de qualité et faire, enfin, de la politique autrement. Un gouvernement de coalition permettrait à la France de se lancer dans le plus excitant projet politique qu’elle ait connu depuis des décennies».

Pour cela, il faudra gagner les législatives de juin, véritable troisième tour de l’élection. Pour ‘24 Heures’, «la cohérence voudrait qu’il faille donner à ce parti un parlement qui lui permette véritablement d’être ‘En Marche!’ sur ses deux jambes. Sinon, l’expérience Macron, à l’instar de ce que fut celle d’Obama, ne pourra déboucher que sur de nouvelles frustrations».

«Le pire a été évité»

La victoire d’Emmanuel Macron, c’est aussi la défaite de Marine Le Pen. Quinze ans après son père, la candidate du Front national a certes réussi à doubler l’électorat de son parti, mais «le troisième coup d’Etat populiste après le Brexit et l’élection de Donald Trump ne s’est pas produit, relève la ‘Berner Zeitung’. Et heureusement, car pour le quotidien bernois, il est simplement «inimaginable de penser à ce qui se serait passé si Marine Le Pen était parvenue à l’Elysée: à Paris, mais aussi à Bruxelles, rien ne serait resté debout».

Pour 24 Heures, le FN «a une nouvelle fois prouvé qu’il n’avait trouvé ni candidat présidentiable ni programme crédible. Il a même fait peur à une certaine frange de la droite conservatrice. La mauvaise campagne d’entre-deux-tours de Marine Le Pen pourrait potentiellement marquer le début d’une nouvelle guerre des clans en son sein».

«Le pire a été évité, le choc a échoué. L’extrême droite xénophobe et haineuse n’est pas arrivée à la tête de la France, nation de la culture et puissance économique», se réjouit également le ‘Blick’. Mais si la défaite de Marine Le Pen est «un soulagement pour l’Europe, le nationalisme extrême, autoritaire, même sous une apparence féminine, reste puissant», avertit le quotidien de boulevard alémanique.

Le ‘St. Galler Tagblatt‘ salue lui aussi cette défaite du populisme de droite «qui échoue en France comme il avait échoué à la présidentielle autrichienne et aux législatives aux Pays-Bas». Pour le quotidien de Suisse orientale, il faut maintenant espérer qu’en Allemagne, l’AfD «sera elle aussi balayée lors des législatives de cet automne». Et ici, «la recette est simple: il faut que tous ceux qui sont pour une société ouverte et un Etat de droit démocratique fassent entendre leur voix, et la portent jusque dans les urnes».

Les Français de Suisse clairement En Marche!

Plus importante communauté française établie hors des frontières de l’Hexagone, les Français de Suisse ont littéralement plébiscité Emmanuel Macron pour ce 2e tour de la présidentielle. Il recueille près de 85% des voix en Suisse romande, et même 90% en Suisse alémanique.

Dans le détail, le nouveau président obtient 44’944 des 53’107 suffrages exprimés au consulat de Genève et 9776 des 10’889 voix décomptées à celui de Zurich. La participation est respectivement de 53 et 51% et le nombre de bulletins blancs et nuls est de 2663 à Genève et 303 à Zurich.

Globalement, 89% des 1,2 million d’électeurs français inscrits à l’étranger ont voté pour Emmanuel Macron, avec tout de même plus 25’000 bulletins blancs et nuls.

(source: ats)

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