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Les voitures qui ne manquent pas d’air

Etonnant, non ? Le 23 novembre, l'AIRPod de MDI était à l'EPFL à Lausanne. Keystone

Dès le printemps, les petites voitures du français MDI seront aussi produites en Suisse, sur l'ancien site de la Boillat, à Reconvilier, déserté par Swissmetal. Marchant à l'air comprimé, propres et bon marché, elles ambitionnent de nous faire penser la voiture autrement.

Après le Salon de l’Auto en mars à Genève, l’AiRPod est venue à fin novembre faire un tour sur l’esplanade de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), pour marquer la signature d’un partenariat de recherche visant à optimiser les systèmes de remplissage des réservoirs d’air.

A voir évoluer ce drôle de petit œuf coloré avec ses fenêtres rondes, on pense… à celui de Colomb.

Car ce n’est pas sa forme qui rend cette petite voiture à trois places révolutionnaire (après tout, elle ressemble un peu à une Smart), c’est bien son mode de propulsion, uniquement à air comprimé, sans rejet du moindre polluant.

L’idée ne tombe pas du ciel. La technologie existe depuis deux siècles. Guy Nègre, fondateur de MDI, en a passé presque un demi à construire des moteurs. Pour la Formule 1, pour l’aviation et pour la mythique Renault 8 Gordini notamment.

Potentiel mondial

A la fin des années 90, il commence à s’intéresser au moteur à air, qu’il va tout naturellement proposer en 2003 et 2004 aux géants de l’industrie automobile française.

Mais il tombe mal. Il est éconduit plus ou moins poliment. Les Indiens par contre prennent l’idée au sérieux. Pendant plus de deux ans, les ingénieurs du groupe Tata viennent chez Guy Nègre à Nice, pour évaluer, tester, observer la technologie et ses développements.

En 2007, le géant de Mumbai (leader sur son marché domestique, mais aussi un des plus gros fabricants mondiaux de camions et d’autobus) prend une licence sur les moteurs de MDI qu’il va développer en Inde. Et pose dix millions d’euros sur la table.

Tata n’est pas le seul. A ce jour, une cinquantaine de licences ont été acquises dans le monde pour des usines MDI. Dont une par l’avocat genevois Henri-Philippe Sambuc, fondateur de Catecar, qui fabriquera les véhicules à air en Suisse.

«Artisanat industriel»

«Il n’y a pas que la technique qui soit révolutionnaire dans cette voiture. Le business plan l’est aussi, explique Me Sambuc. La philosophie, c’est produire ce qui est vendu, près du consommateur. Pas de stocks, pas de concessionnaires, pas de logistique. C’est une sorte d’artisanat industriel».

Pas d’usine géante MDI donc, mais une multitude de petites usines réparties dans le monde, dans lesquelles on fabrique les voitures à 80% (le solde étant les pièces préfabriquées ailleurs), au fur et à mesure des commandes. Et on les vend sur place, épargnant ainsi les frais et la pollution liés aux transports.

Ainsi, annonce le constructeur français sur son site Internet, chacun peut se lancer comme concessionnaire/fabricant/associé et ouvrir son usine MDI. Une usine qui ne nécessiterait – pour la même production – qu’un quart du volume d’une usine automobile classique, un cinquième de l’investissement, mais… 30% d’employés en plus.

Boillat, la renaissance

En l’occurrence, la nouvelle est plutôt bonne pour l’usine à demi-désaffectée du groupe Swissmetal à Reconvilier, dans le Jura Bernois, qui avait vu en 2006 une des grèves les plus longues de ces dernières années en Suisse.

C’est là en effet que Catecar doit installer ses chaînes de montage au printemps 2010. «Il nous reste 15 millions de francs à trouver, et je m’emploie à convaincre quelques personnes qui ont de l’argent», confirme Henri-Philippe Sambuc, très confiant quant à l’issue de sa quête.

Lorsqu’elle tournera en plein, l’usine doit employer 120 personnes et produire – essentiellement avec des robots – trois à quatre véhicules à l’heure (contre un à la minute dans une usine automobile classique).

