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Saturne et Cie

Saturne, test d'amour à tenter avec le changement de formule... Saturne

Avec un nouveau format, Saturne, le magazine impertinent, change de look et de rythme de parution. De bimestriel, le voilà qui devient hebdomadaire.

Rolf Kesselring, écrivain et ancien éditeur, s’est penché sur ce journal qui va dans le sens de la presse qu’il apprécie, celle qui va «à contresens de la correction journalistique».

J’ai toujours aimé la presse, les journaux, les revues, les magazines. À une époque de ma vie, j’en ai même publiés. Depuis, ce vice ne m’a jamais quitté et même Internet n’a jamais réussi à me lasser de ces longues minutes passées à compulser tous ces millefeuilles colorés étalés aux vitrines des kiosques.

L’odeur du papier, de l’encre, le miracle de la découverte de tel article ou telle information me procuraient, à chaque fois, une incroyable ivresse.

Et je ne parle pas de cette immense possibilité de dire «sa» vérité dans les colonnes d’un follicule local ou de faire imprimer sa propre gazette, et qui me rendait la vie enthousiasmante.

Des milliers…

Je dis tout ceci à l’imparfait, car, aujourd’hui, le dégoût me prend souvent devant cet étalage racoleur et, du coup peu appétissant. La conformité ambiante, due sans doute aux concentrations verticales des entreprises de presse, ont épuisé mon enthousiasme, tué ma jubilation.

L’histoire de la presse, en Suisse, est une longue histoire. Elle était pétrie de liberté d’opinion et d’expression. Chaque vallée, chaque ville, avait son journal plus ou moins périodique, du quotidien au follicule marginal. Il en existait des milliers à la fin des années 60, dans toute la Confédération! Des milliers plus deux ou trois dont j’étais le fondateur et l’animateur!

Les vieux de la vieille

Avant, il y en avait eu quelques autres, l’Étincelle de Morges, l’antique Nebelspalter de Bâle, sans oublier tous les moqueurs de carnaval, des brandons, et autres fêtes locales et coutumières.

En 1969, agacé par les initiatives populaires xénophobes des Schwarzenbach et consort d’extrême-n’importe-quoi, j’avais, avec l’aide de quelques bougres, fondé «La Pomme», journal pourri et véreux, pour fustiger la stupidité de ces extrémistes en mie de pain.

Ensuite, il y eut «Le Clairon du Nord», puis «CH…ut ! hebdo». Sans oublier «La Pilule» de Narcisse-René Praz, dissident de «La Pomme», et le genevois «Hebdo» (non non, rien à voir avec «L’Hebdo» actuel) qui se voulait aussi insolent que politiquement peu correct.

Une nouvelle planète

Et puis, il y a environ deux ans, toujours aussi déçu par la presse de mon pays, je remarquai le numéro 1 d’un objet très identifié, puisque le titre, «Saturne», s’affichait sur toute la surface de sa couverture. Un format impossible et pourtant très élégant, des articles curieux, imaginatifs et impertinents, firent frétiller mes neurones engourdis. On était loin, de la presse habituelle.

Dès lors, j’ai suivi, d’un oeil de plus en plus intéressé, la progression de cet étrange quinzomadaire (ou bimensuel, si vous préférez) qui détonait dans le paysage de la presse helvétique.

Quelquefois déçu, souvent surpris, je retrouvais peu à peu le plaisir de lire autre chose que cette presse conventionnelle où les pages économiques le disputaient à celles prétendument people, ne laissant à des articles plus surprenants que la portion congrue qu’on abandonne habituellement aux pauvres d’esprit.

Carreau de riche

Là, dans Saturne, ce «carreau de riche» — c’est ainsi que j’appelai, aux temps où j’étais encore éditeur, ces grands formats carrés tellement suggestifs — je découvrais des esprits folâtres qui excitaient mon cerveau congelé. Jugez! Des articles qui grinçaient sur cette mode du «tous à poil sur les calendrier»! Des éditoriaux d’Ariane Dayer (la patronne) intitulés: «Réveille-toi, Napoléon» ou «Mort aux vaches»!

Du coup, je me réveillais, moi aussi, à cause de ce minuscule séisme, jouissif en diable, qui me secouait tout entier. Je me sentais prêt à décoller pour cette planète de papier. Maître du plagiat, je paraphrasais déjà le poète, en me disant qu’elle porte un joli nom cette revue: Saturne…

Il ne nous reste, alors, qu’à souhaiter bonne et longue route à la nouvelle formule, et vous avoir communiqué l’envie d’aller faire un tour sur cette planète de papier nouvelle formule.

swissinfo, Rolf Kesselring

«Saturne», jusque là bimensuel, devient hebdomadaire dès son prochain numéro, qui sort le 3 février.
Du même coup, il change de format: le format carré qui le caractérisait est abandonné au profit d’un format tabloïd et d’un papier moins luxueux; son prix passe de 6 à 4 francs.
Le 1er numéro de Saturne était sorti le 5 mars 2004.

– C’est la journaliste Ariane Dayer (41 ans) qui est à l’origine de l’aventure «Saturne».

– D’origine valaisanne, elle a auparavant travaillé comme correspondante parlementaire à Berne pour L’Hebdo, dont elle est devenue la rédactrice en chef de 1997 à 2002.

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