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Dans les entrailles d’une centrale nucléaire

La centrale de Leibstadt (Argovie) produit un 6e de l’électricité en Suisse KKL

Alors que le gouvernement suisse a décidé de sortir progressivement du nucléaire, les propriétaires de centrales invitent régulièrement des journalistes pour les visiter. swissinfo.ch s’est rendu à Leibstadt, la plus puissante et moderne des quatre centrales atomiques construite en Suisse. Visite guidée.

En 2011, la catastrophe de Fukushima provoque la plus grande manifestation anti-nucléaire en Suisse depuis 25 ans, avec des ONG comme Greenpeace appelant à la fermeture des centrales suisses, considérées comme un risque inacceptable pour l’environnement et pour l’humanité.

Dans la foulée de l’accident nucléaire au Japon, le gouvernement décide d’abandonner progressivement la production d’énergie nucléaire en Suisse. Une décision forte, jugée insuffisante par les écologistes qui ont lancé une initiative populaire appelant à une sortie programmée de l’énergie nucléaire sur laquelle les citoyens suisses doivent encore se prononcer. Et ce alors que, selon une enquête menée en 2012, seul un quart de la population suisse estime que l’utilisation de l’énergie nucléaire justifie les risques encourus.

Raison pour laquelle, le lobby nucléaire joue la transparence en organisant, par exemple, des visites de presse de ses installations. Avec une douzaine de collègues, je pénètre dans la centrale nucléaire de Leibstadt à l’arrêt, pour permettre l’inspection des installations et l’échange d’un cinquième des éléments combustibles

 

La centrale nucléaire de Leibstadt est située dans le canton d’Argovie en Suisse, en bordure de l’Aar et du Rhin.

C’est la centrale la plus récente de Suisse. Elle a été mise en service le 15 décembre 1984. Elle dispose d’un réacteur à eau bouillante.

En 2006, la centrale de Leibstadt a produit 9 367 GWh, soit 35,7 % de la production d’électricité nucléaire de la Suisse. Elle fournit aussi de la vapeur à l’industrie.

Bâtir pour l’avenir

«Cette centrale est une construction d’avenir. Elle doit rester opérationnelle au moins jusqu’en 2045, assure son directeur Andreas Pfeiffer. Même si la Suisse veut sortir du nucléaire, nous devons veiller à ce que les centrales fonctionnent en toute sécurité jusque-là.»

Sécurité, le mot n’est pas vain avec une énergie qui dégage des doses mortelles de radioactivité.

Nous sommes au pied du dôme en béton qui recouvre le confinement en acier recouvrant le réacteur nucléaire. Une protection conçue pour résister aux ouragans, aux tremblements de terre et aux avions qui s’y précipiteraient.

Une fois à l’intérieur, j’aperçois le sommet en alliage d’acier de la cuve intérieure de 600 tonnes. Andreas Pfeiffer, explique que le réacteur est comme une cocotte-minute géante. Il a un diamètre de six mètres, des murs d’acier de 16 centimètres d’épaisseur et produit et 3’600 mégawatts.

Le directeur de la centrale explique que les 16 mètres d’eau qui remplissent la piscine lors des échanges des barres de combustible sont suffisants pour bloquer son rayonnement.

Le réacteur nucléaire de Leibstadt en phase maintenance swissinfo.ch

Les risques de catastrophe

Andreas Pfeiffer tient à expliquer les principales différences entre la centrale de Leibstadt et celles de Tchernobyl et de Fukushima. La centrale de Tchernobyl n’avait pas d’enceinte de confinement et la conception du réacteur défectueux a entraîné une réaction en chaîne incontrôlée.

La centrale de Fukushima était dotée de réacteurs du même type que celui de la centrale de Leibstadt, reconnaît le directeur, tout en assurant qu’elle avait des défauts de construction et que les ingénieurs avait sous-estimé l’ampleur des tsunamis et les risques de tremblement de terre.

En cas de crue, la centrale de Leibstadt serait encore 16 mètres au-dessus du niveau maximum de l’eau dans le pire des cas. Comme les secousses les plus fortes mesurées en Suisse ont atteint une magnitude de 7 sur l’échelle de Richter, un séisme de magnitude 9 comme celui qui a frappé le Japon en 2011, ne pourrait pas arriver en Suisse, selon le directeur qui admet que le risque zéro n’existe pas.

Nous changeons de salopette une deuxième fois, avant de prendre un ascenseur qui nous emmène de 13,5 mètres à 28,5 mètres dans l’enceinte de confinement.

Nous passons par un sas qui permet de maintenir la pression à l’intérieur de la cuve à un niveau inférieur pour empêcher la poussière et les particules de s’échapper. Je ne peux pas sentir la décompression. Je me rends compte que je n’aurais pas non plus été capable de sentir le rayonnement ou de la contamination. Je ne sais pas si mes collègues visiteurs ont des pensées similaires, mais nous gardons tous notre calme.

La centrale nucléaire de Leibstadt est équipée de systèmes de sécurité dupliqués jusqu’à cinq fois.

Si un instrument mesure une valeur critique, le réacteur s’arrête automatiquement.

La conception des centrales nucléaires comprend des protections faites de couches de béton et d’acier qui bloquent le rayonnement.

Le séjour à l’intérieur de la zone radioactive est réduit au minimum. Les vêtements et les chaussures sont changés parce que la poussière se dépose sur les fibres. Nul ne peut ingérer des aliments ou des boissons, ou utiliser les toilettes.

L’absorption des particules radioactives dans les poumons ou l’estomac constitue le risque principal. La tuyauterie du réacteur est un système fermé.

Surveillance

J’en profite pour demander à Andreas Pfeiffer comment il a fini par travailler pour la centrale suisse:

«Je travaillais pour Alstom quand on m’a proposé de diriger cette centrale nucléaire. Au début, je n’étais pas vraiment sûr de rejoindre l’industrie nucléaire. Dans ma jeunesse, j’avais protesté contre les armes nucléaires. Mais j’ai fini par  accepter le poste, fasciné par cette technologie.»

Le directeur nous fait lire nos dosimètres qui ont enregistré la dose de rayonnement que nous avons reçu. J’ai une dose de quatre micros Sievert, moins que celle reçue lors d’un vol intercontinental, selon Andreas Pfeiffer.

Me voilà rassurée. 

La dose de rayonnement dépend de la puissance de la source, de la distance et de la durée d’exposition.

En Suisse, la population reçoit moins de 0,3 mSv / h de rayonnement naturel. Les mesures les plus élevées – 0.5 mSv / h ont été relevées près de Piz Giuv dans le canton des Grisons. Le rayonnement cosmique sur un vol de Zurich à New York est de 25 mSv / h. Les travailleurs du nucléaire sont exposés jusqu’à 25 mSv / h.

L’effet des rayonnements sur l’homme n’est pas prévisible, mais environ la moitié des personnes exposées à 4 Sv / h meurt.

Après l’explosion, le rayonnement dans la salle de contrôle de Tchernobyl a atteint 300 Sv / h.

Adaptation de l’anglais: Frédéric Burnand

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