Chez Catecar, on est optimiste. Le marché potentiel est énorme: ces petites voitures, qui serviront davantage à aller faire ses courses ou prendre le train qu’à se déplacer d’une ville à l’autre, devraient se vendre comme des petits pains, surtout avec leurs prix canon (prix annoncé: dès 9000 francs).

Et il n’y a pas que le marché des particuliers. «Pensez qu’il y a déjà 2500 entreprises en Suisse qui ont pris un abonnement au système de car-sharing de Mobility», rappelle Me Sambuc. Sans oublier les collectivités publiques.

La première usine de MDI France a déjà reçu 40’000 précommandes avant même d’avoir commencé à tourner. «Ils ne vont pas pouvoir suivre, c’est nous qui allons produire», affirme le patron de Catecar.

Le plein d’air

Reste tout de même une question: comment (et où) fait-on le plein d’air comprimé ? MDI livrera avec ses voitures un mini-compresseur qui permet de «gonfler» le réservoir en une nuit. Mais cela ne suffit évidemment pas.

Il faudra donc des stations de remplissage. En Suisse, Catecar se propose de passer contrat avec 200 garages afin de monter un premier réseau. Chacun investira quelque 30’000 francs dans un «gros» compresseur, qui permet de faire le plein en trois minutes pour 6 à 8 francs.

Pour Henri-Philippe Sambuc, trouver ces 200 garagistes sera «très facile», en ciblant les garages indépendants. Ce n’est donc pas à la station-service habituelle que l’on pourra faire le plein d’air.

Quelques gouttes d’essence

Et pour qui ne veut pas le faire tous les 150 à 200 kilomètres, MDI développe déjà de plus grosses voitures, où l’utilisation d’un peu de carburant (quelque 2 litres aux 100 km) permet de comprimer l’air ambiant tout en roulant.

Ici, pas de moteur à piston, mais une simple chambre de combustion qui chauffe l’air et où l’essence, le gaz ou toute autre combustible brûle presque intégralement – alors qu’un moteur à explosion n’en brûle qu’un cinquième.

Du coup, pas ou presque pas d’oxydes d’azote ni de poussières fines. Juste un peu de CO2. Pour une autonomie promise de 800 kilomètres.

Marc-André Miserez, swissinfo.ch

AIRPod. Air comprimé uniquement. Une sorte d’œuf aux fenêtres rondes, 3 places, 220 kg, autonomie 220 km, vitesse maxi 70 km/h, 9000 francs environ.

OneFlowAIR. Bi-énergie, air comprimé et carburant. Déclinable en plusieurs versions, 3 à 5 places, 320 kg, autonomie 800 km, vitesse maxi 130 km/h, 12’000 francs environ.

Toujours en lutte avec l’énergie dominante du moment – successivement le charbon, le pétrole, le gaz et désormais l’électricité – la technologie de l’air comprimé n’a pas connu un développement continu. Elle n’en est pas moins presque aussi ancienne que le moteur à piston.

1812 Dépôt du premier brevet en Angleterre pour un système de stockage d’énergie par air comprimé sous haute pression.

1840 La première locomotive à air comprimé roule à Paris.

1876 Les tramways à air apparaissent à Paris. Suivront Nantes, Berne (dès 1890, entre la Fosse aux ours et la gare), Vichy, Aix-les-Bains, La Rochelle et Saint-Quentin. Ces engins silencieux et propres sont également utilisés dans les tunnels en percement et dans les mines, où l’atmosphère ne tolère ni fumée ni poussières. Ils desserviront les Halles de Paris jusqu’en 1933.

1896 Mise sur le marché aux Etats-Unis d’une locomotive à air qui circulera à des milliers d’exemplaires dans les mines et les usine du pays, jusque dans les années 1930. D’autres constructeurs dans le monde entier ont produit en grande quantité des machines similaires. Elles ont roulé jusqu’aux années 1950.

Selon les chiffres 2005 de l’Office fédéral de la statistique:

12% des déplacements en voiture se font sur de moins de 1 km, 30% sur moins de 3 km, 33% seulement dépassent les 10 km.

L’automobiliste suisse parcourt en moyenne 30 km par jour s’il vit en milieu urbain (ce qui est le cas de 2/3 de la population) et 53 km s’il vit à la campagne.

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