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Le burn-out ne sera pas reconnu comme maladie professionnelle

Une femme pleurent devant son écran d ordinateur, un téléphone à la main
Environ 30% des Suisses affirment se sentir épuisés au travail, et leur nombre est en constante augmentation. Keystone / Oliver Berg

L’assurance-accidents ne prendra pas en charge l’épuisement professionnel. Le Parlement considère que le lien de causalité entre travail et burn-out est difficile à prouver.

La proportion de Suisses qui se sentent épuisés au travail se monte à environ 30% et est en constante augmentation, d’après le Job Stress Index 2018Lien externe. Les personnes victimes d’un burn-out sont aujourd’hui prises en charge par l’assurance-maladieLien externe. Une procédure inadéquate estime le député socialiste Mathias Reynard, qui souhaite que le burn-out soit reconnu comme maladie professionnelle et couvert par l’assurance-accidentsLien externe.

Son initiative parlementaireLien externe n’a toutefois pas convaincu le Conseil national (Chambre basse), qui a rejeté la proposition. La majorité des députés relève que le lien de causalité entre le burn-out et l’activité professionnelle est difficile à prouver. Elle préfère privilégier les programmes de prévention mis en place par l’économie privée plutôt que transférer la responsabilité à l’assurance-accidents. Entretien avec Mathias ReynardLien externe.

swissinfo.ch: Quelle est votre réaction face au refus du Parlement?

Mathias Reynard
Mathias Reynard est conseiller national socialiste depuis 2011. Il s’engage notamment pour de meilleures conditions de travail pour les salariés et davantage d’égalité entre les femmes et les hommes. © Keystone / Alessandro Della Valle

Mathias Reynard: J’ai tenté de convaincre mes collègues, mais c’est difficile car, pour la droite, il s’agit d’une question de responsabilité individuelle. Elle considère que celui qui fait un burn-out est quelqu’un d’un peu fragile, qui a un problème personnel. La droite préfère se cacher derrière la complexité du phénomène pour ne rien faire.

Pourquoi la situation actuelle n’est-elle pas satisfaisante, selon vous?

L’assurance-maladie ne prend pas directement en charge l’épuisement professionnel, car ce diagnostic n’existe ni dans notre législation, ni dans notre pratique. Une personne qui fait concrètement un burn-out va essayer de se faire mettre en arrêt maladie pour une dépression, alors qu’un burn-out n’est pas une dépression. Il y a déjà un problème de manque de reconnaissance. Nous sommes face à un phénomène de société qui a une ampleur énorme, et il est fou de constater que c’est la première fois que le Parlement se prononce sur une telle initiative. Il y a un décalage entre ce que vivent les gens et les réactions politiques sur le sujet.

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Qu’est-ce que cela apporterait de considérer le burn-out comme maladie professionnelle?

Cela permettrait déjà de reconnaître le problème. Le burn-out serait inscrit dans la liste des maladies professionnelles et on éviterait ainsi cette sorte de culpabilisation des gens à qui cela arrive. L’autre avantage, c’est que dès le premier jour vous avez une prise en charge par l’assurance-accidents et que vous profitez ensuite de meilleures mesures de réinsertion. Et puis nous aurions des chiffres, parce que vous avez une obligation d’annonce. Donc non seulement l’entreprise va être au courant, mais l’assurance également. Si des cas à répétition se déroulent dans une même société, il y aura des signaux d’alerte et on aura une possibilité d’agir. 

Cette reconnaissance du burn-out par l’assurance-accidents permettrait aussi de responsabiliser les entreprises et de les pousser à mettre en place des mesures de prévention. Aujourd’hui, c’est un peu la collectivité qui supporte cela, via nos primes et via les personnes elles-mêmes qui doivent bricoler pour faire reconnaître leur burn-out comme une dépression.

Comment parvenir à déterminer que le burn-out est véritablement causé par l’activité professionnelle?

L’assurance-accidents possède déjà une procédure qui permet d’identifier s’il y a un problème ou non, et s’il relève du privé ou du professionnel. C’est là que se situe toute la différence entre un burn-out et une dépression: si la personne fait une dépression, elle ne sera pas reconnue pas l’assurance-accidents. Aujourd’hui, on part du principe que tous les burn-outs sont des dépressions, alors que ce n’est pas le cas.


Reconnaissance du burn-out

En Suisse, l’épuisement professionnel ne figure pas en tant que tel dans les classifications médicales. Les personnes qui souffrent d’un burn-out consultent généralement leur médecin pour traiter certains symptômes, par exemple une fatigue chronique, des insomnies ou des douleurs physiques. Elles sont généralement mises en arrêt maladie pour dépression, alors que l’épuisement professionnel n’est pas considéré comme une pathologie mentale, mais plutôt comme une conséquence négativeLien externe d’un stress chronique lié à l’activité professionnelle.

La reconnaissance du burn-out est toutefois en train d’évoluer. La nouvelle édition de la Classification internationale des maladiesLien externe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) place le burn-out dans la catégorie des problèmes liés au travail et non plus dans ceux liés à la gestion de la vie personnelle. L’épuisement professionnel y est décrit comme le résultat d’un stress chronique sur le lieu de travail. La classification de l’OMS précise que le burn-out qualifie un phénomène spécifique au contexte professionnel et qu’il ne doit pas être utilisé pour décrire des expériences dans d’autres domaines.

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